C’est le gros débat à chaque conférence de rédaction ou avec mes potes depuis quelques jours. Non, malgré la hype et sa vaste collection de récompenses (des Golden Globes par-ci, des Emmy Awards par-là), je n’aime pas The Bear, et croyez-moi, je me sens bien seule contre tous en société. Alors plutôt que de passer pour la rageuse de service qui veut juste faire son intéressante (I’m different, you know ?), il était temps pour moi de vider mon sac et vous expliquer le pourquoi du comment.
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Avant tout chose, vous ne me ferez pas dire ce que je n’ai pas dit. Malgré mon désamour, je ne pense pas que The Bear soit une mauvaise fiction. Au contraire, je lui reconnais bien des atouts, mais à mes yeux, elle a justement les défauts de ses qualités (ou les qualités de ses défauts, je ne sais jamais vraiment dans quel sens fonctionne cette expression). Son rythme, par exemple. Pour mémoire, The Bear suit les déboires de Carmen Berzatto (Jeremy Allen White), cuistot aussi talentueux qu’inapte à maîtriser les codes sociaux et sociétaux. Dépressif et endeuillé d’un frère, Mickey, qu’on ne voit que par flash-back (donc compliqué de s’attacher, mais passons), il a pour dure mission de récupérer la sandwicherie familiale pour le réhabiliter en restaurant de ses rêves. La plupart des épisodes, bien que déjà courts (trente minutes en moyenne), sont pour moi éreintants. C’est une succession de plans, parfois de photographies (certes très léchées), de plats à préparer, ratés, à faire, à refaire, d’échanges nerveux et sous-tension dans les moindres recoins du restaurant, et surtout, qu’est-ce que ça s’engueule.
Sans spoiler, un des épisodes de la saison 3 ne se contente que de ça. Des “fuck off “ entre chaque plat à servir au client, pour relater une embrouille présumée inapaisable. Évidemment, je ne peux pas reprocher au programme son intention de faire monter la pression. Le stress est bien là, et j’ai l’impression de moi-même être un serveur tremblant contraint de bosser pour le colérique et lunatique Carmen. J’ai besoin d’une série doudou et réconfort qui m’apaise et me transporte, pas d’une fiction qui me stresse. Si je voulais me divertir avec des gens qui gueulent dans une cuisine, je regarderais Ratatouille (ma collègue Lucie a eu la vision avant tout le monde en faisant directement le rapprochement), Cauchemar en cuisine, ou je passerais tout simplement une tête chez ma daronne. Au choix.
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Un show pas diet-friendly
Autre souci, la bouffe, personnage à part entière du show, que dis-je, pierre angulaire même de la série de Christopher Storer et Joanna Calo. Je fais partie de ces personnes qui ne peuvent s’empêcher de regarder une vidéo dégustation sur YouTube pendant qu’elles mangent. Par contre, The Bear, c’est autre chose : ça me donne beaucoup trop envie de graille tout et n’importe quoi, et jamais quelque chose de bon pour mon portefeuille ou mon cœur. Comme ces sandwichs au bœuf baigné de gras, qui laisseraient probablement des traces partout sur mes doigts et qui mettraient mes artères en sueur, ou des plats fancy qui me coûteraient sans doute une semaine de salaire, tips et TVA inclus. Du coup, je mate la série avec un bol de chocapic ou un tacos un peu shlag payé au snack du coin. Frustrant.
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Déso pas déso mais je ne comprends (toujours) pas la hype autour de Jeremy Allen White
Enfin, et cet aspect est le plus personnel, j’ai définitivement du mal avec le jeu de sa star Jeremy Allen White. Contrairement à beaucoup, je ne suis pas influencée par son rôle emblématique de Lip dans Shameless, n’ayant jamais visionné la fiction. J’accuse celles et ceux qui ont grandi avec le show d’être dénué·e·s de toute neutralité, alors que moi, je ne suis pas aveuglée par une nostalgie ou une affection particulière à son égard. Je ne le juge que pour The Bear, et malgré son Emmy Award du Meilleur Acteur dans une Série Comique (une catégorie qui fait débat et pour cause, à quel moment The Bear est-elle drôle ?) remporté en 2023, rien à faire.
Je ne le trouve pas crédible dans ce rôle de cuisinier tatoué et dépressif qui passe son temps à se caresser les cheveux, regarder dans le vide de manière un peu bovine ou bégayer quelques insultes à son cousin Rich histoire de prouver qu’il peut, lui aussi, jouer les coqs malgré sa sensibilité. Le matraquage médiatique et les gros plans bien serrés sur ses mirettes baignées de pseudo-mélancolie n’y feront rien. À mes yeux, on parle trop de lui, et pas assez de ses co-stars, exceptionnelles, à l’instar de Ayo Edebiri qui prend toujours plus du galon (elle a même réalisé un des épisodes et une fois n’est pas coutume, c’est la promesse d’une belle chialade plutôt qu’un stress mortel ou une dangereuse fringale).
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Pourtant, et même si son temps d’écran était plus limité, je trouvais Jeremy Allen White étonnamment juste dans Iron Claw, alors qu’il campait un catcheur issu d’une fratrie maudite. Il y était tout aussi peu prolixe, mais tellement moins too much. Il existe peut-être donc un multivers où oui, je peux aimer l’acteur ou The Bear, voire les deux à la fois, ou, à défaut de multivers, peut-être juste une (bonne) saison 4 ?