Transidentité : le jour où je suis officiellement devenu Tao

Publié le par La Zep,

© La ZEP

Après des mois de lutte contre ses profs qui refusent de le genrer correctement, Tao finit par recevoir un courrier officiel qui va tout changer.

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Après plusieurs semaines d’absence, je reviens au lycée avec “le” papier qui va tout changer… surtout ma vie de lycéen. Je monte la longue et épuisante côte, plus vite que jamais je ne l’ai fait en quatre ans de scolarité. Mon cœur bat fort dans ma poitrine. Je n’arrive pas à déceler si c’est le stress, l’excitation, ou juste la réaction normale de mon corps pendant l’effort que je suis en train de fournir.

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Je marche jusqu’à la vie scolaire en essayant de reprendre mon souffle, il n’est que 8 heures mais c’est déjà bruyant. Les surveillants attendent que je régularise mes absences mais, pourtant, je passe d’abord par le bureau des CPE. Je rentre, j’ai chaud. J’aperçois le regard bienveillant de Mme C. Je lui donne ce fameux document qu’elle attendait avec impatience, en lui annonçant fièrement que ça y est ! C’est officiel ! Mon changement de prénom a été accepté.

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Seuls deux profs me genrent correctement

Jusque-là, sur mes neuf professeurs, seuls deux respectaient mes pronoms. Tous les autres refusaient catégoriquement d’accepter mon choix, tant que le changement de mon prénom n’était pas fait à l’état civil. Soit ils ne me prenaient pas au sérieux, soit ils me disaient qu’ils n’avaient “pas le droit” tant que ce n’était pas officiel.

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Je me souviens d’une fois, en cours. Le prof fait l’appel : il utilise mon prénom de naissance, celui qui est inscrit sur les listes. Mes amis le coupent : “Non, maintenant c’est Tao !” Il demande : “Elle a une carte d’identité ?” Mes amis lui répondent : “Euh, IL ne l’a pas encore.” Et lui : “Bah voilà.” C’était un mélange d’émotions. J’étais triste, en colère, et désespéré de la situation.

À chaque fois que ça arrivait, je sentais mes poumons se rétracter, mon souffle se couper, et j’avais cette boule au ventre qui me pesait à chacune de ces interminables heures de cours. La situation se répétait chaque jour. Cela devenait insoutenable, au point de ne plus réussir à mettre un pied au lycée sans faire de crise d’angoisse, sans me sentir féminin, méprisé et incompris par les adultes.

J’insiste sur les adultes, car du côté de mes camarades de classe, ça s’est fait naturellement, sans questions. Mes amies ont été très ouvertes d’esprit lorsque je leur ai expliqué. Elles ont juste eu besoin d’un petit temps d’adaptation durant lequel elles faisaient encore des erreurs. Ce qui est normal, mais il n’y avait rien de méchant et elles s’excusaient à chaque fois que ça arrivait. Puis, elles m’ont énormément soutenu lorsque quelqu’un ne respectait pas mon prénom ou mon genre. Elles ont vraiment été un pilier pour moi. Alors qu’avec les adultes, c’était plus compliqué…

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Ma mère n’a pas participé au dossier

En soi, la démarche pour changer de prénom est assez simple. Il faut faire un dossier qu’on dépose à la mairie de notre ville de naissance ou de résidence. En mettant des témoignages de nos proches, comme quoi on se présente bien sous le prénom qu’on a choisi. Ce sont donc les autres qui doivent prouver que je suis bien légitime à changer de prénom…

Lorsque j’ai décidé de me lancer dans cette démarche, je n’en ai parlé qu’à quelques personnes de mon entourage proche. Ma mère n’a pas accepté de se joindre à moi pour cette étape. Mais ma petite sœur, mon amie d’enfance, mon meilleur ami et une amie de ma classe l’ont fait sans hésiter ! Ils ont tous attesté que j’utilisais bien “Tao” comme prénom, depuis tant de temps. En précisant même depuis quelle année ils me connaissaient, et quel lien ils avaient avec moi.

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Un courrier très attendu

Un jour, j’ai donc reçu un courrier du maire de ma ville, il était posé sur mon bureau. Je me suis demandé de quoi il pouvait bien s’agir. Ce n’était pas possible que ce soit ce à quoi je pensais, je l’espérais beaucoup trop. Je l’ai ouvert : “Après examen de votre demande de changement de prénom […] vous êtes désormais autorisé à vous prénommer : Tao, Aidan, Dario.”

Au départ, je n’y croyais pas. Je voyais bien ce qui était inscrit sur le papier que je tenais dans les mains, mais ça ne pouvait pas être vrai. J’avais l’impression d’avoir tellement lutté avec mes professeurs que recevoir ce courrier m’a paru si simple… C’était étrange, mais j’étais soulagé. La première chose que j’ai faite a été d’appeler les personnes qui avaient témoigné pour moi, pour leur annoncer la nouvelle.

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Une longue démarche pour changer de genre

Pour obtenir le “M” sur ma carte d’identité – que je n’ai pas encore d’ailleurs, car la démarche est plus longue –, le dossier doit comprendre toutes les preuves montrant qu’on se fait genrer au masculin. Par exemple, un courrier adressé à “monsieur”, etc. Il faut le déposer au tribunal de grande instance et attendre la convocation, qui peut prendre six mois. Et, enfin, suite à notre audience, la décision est prise.

Aujourd’hui, ça fait un peu plus d’un an que je m’appelle officiellement Tao. Je suis hormoné depuis bientôt huit mois. Et ça fait trois mois que je bosse sur mon dossier à l’état civil, le temps de rédiger ma requête et de réunir tous les témoignages de mes proches.

Une fois cette étape passée, ma prochaine épreuve sera la torsoplastie. C’est une opération qui coûte plusieurs milliers d’euros et qui se réalise à plusieurs heures de chez moi. Elle consiste à faire une ablation mammaire et à former un torse. Elle nécessite d’être validée par un psychiatre.

Là, seulement, je serai enfin heureux de l’homme que je suis.

Tao, 19 ans, volontaire en service civique, Baccarat 

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.