Titane a de qui tenir. Avant d’accoucher du film choc ayant remporté la Palme d’or de la 74e édition du festival de Cannes, Julia Ducournau avait choqué, subjugué et fasciné en offrant au public une autre œuvre à la monstruosité hypnotique : Grave. Présentée en 2016 dans la compétition “semaine de la critique” de la croisette, cette perle horrifique a été acclamée comme un tournant du ciné made in France… Et parfois suscité un dégoût viscéral chez les âmes sensibles.
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Elle est bonne, ta jambe ?
Grave, c’est l’histoire de Justine, cette ado de bonne famille, végétarienne et tout juste inscrite dans une école vétérinaire belge. La jeune fille modèle, quoi. Enfin presque. Durant une séance de bizutage, l’étudiante est contrainte de manger un rein de lapin. Excessif ? Oui, mais attendez la suite.
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Passé cette sale épreuve, bye-bye les carottes-soja, Justine débute un régime carné du genre compulsif. Elle choure un steak à la cantoche, et finit par dévorer goulûment le majeur de sa sœur – elle aussi dans l’école vétérinaire –, sectionné par mégarde. Débute alors une transformation quasi mutante de la jeune fille qui lutte pour contenir ses pulsions anthropophages.
Lèvres mutilées, cuisse dévorée, torse constellé de cicatrices… Le tabou millénaire du cannibalisme vole en éclat à travers une mise en scène crue (c’est le cas de le dire), où peu de choses sont épargnées au pudique regard des spectateurs les plus délicats.
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Une restriction abusive ?
Le premier long métrage de Julia Ducournau a été interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis et aux moins de 18 ans au Royaume-Uni, en Norvège et en Irlande. Côté hexagonal, malgré une politique de tolérance concernant les classifications, Grave a été restreint aux plus de 16 ans.
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La cause ? Selon la commission de classification, l’œuvre égrènerait un chapelet de “scènes de meurtre et de cannibalisme impressionnantes qui ne sont pas appropriées à un public jeune en dépit d’une volonté de second degré”. Pas convaincant pour Julia Ducournau. “Il y en a cent fois moins que dans les thrillers américains, qui sont le lot quotidien des salles de cinéma”, avait souligné la réalisatrice dans une entrevue avec Télérama en 2017.
Haut-le-cœur
Lors de sa sortie, Grave a fait l’objet d’une publicité pour le moins… Sulfureuse. À l’époque, de nombreux médias avaient titré sur les mésaventures de certains spectateurs. En mars 2017 par exemple, le film avait fait perdre connaissance à plusieurs membres du public durant une projection à Los Angeles, et fait dégobiller d’autres. Par mesure de prévention, des sacs en papier avaient été distribués aux séances suivantes.
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Autre anecdote ayant fait grand bruit : l’évanouissement de deux personnes durant la projection du film au festival de Toronto, en 2016, qui a conduit les organisateurs a faire intervenir en urgence une équipe de pompiers. Lors d’une avant-première française, Julia Ducournau avait réagi : “C’étaient deux malaises vagaux, mais c’est tout. Qu’il y ait des réactions physiques, c’est ce que je recherche. Mais tout d’un coup, mon film est comparé à Cannibal Holocaust (l’un des splatters les plus trash de l’histoire du 7e art, ndlr)… Ça ne rend pas justice au film et ça m’a un peu brisé le cœur.”
Au fil de ses interviews, la réalisatrice a souvent expliqué que son œuvre ne devait pas être réduite à un théâtre gore. Mais plutôt interprétée comme un regard porté sur la société et ses rouages. Dans ce cadre, “le geste cannibale est de l’ordre du punk, du refus de l’indifférenciation sociale”, avait-elle expliqué, toujours auprès de Télérama.
Titane remet le couvert
Près de 6 ans après le succès de Grave, Julia Ducournau a accouché d’un nouveau film monstre, Titane. Comme son illustre prédécesseur, ce long métrage aux notes un brin brutales n’a pas manqué de provoquer une onde de choc, lors de sa diffusion dans les vénérables salles de la croisette.
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D’après l’AFP, une vingtaine de spectateurs ont dû être évacués puis pris en charge par le 18 en raison d’évanouissements et de crises de nerfs. Rien que ça. Au micro d’Allociné, une membre du public a même estimé que “ce film devrait être interdit”.
On l’aura compris, Titane n’a pas laissé indifférent. Surtout pas le jury du festival de Cannes 2021, qui lui a attribué la Palme d’or. La preuve qu’on peut faire du cinéma reconnu par la crème de la profession en faisant la place belle au monstrueux. Et tant pis pour ceux qui limiteraient la portée du film à un spectaculaire carrousel de violence. Toc.