C’est le moment de bomber le torse. Pour celles et ceux qui l’auraient oublié, à la liste de ses nombreux exploits, notre Victor Hugo national compte un fait d’arme inattendu : avoir détrôné le cultissime Cats, au record de longévité d’une comédie musicale sur les planches londoniennes, grâce aux Misérables. Le tour de force a lieu en 2006. À ce moment l’adaptation (chantée) des mésaventures de Jean Valjean, Cosette et Gavroche a été joué dans 38 pays, et traduit en 25 langues.
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Trois ans plus tard, ce spectacle devient le plus grand succès de son registre avec 65 millions de spectateurs cumulés. Du jamais vu. De quoi donner quelques idées à Hollywood, qui porte cette fresque épique so frenchie sur grand écran en 2012, avec un casting à faire baver d’envie le gratin des cinéastes. Hugh Jackman, Anna Hataway, Russel Crow… On peut difficilement rêver mieux, question consécration. Mais comment le texte d’Hugo a-t-il pu passer de best seller avant l’heure au triomphe théâtral, puis au long-métrage multi-oscarisé ? Retour sur une success story hors norme.
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Roman-fleuve pour une épopée française
Au moment d’écrire ce qu’il confiera un jour être “l’un des principaux sommets (de son œuvre), sinon le principal” , Hugo est en exil. Il passe par la Belgique, mais aussi l’Angleterre, afin de fuir le coup d’État perpétré par Louis-Napoléon Bonaparte en 1851. Expatrié, il conçoit la rédaction des Misérables comme un chant d’amour à sa France perdue, en même temps qu’un récit philosophique, social et moral.
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À travers ses pages, on croise une galerie de personnages incarnant la rédemption (Jean Valjean), le fléau de la pauvreté (Cosette) ou encore l’élan révolutionnaire (Enjolras, mais aussi Gavroche et son “c’est la faute à Voltaire”, bien sûr…). Le tout est porté par un souffle romantique typique de l’auteur de Notre-Dame de Paris, rehaussé d’un usage assumé de l’argot qui scandalise les hautes sphères, mais enchante “le peuple”. Résultat ? Un immense carton. Le roman-fleuve est traduit dès sa première année de parution, en 1862. Italien, grec, portugais… Et partout, l’accueil est triomphal.
Tant et si bien que les adaptations tombent en déluge. Dès 1864, les bruxellois assistent à une représentation en 4 actes, entre les augustes murs du théâtre royal des Galeries. Les productions s’enchaînent, ici et là, puis c’est le cinéma qui s’y met dès ses débuts, avec le muet : L’enfant sur la Barricade (1906, Alice Guy). Preuve, si il en fallait une que Les Misérables figurait, déjà, au cœur de notre patrimoine culturel. Et la machine n’était pas prête de s’arrêter.
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Un show en représentation continue depuis… 1985
En 1980, le compositeur Claude-Michel Schönberg élabore aux côtés du librettiste Alain Boublil, avec qui il avait déjà fait des étincelles sur l’opéra rock La Révolution Française, un double album adapté des Misérables. Ce à destination d’une comédie musicale créée au Palais des sports de Paris en septembre 1980, sur une mise en scène de Robert Hossein. C’est le producteur de théâtre britannique Cameron Mackintosh, notamment papa de Cats (tiens, tiens…) qui exporte le spectacle vers sa patrie natale – en lui offrant, au passage, une vitrine plus internationale, grâce à sa traduction anglaise.
La critique accueille froidement le spectacle lors de sa première, en 1985. Et pourtant. Véritable phénomène, Les Misérables – ou Miz, comme on l’appelle outre-Manche, attire les foules. Tant et si bien que le spectacle est exploité en continu depuis… 1985, justement. Les destins croisés des héros de Victor Hugo auront tôt fait de voyager à l’international, notamment au creux d’un autre temple de la comédie musicale : Broadway. Là-aussi, on applaudit à s’en décrocher l’épaule.
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Très tricolore dans l’âme (mention spéciale au chapitre du livre dédié au mot de Cambronne), Les Misérables touchent encore et toujours par la portée universelle d’un propos acéré sur la précarité, l’injustice. Aussi, dès la fin des années 1980 Cameron Mackintosh caresse le rêve d’une adaptation ciné’ de sa propre comédie. Il faudra attendre 2011 pour qu’Universal donne son feu vert.
La claque ciné’
Flairant l’affaire en or, les studios voient les choses en grand. Après nos Gabin, Lino Venturo, et Belmondo nationaux c’est au tour de Hugh Jackman de se glisser dans les guenilles de Jean Valjean. À l’affiche, on compte aussi aussi Russel Crow (Gladiator), Helena Bonham Carter (Fight Club, Harry Potter), Eddie Redmayne (Danish Girl, Les animaux fantastiques) ou encore Sacha Baron Cohen (Borat, The Dictator).
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Doit-on s’en étonner ? Rebelote, le récit d’Hugo fait mouche. Le film chanté à 95 % remporte plusieurs Golden Globes dont celui du meilleur film musical, ainsi que les Oscar du meilleur maquillage, du meilleur mixage son et de la meilleure actrice dans un second rôle, pour la performance d’Anne Harataway. Peu après avoir ajouté son point final à la rédaction des Misérables, Victor Hugo avait déclaré à son fils François-Victor : “je peux mourir”. Manière de dire, sans doute, que cet opus magna rentrerait à jamais dans l’Histoire. Qui oserait lui donner tort ?