À l’accoutumée, les titres de la “filmographie Tarantino” sont plutôt du genre explicite. Ainsi, Jackie Brown et Django Unchained font référence à des protagonistes principaux, tandis que Boulevard de la Mort, Kill Bill ou encore Les Huit Salopards renvoient à des éléments-clés du scénario. Dans l’ordre : une course poursuite sanguinaire sur les routes des US, l’objectif vendetta d’une veuve, et la couleur morale des crapules dont les destins s’entrelaceront – dans la haine, et le sang.
Publicité
Bref, les titres de Quentin sont “frontaux” – à l’image de son cinéma, d’ailleurs… – à l’exception notable de ses deux premiers longs-métrages. Il y a tout d’abord Reservoir Dogs, dont on ne sait toujours pas bien à quoi l’expression référence. Et puis Pulp Fiction. Là les choses sont plus claires, à condition de creuser un tantinet. Alors posons la question franchement, histoire de lever voile sur l’un des derniers mystères qui entoure encore la plus pop des Palmes d’or : c’est quoi au juste, une “Pulp Fiction” ?
Publicité
Sang, trahison, explosions… Des publications hyper cheap, mais à succès
On le sait, Tarantino n’est pas avare en clin d’œil à la culture qui l’a bercé – et inspiré. Ainsi, si l’expression “pulp fiction” demeure énigmatique à l’oreille de la majorité des européens, elle évoque immédiatement à l’esprit des américains un style littéraire spécifique d’outre-Atlantique : les “pulp magazines”. Kézako ?
Publicité
On parle d’une publication très, très, low cost qui faisait un tabac auprès des masses populaires, dans les États-Unis de la première moitié du XXe siècle. Les couleurs ont quelque chose de délavé, le papier s’effrite… Mais peu importe, ces “pulps” qui ont vu naître les Zorro, Conan le Barbara et autres Tarzan passionnent les foules grâce à des récits de fiction qui brassent large. De la SF au fantastique, en passant par l’enquête criminelle. Et avec comme point commun, toujours, des récits prenants, souvent perçus comme ultra violent – voire décadents – par les gens de la haute.
Malbouffe et twist : un plaidoyer à l’honneur de la “pop culture”
En un sens, Pulp Fiction peut être perçu comme une ode d’amour adressée à la culture populaire, si méprisée par certains. Après tout, le film rend un hommage vibrant à la malbouffe (“Devine comment ils appellent un « Quarter Pounder with cheese » à Paris”). Puis c’est au tour du twist d’être honoré, grâce à une scène surréaliste qui sera récompensée par le MTV Movie Award de la Meilleure scène de danse. Il y a aussi les références aux diners, ces restaurants cheap qui peuplent les États-Unis, les sapes cosy…
Publicité
Bref, Pulp Fiction peut se regarder comme le plaidoyer d’une culture “pop”, qui aurait tout autant de “noblesse” que celle des aristos. À partir de là, oui, définitivement oui, il est légitime de présenter au so classy Festival de Cannes 1994 un long-métrage qui laisse la place belle à un débat particulièrement animé sur… la fast food.
“Pulp”, le long-métrage de Tarantino l’est donc dans ses références culturelles. Mais aussi dans sa structure scénaristique. “Les trois histoire de Pulp Fiction sont plus ou moins les plus vieilles histoires que vous ayez jamais vue”, rappelait le réalisateur dans une interview livrée à Film Comment.Avant d’expliciter : “le type qui sort avec la copine de son boss mais qui n’est pas censé la toucher (…) le boxeur qui est supposé truquer le combat mais qui s’y refuse au dernier moment. (…) L’idée était de reprendre ces idées vues et revues, puis d’aller sur la Lune avec elles”. En somme, le vidéaste a repris certaines des intrigues les plus stéréotypées du “pulp” pour en faire un patchwork détonnant. Une manière de revisiter le genre, tout en s’inscrivant dans son héritage.
Publicité
La Tarantino touch
Cette approche résume en fait assez bien toute la démarche cinématographique du réalisateur, à bien y réfléchir. Boulevard de la mort reprend les codes du cinéma de cascade des années 70, Kill Bill puise dans les films d’art martiaux, Django Unchained lorgne vers le western etc, etc. Indéniablement, Tarantino est “le” cinéaste de la réinterprétation des registres canoniques du 7e art. Creusera-t-il à nouveau ce sillon avec son 10e – et censément dernier – film ?
On a récemment apprit que le scénario de The Movie, qui devait retracer la vie d’un critique de cinéma des années 70, serait prêt à rejoindre les cartons où agonisent, déjà, le troisième volet de Kill Bill ainsi que le (lointain) projet d’adaptation de Star Trek. Il avait été rendu public que ledit critique de cinéma aurait été spécialisé dans… les productions pornographiques. Un genre à part entière, auquel Tarantino n’a encore jamais touché. Pour l’instant ?
Publicité