Elle l’a fait. Partie à peine majeure se jeter à corps perdu dans un milieu showbiz pas supra, supra, accueillant pour une femme – et sans la “baraka” (bénédiction) de ses parents – Nawell Madani, toujours la niaque, a gravi les échelons jusqu’à arroser de vannes les plus prestigieuses salles francophones. Le Cirque Royal à Bruxelles, l’Olympia chez nous.
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Mais qu’il en a fallu, du chemin, pour en arriver là. Son parcours cabossé, la mère des “Instawell” et ex-chroniqueuse du Grand Journal le raconte dans un one-woman-show : C’est moi la plus belge de toutes. Un spectacle autobiographique très hip-hop, où les anecdotes perso parfois douloureuses (passage ingrat à l’adolescence, échecs retentissants…) côtoient des improvisations explosives. Gare à toi, public, ça va chauffer ! À voir sur Prime Video.
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La “stagiaire” de la famille – rude !
Quelle star. Nawell Madani déboule sur scène en majesté, au beau milieu d’une troupe de danseurs, hit de Bruno Mars en fond. Manière d’annoncer la couleur : le spectacle sera du genre rythmé. Pas question de rester plan-plan et d’écouter sagement, non. Ici, on applaudit franchement, on dodeline de la tête quand les stéréos crachent La Boulette (Diam’s dans nos cœurs), on n’a pas peur de répondre à l’humoriste lorsqu’elle nous tient en joue.
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D’ailleurs, à peine le show a-t-il commencé que Nawell fait feu. “Miskina c’est ton deuxième prénom à toi”, balance-t-elle à une spectatrice qui a eu le malheur de lui avouer qu’elle était chargée de ramener ses copines en voiture. Mais que personne ne se vexe. Les vieux réflexes de stand-uppeuse prennent le dessus, voilà tout. Style piques autour des incontournables “y’a des couples ce soir ?” ou “est-ce que y’a des gens qui viennent du ghetto ?” De grands classiques de l’impro qui laissent rapidement place à plusieurs sketchs.
Nawell campe un agent du FBI en ligne directe avec le “service événementiel” d’Al-Qaïda, une hôtesse d’avion un brin baroque puis son propre rôle. Mais avant, bien avant. Tour à tour, l’humoriste incarne sa mère, son père, sa grand-mère, ses sœurs, son frère pour raconter une enfance au sein d’une “famille nombreuse” où elle occupait le rôle de “stagiaire”. Comprenez, une fille à tout faire. Exemple : il n’y a pas de télécommande ? Pas grave, elle “est” la télécommande. Aïe.
Carrière râpée en danse pro, irrésistible ascension sur les planches
Au moment de regarder dans le rétroviseur des années écoulées, Nawell n’oublie rien. Ni le choc des menstruations dans son enfance de “garçon manqué”, ni le “chamboulement hormonal” avec “les seins qui poussent pas en même temps, pas dans le même sens”. “Dur de devenir une femme”, résume-t-elle, avant de décrire les épreuves d’une adolescence passée dans un environnement où “on n’a qu’une émotion, la colère”. Et où sa passion – la danse – est perçue comme une voie royale vers la dépravation.
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Pour celle qui avait l’habitude de mater discrétos MTV en se rêvant performeuse auprès des queens de la pop d’alors, cette répulsion familiale est un coup sévère. Mais pas assez pour la décourager. L’humoriste détaille par le menu, et à l’appui de chorégraphies narratives décapantes, son arrivée à Paris, du côté de Châtelet – la place forte des cultures urbaines de la capitale.
Il y a eu l’effervescence des rencontres, la compétition pro aux États-Unis. L’aventure avec un grand A, quoi. Et puis le manque de ressources financières s’est fait sentir, les échecs se sont empilés. Il a bien fallu songer à une reconversion. Jusqu’à fermer définitivement la porte à la scène ? Pas question.
À la comédienne de narrer ses premières leçons d’interprétation au cours Pygmalion, son entrée au Jamel Comedy Club, et sa pénible progression dans un milieu encore gangrené par le sexisme. Eh oui, “dur d’être une femme dans un milieu d’humoristes”. Mais mission accomplie. Nawell enchaîne les spectacles, joue l’hoster, fait salle comble. Seule ombre au tableau, et pas des moindres : l’absence de son père.
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La plus belle des reconnaissances
Ce parent qui avait décidé, une poignée d’années auparavant, de couper les ponts après avoir vu l’un de ses sketchs. “Plus je montais dans le métier, plus je perdais mon père”, se remémore douloureusement la comédienne. Mais le récit de Nawell a des allures de conte. Et comme tout conte qui se respecte, celui-ci se termine dans la joie. Un soir, son père la surprend dans sa loge tandis qu’elle se prépare à monter sur les planches.
Oui, il vient la voir. Évidemment, qu’il est là pour “la soutenir”. Et bien sûr qu’il aimerait devenir son “futur producteur”. Tout est bien qui finit bien, même si, sur ce dernier point, on ne dispose d’aucune nouvelle tangible. Les années passées, Nawell a multiplié les incursions dans le cinéma. C’est tout pour moi, 8 rue de l’Humanité… Pas certain que le père de la comédienne ai supervisé les castings mais, à coup sûr, ces apparitions sur grand écran ont fait sa fierté. Jackpot, Nawell !
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