Alors, ne vous méprenez pas : derrière mes airs blasés de Dark Sasuke, je suis une vraie baka Naruto, et comme beaucoup, j’ai une collection de TikTok de chutes et d’imitations foireuses (mais bienveillantes) d’Amélie Neten. Mais je ne sais pas, quant à l’idée d’aller voir une personne sur scène dont le taf est de faire rire les gens à grand renfort de blagues écrites, préparées et répétées soir après soir… je fais un blocage. J’ai bien tenté quelques petits comedy clubs, et pour être honnête, ça m’a toujours cringée plus qu’autre chose. Mais à l’instar de Karine Le Marchand, j’adore rire. Et je suis pour le changement, les remises en question, surtout à la veille d’une nouvelle année qui arrive. C’est pourquoi j’ai décidé d’affronter mes peurs et d’aller voir mon premier stand-up.
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Pour mettre toutes les chances de mon côté, je fais les choses bien. Je choisis un endroit chill au cadre plutôt original, à savoir la Nouvelle Seine, une péniche dîner-spectacle très “Paris vibes”. Point positif : si le show, au sous-sol, me plombe le moral, je sais que le resto saura amplement me remplir la panse (déjà testé et validé, même si ce n’est pas le sujet). Point négatif : ce que ça tangue, purée ! Dès qu’un gros bateau passe, la péniche bouge et les pires scénarios catastrophes dignes d’un film de James Cameron débarquent dans ma tête. Je suis un peu drama queen, je le reconnais, mais si vous avez un léger mal de mer, ce n’est sans doute pas l’endroit qu’il vous faut.
Point intermédiaire : l’intérieur de la salle réservée au stand-up est restreint, déconseillé aux claustrophobes, mais le petit comité que forme le public me met en confiance. Il fait noir, donc si je tire la gueule tout en gardant mon balai dans le derche (excusez ma vulgarité, mais il faut parfois dire les termes), l’artiste ne verra rien. Toutefois, nous ne sommes pas assez nombreux pour cacher un éventuel désarroi, c’est donc à double tranchant. Avec ma +1, on se positionne au centre du public, puis le spectacle commence. Et surprise : toute l’heure durant, je ne ferai pas semblant de rire. Je ne serai pas non plus cringée, entourée par un manteau invisible formé par la gêne. Non, non, pas une seule fois !
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Un lien invisible mais indestructible avec… des inconnus
Il faut dire que j’ai plutôt bien choisi en optant pour le spectacle de Tahnee R, une humoriste certes pas aussi connue qu’une Florence Foresti ou un Thomas Ngijol, mais c’est bien là tout l’intérêt. Afro-féministe et lesbienne, la jeune femme jongle entre anecdotes perso et poncifs certes évidents mais qui ne manquent pas d’effet, genre le racisme ou la misogynie banalisée qu’elle rencontre au quotidien, comment tout le monde croit que sa go est sa sœur, son coming out, ou comment elle a appris (ou plutôt n’a pas appris) à draguer en boîte – clairement le passage le plus drôle du spectacle. Ma vanne préférée ? Quand elle se lamente de ses potes hétéros qui refusent de voir des films aux personnages arc-en-ciel car “ils n’arrivent pas à se projeter” mais qui chialent en perdant leur âme devant la mort de Mufasa. “Est-ce que mes potes sont des lions ? Je ne crois pas !”
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Si le public se veut queer-friendly, il n’est pas forcément concerné par tous ces sujets, ce qui ne l’empêche pas de rire à chaque chute. Je le rejoins sans forcer, je souris, je dévoile même mes chicots et laisse entendre mon rire de sorcière (on ne choisit pas son rire, OK ?). C’est naturel, Tahnee R a le sens du rythme. Je suis la première étonnée et j’adore ce qu’il se passe. S’esclaffer au même moment qu’une centaine d’inconnus que je ne reverrai plus jamais de ma vie me donne le sentiment de tisser un lien invisible mais indestructible avec eux. Je regretterai juste un manque de mise en scène. OK, je ne suis pas venue voir Madonna à l’Accor Arena, mais un ou deux petits accessoires en plus n’auraient pas été de trop à mon sens. Une belle découverte (oui, je parle comme une directrice de casting alors que je ne suis absolument personne) qui mérite sincèrement de percer et qui m’a permis de me décoincer encore quelque peu. Honnêtement, je n’en demandais pas tant.