L’adaptation des jeux vidéo a décidément le vent en poupe. Après le succès tonitruant de The Last of Us, Prime Video lâche une nouvelle bombe (oh oh…) avec sa production originale, Fallout. Une série inspirée de la franchise gaming éponyme, brossant avec humour – et gore – les déboires d’une Amérique post-apocalyptique, en proie aux radiations, aux luttes sanguinaires entre factions de “survivants” et à l’appétit rapace de créatures mutantes.
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Filé à travers six jeux “principaux” sortis entre 1997 et 2918, ce lore foisonnant a trouvé un nouveau souffle grâce à la série Amazon Original, évidemment attendue au tournant par les puristes. Le show allait-il respecter à la fois l’esprit, et la lettre, de la saga-phare tour à tour développée par Black Isle Studio (Fallout 1,2) , Bethesda (Fallout 3), Obsidian Entertainement (Fallout New Vegas) puis, à nouveau, Bethesda (Fallout 4, 76) ?
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Après visionnage Tim Cain, producteur de l’opus vidéoludique originel, a rendu son verdict dans la vidéo ci-dessous : “Tout ressemble à Fallout. On a l’impression d’être dans Fallout. C’est difficile à faire, croyez-moi. Il est facile d’écrire des choses post-apocalyptiques qui ne rentrent pas dans le moule Fallout, et ils auraient pu faire des faux pas. Mais ça n’a pas été le cas”. Bon. Le père spirituel de la franchise a l’air convaincu, quant à nous… Voyez plutôt notre bilan, sur la “fidélité” du show vis-à-vis de ses augustes origines.
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1. Une timeline acceptable, quoique sujette à débat
Dans la série comme dans l’univers vidéoludique, tout part en vrille en 2077. Funeste année durant laquelle la civilisation humaine tombe – littéralement – en ruine, après le déclenchement d’une guerre nucléaire dont seuls quelques individus sortiront (plus ou moins…) indemnes, grâce à des abris anti-atomiques (les fameux “Vault”). Jusque-là, on est raccord. Mais les choses se corsent avec la pomme de la discorde qu’est le sort de “Shady Sand”.
Alors que la série suggère que la première capitale de la Nouvelle République de Californie a été soufflée par une bombe en 2277, elle nous est présentée comme en “parfait” état dans Fallout New Vegas. Lequel épisode se déroule… En 2281. Tiens, tiens. Il n’en fallait pas plus pour que certains soupçonnent Bethesda, qui a accompagné le développement de la série, d’avoir voulu “gommer” le lore de cet opus, conçu par une entreprise concurrente (Obsidian Entertainement). Tout ça est un peu technique, clairement. Mais dans le cercle des fans cette hypothèse un tantinet complotiste a pris de telle proportion que Todd Howard, cheville ouvrière de la franchise vidéoludique et producteur exécutif de la série a rassuré : “on est hyper précautionneux avec la timeline (…). En fait la bombe qui rase Shady Sands tombe bien après les évènements de New Vegas”. Ouf.
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2. Des easter eggs à gogo – mais juste ce qu’il faut
Certains diront que c’est un peu la tentation “à risque” des adaptations en général : tellement truffer le contenu de clins d’oeil au contenu originel – histoire d’assurer du fan service – qu’on frise le point de saturation. Concernant Fallout, honnêtement, ça passe comme une lettre à la poste. De nombreuses armures, éléments de décor, musiques ( “I don’t want to set the woooooorl on fire“) et même bruitages du jeu originel répondent à l’appel. De quoi faire roucouler de plaisir les initiés, qui retrouveront également dans la mise en scène du show à la fois l’esprit punch, et l’humour corrosif, qui faisaient le sel des opus vidéoludiques.
Exemple. N’importe quel joueur aura un effet madeleine de Proust, au moment de découvrir l’intro de l’épisode 1. Dans une vibe légèrement absurde, on y voit Lucy égrener ses “skills” devant un jury, afin de faire aboutir sa demande de mariage. Une référence évidente à la phase de répartition de points de “compétences” (force, charisme….) par laquelle débutaient les jeux vidéos. Séquence émotion, clairement, même si le principe de cette alliance inter-abri a de quoi faire bondir n’importe quel adepte gamer…
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3. C’est quoi ce délire des Vault connectés ?
