Des enfants qui “jouent” avec un fer à repasser, et des allumettes. La scène aurait de quoi faire sauter au plafond la plupart des parents. Pourtant, elle fait partie intégrante du quotidien (pacifié) de l’école Jeanne d’Arc de Roubaix, où le réalisateur Alexandre Mourot a posé sa caméra, entre mars 2015 et juin 2017, pour filmer L’enfant est maître. Un documentaire qui suit, pas à pas, l’étonnante mini-vie de communauté abritée par l’une des plus anciennes crèches Montessori, ainsi surnommée d’après la pédagogue italienne du même nom.
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Le principe maître de cette éducatrice révolutionnaire, décédée en 1951 ? “Pour que l’enfant grandisse, il faut que l’autorité de l’adulte diminue”. Énième précepte destiné à consacrer l’enfant roi, soupireront certains – et ils auraient tort ! En voulant proposer une alternative au formalisme éducatif, Maria Montessori avait surtout pour ambition de replacer au centre de l’enseignement la curiosité passionnée de l’enfant, plutôt que l’autorité des programmes. Focus.
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Un espace auto-géré… Par des mômes
Durant près de la moitié du film, on serait bien en peine de trouver la moindre trace d’un adulte à l’image. Pas étonnant, lorsqu’on sait à quel point l’autonomie était au cœur du projet de Maria Montessori. “Le danger pour l’enfant est-il de le laisser faire les choses par lui-même, ou bien de penser à sa place ?”, avait-elle un jour interrogé. Bon.
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Ce qui défile à l’écran, ce ne sont donc pas les figures d’enseignants. Mais plutôt des enfants de 3 à 6 ans. Certains préparent des carottes, d’autres s’entraînent à lire l’alphabet. Tandis qu’une élève passe le balai, un camarade calcule ses divisions. À chacun son “travail” (comprenez : activité). Ces séquences affairées se déroulent dans un environnement étonnamment domestique. On y trouve du mobilier d’intérieur (commodes, miroir…) , mais surtout des aménagements de la vie pratique à taille d’enfant. Cuisine, lavabo…
Bref, les mômes sont ici chez eux. Et gèrent ce foyer à la manière d’une communauté autonome où les plus grands initient les plus petits, et les plus adroits tendent la main aux moins habiles. Alexandre Mourot pose un regard attendri sur cette existence d’entraide studieuse, qu’il filme comme une utopie au format miniature.
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L’enfant, ce curieux insoupçonné
Outre cet environnement atypique, la place de l’éducateur constitue sans surprise un autre pilier de la “pédagogie Montessori”. Car oui, ces enfants sont bel et bien supervisés par un professeur, Christian Maréchal. Son activité – comme l’ensemble du documentaire – est filmée à l’état “brut”, sans interaction avec la caméra, ni interview. Ce sont les images, commentées à travers la lecture en voix off de certains écrits de Maria Montessori, qui nous donnent des clés de lecture.
Ici, aucun système de punition-récompense. À ce dispositif, Christian Maréchal privilégie l’écoute sans interruption, et encore moins de critiques. De temps à autre il guide, tout au plus. Mais la majeure partie du temps, les enfants se dirigent spontanément vers des travaux à effectuer, et apprennent par eux-mêmes à accomplir leurs tâches, que ce soit par l’imitation ou l’entre-aide.
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Après tout, Maria Montessori n’a eu de cesse de le marteler : l’enfant n’est pas cet être fondamentalement dissipé, dont on ne pourrait saisir l’attention que par la menace, ou les promesses de gratifications. Non, à écouter la pédagogue, les tout jeunes possèderaient d’emblée la “passion de connaître”. Il suffirait de les laisser faire, pour qu’ils découvrent puis cultivent ce goût. Mais à l’appui d’un matériel spécifique. Exit les “jouets” traditionnels, et bienvenue aux outils (vases, cloches…) stimulant la coordination psycho-motrice, pensée comme la porte d’entrée vers les fondamentaux : l’écriture, et le calcul.
Une approche qui séduit – mais sujette à caution
La méthode Montessori porte-t-elle ses fruits, sur le plan de la réussite scolaire, sociale, professionnelle ? C’est malheureusement ce que le documentaire ne dit pas. Si la vision de ces minimoys affairés no stop à des activités ludiques dans lesquelles ils semblent s’épanouir a quelque chose d’enthousiasmant, L’enfant est roi ne fait intervenir ni statistiques, ni pédopsychiatres, pour étayer son propos.
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Aujourd’hui encore, la “pédagogie Montessori” reste sujette à débat dans le milieu scientifique. D’autant plus que si les écoles affiliées à son nom ont essaimé à travers le monde (300 200 établissements en 2022), la plupart se réclament de cette approche sans fournir la moindre preuve de leur qualité pédagogique. Que les déçus de l’Éducation nationale se rassurent néanmoins.
Si les écoles, collèges et lycées Montessori à proximité vous paraissent inadaptés (ou trop chers, les tarifs pouvant s’envoler jusqu’à 7000 euros par an…), il existe des guides accessibles en ligne pour développer la méthode à domicile. Quelque chose de “fait maison”, mais avec pour principe moteur, toujours : “apprends-moi à faire tout seul”. Seule approche capable d’élever l’enfant à la hauteur de son potentiel, croyait Maria Montessori.