Offrir un cours sur le féminisme, en accéléré et à travers les âges. Voilà tout l’enjeu de Flashback, la seconde production Amazon Original made in France (après Le Bal des folles de Mélanie Laurent) qui est aussi le premier long-métrage réalisé par Caroline Vigneaux. Celle que l’on connaissait jusqu’ici pour ses stand-up signe une comédie de son temps avec, dans le viseur, un ennemi ciblé : la misogynie.
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Allez, on embarque.
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Bond dans le temps
À l’occasion de son coup d’essai en tant que réalisatrice, Caroline Vigneaux rendosse la toge d’avocate qu’elle avait délaissée pour se lancer dans l’humour en campant le rôle de Charlie. Cette professionnelle du droit squatte les places handicapées, ment sans vergogne et affiche un orgueil monstre. Pas franchement le profil type de la “personne sympa”. Un jour, son boss lui demande de défendre aux assises un homme accusé de viol. Elle accepte.
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À la suite d’une plaidoirie scandaleusement rétrograde, Charlie fait acquitter son client. Et crée au passage une jurisprudence selon laquelle le port de sous-vêtements de charme lors d’un rendez-vous équivaudrait à un consentement. Systématiquement.
Dans les émissions de télé comme auprès des passants, Charlie devient “l’avocate qui plaide contre les femmes”. Et elle s’en fout pas mal. Plus encore : Charlie fête sa victoire à grands coups de tournées de shots. “Elles nous emmerdent avec le hashtag metoo”, glisse-t-elle au taxi qui la raccompagne. Celui-là même qui lui répondra, en citant Churchill, que “quand on oublie son passé, on est condamné à le revivre” avant de la projeter… Au Moyen Âge.
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Des sketchs en cascade, de la Préhistoire à la Révolution
À partir de cet instant, Flashback emprunte les couloirs du temps. Systématiquement, celle qui avait toujours manqué de solidarité féminine sera la témoin (impuissante ou non, c’est selon) d’une oppression dont le “deuxième sexe” est victime. D’abord envoyée au temps de l’Inquisition, Charlie est par exemple accusée de sorcellerie avec, à ses côtés, une Jeanne d’Arc particulièrement punchy.
Sur sa route, elle croisera plusieurs invités de marque. Suzanne Clément (Momy) en George Sand, avec qui l’avocate discute “starfuck” et place de la femme dans la vie culturelle. Puis Gad Elmaleh dans le rôle d’un Robespierre empilant les diatribes, en 1793, contre l’inclusion des “ménagères” au sein de la “chose politique”. Napoléon rédigeant son Code civil apparaît sous les traits de Florent Peyre, Marie Curie sous ceux de Lison Daniel.
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Après avoir participé à plusieurs événements du combat féministe français (Révolution, premier vote des femmes, etc.) et découvert, au passage, que son passé familial n’était pas celui qu’elle croyait, Charlie clôture son épopée avec un événement juridique majeur : le “Procès de Bobigny”.
On y voit Sophia Haram en Gisèle Halimi reprendre à la virgule près la plaidoirie qu’avait livrée l’avocate en 1972 pour disculper sa cliente, qui avait avorté à la suite d’un viol. Décisive, l’affaire a eu une répercussion énorme sur la dépénalisation de l’IVG, qui n’aura lieu qu’en 1975.
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Cette fois, Charlie a compris la leçon. Le progrès en matière d’égalité des sexes passera par la sororité, ou ne passera pas. Les boucles temporelles dans lesquelles l’avocate était piégée prennent fin, et c’est donc en femme nouvelle (car solidaire) qu’elle retourne à son époque.
Avec, en point d’orgue, l’occasion de rectifier sa plaidoirie. Imprégnée des enseignements de toutes les grandes femmes de l’Histoire dont elle a croisé la route, Charlie défend une justice qui fait désormais sens à ses yeux. Tout en livrant un exemple de la morale de Flashback. Celle qui, à la manière d’un conte, est énoncée en fin de récit. En l’occurrence sous la forme d’une paraphrase de Simone de Beauvoir : “On ne naît pas féministe, on le devient”.