Dans l’univers de la saga vidéoludique, chaque “abri” est isolé, et réparti à des kilomètres (enfin difficile de juger, étant donné qu’on parle de jeux vidéo, mais vous voyez l’idée) les uns des autres. Aussi : ces espaces servaient avant tout de terrain d’expérimentation, pour des “essais psychologiques” glauquissimes, orchestrées par l’entreprise Vault Tech, responsable de la construction desdits abris.
Niveau “tests”, on parle de populations toxicomanes sevrées, puis à nouveau livrées aux drogues. Mais aussi de nouveaux virus injectés sur les humains (ce qui donnera les “super-mutants”), ou encore d’une “enquête” sur les effets de radiations ultra-intensives (ce qui donnera les “goules”). Rien de tel dans la série a priori. Lucy naît, puis mène une vie pépouze dans le paisible “Vault 33” – dont on ne trouvera aucune mention dans les jeux -, qui se trouve être… connectée à deux autres abris inconnus aux bataillons, les numéros “32” et “31”. Jamais ô grand jamais on n’avait entendu parler de système marital basé sur des “échanges” entre habitants. Mais bon, why not, puisque cet hyménée se transforme en invasion de raiders qui poussera Lucy à quitter l’abri, à travers une mise en scène qui, pour le coup, est GIGA fidèle aux jeux. Allez, tout est pardonné.
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4. Mais où qu’ils sont, les Écorcheurs ?
Bordel. Même question pour les radscorpions, les darillons, ou encore ces infâmes fangeux. La série Fallout, si elle nous fait le plaisir d’inclure une goule badass (Cooper Howard) ainsi qu’un compagnon iconique (CX404 qui est, en gros, le Dogmeat de Fallout 4), pêche du côté du bestiaire. C’est simple : la plupart des éléments manquent à l’appel. Dans l’univers gaming, traverser le “Wasteland” est un parcours du combattant, où vous tombez en moyenne tous les 200 mètres sur une créature sur-dopée aux radiations. En gros, les États-Unis se sont transformés en safari où c’est vous, encore et toujours vous, qui êtes la proie. Pour l’heure, on ne peut pas franchement dire que ce soit l’impression rendue par la série. Mais gardons-nous, peut-être, de jugements trop hâtifs. Après tout, l’épisode final de la première saison laisse entrevoir le crâne de ce qui semble être un écorcheur, soit l’ennemi le plus sauvage – le plus cheaté, disons les termes – du jeu vidéo. On a déjà hâte.
5. Je comprends pas pourquoi y’a pas de BUGS
Là, on charrie un peu. N’importe quelle personne ayant mis les mains sur un jeu mijoté par Bethesda (qu’il s’agisse de leur franchise Elder Scrolls ou Fallout, d’ailleurs) sait à quel point les créations du studio sont minées de bugs en tous genres. Ces défaillances sont si caractéristiques de la “patte” de l’éditeur que, parmi la communauté de fans, certains ont pris un malin plaisir à compiler les plus WTF d’entre elles. Alors évidemment, ces soucis de gameplay ne font pas à proprement parler partie du “lore” de Fallout. Mais en tant qu’ex-gamer, j’aurai apprécié un petit quelque chose. Une réinterprétation comique de la grande blague qu’était, trop souvent, le Système de Visée Assistée (S.V.A.) dans Fallout 3, par exemple ?
Enfin là, on chipote. Clairement, la série Fallout est une masterclass en matière de respect de l’œuvre originelle. Rendez-vous à la prochaine saison, qui devrait nous dévoiler les contours de New Vegas, histoire faire un nouveau point, quand même. Mais pour l’instant, c’est du grand art. Alors nous on dit : pouce levé bien haut, façon Cooper Howard, aka “Vault Boy”.