Je m’appelle Paméla. Mon nom de famille, c’est plus compliqué : j’en ai changé trois fois… J’ai 18 ans et je suis née sous X en septembre 2001, dans les Hauts-de-Seine, près de Paris. Les seules informations que j’avais en ma possession sur ma mère biologique, c’était une photocopie en noir et blanc de sa carte d’identité.
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Ce qu’on m’a dit, c’est qu’elle n’était pas en capacité de subvenir à mes besoins et avait donc choisi à ma naissance de me placer, pour ma santé physique et psychologique, à la pouponnière Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e arrondissement de Paris. J’avais quatre mois.
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Après cinq mois dans ce foyer, j’ai été placée en famille d’accueil à Alençon, en Normandie, chez mes parents adoptifs. Eux ne m’ont jamais caché mon adoption et je ne les remercierai jamais assez pour ce qu’ils ont fait pour moi, de m’avoir accompagnée jusqu’au bout de mon enquête.
Impossible de savoir à qui je ressemble
Au collège, ayant la peau mate, les cheveux frisés et les yeux légèrement en amande, mes amis et les autres collégiens me questionnaient beaucoup sur mes origines. Étant incapable de leur répondre, souvent par crainte du jugement, j’en venais à m’inventer des vies parallèles.
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C’est difficile de porter l’identité d’une personne qu’on ne connaît pas. Je ne sais pas à qui je ressemble. À 14 ans, j’ai donc entamé des recherches à partir des photocopies en ma possession. J’ai cherché des informations dans l’annuaire à l’aide de son nom et de son prénom, j’ai regardé sur des blogs et même sur Instagram. Mais rien n’aboutissait.
Je n’osais pas parler de ma souffrance à mes parents. J’avais peur de les blesser, qu’ils ne comprennent pas mon ressenti ou bien qu’ils pensent que je n’étais pas heureuse avec eux. Mes amies proches, mes frères adoptifs et ma belle-sœur ont été un soutien psychologique important pour moi.
La découverte de mes origines
Quand j’ai eu 17 ans, ma belle-sœur Manon, qui savait que cette histoire me pesait énormément, m’a proposé qu’on aille à l’Aide Sociale à l’Enfance de Paris afin d’ouvrir mon dossier. Les émotions se sont mélangées : excitation, appréhension… J’étais très angoissée. J’avais peur de ce que je pouvais découvrir et je redoutais ma réaction.
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Ce dossier s’ouvre obligatoirement en présence d’un psychologue spécialisé dans l’enfance. Il faut avoir minimum 16 ans pour en prendre connaissance et il faut être accompagné d’un parent adoptif. En allant ouvrir ce dossier, je m’étais refusé d’envisager des nouvelles positives pour m’éviter toute déception. Bien évidemment, chaque chose était pour moi dans la continuité de ma construction personnelle.
Mon dossier, ouvert à ma naissance en 2001, était très chargé administrativement et médicalement. Un rendez-vous ne suffisait donc pas pour tout voir entièrement. J’ai découvert quelques informations concernant mes grands-parents, ma mère biologique ainsi que ma sœur. Mes grands-parents sont nés en ex-Yougoslavie. J’en ai donc appris davantage sur mes origines. J’attendais d’y trouver aussi des informations concernant mon père biologique, mais ma mère n’avait rien laissé.
Le styliste français Olivier Rousteing est aussi né sous X. Il a raconté son histoire dans le film Wonder Boy, puissant documentaire sur la quête de ses origines. À cette occasion, on l’avait interviewé.
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Les informations trouvées étaient insuffisantes à mon goût : pas de numéro de téléphone, ni d’autres coordonnées. Je ne pouvais pas entrer en contact avec les membres de ma famille biologique. J’ai décidé de poursuivre mes recherches mais différemment.
Une bouteille à la mer sur Facebook
Après une longue réflexion, j’ai posté un message sur le groupe Facebook “né(e)(s) sous x” afin d’obtenir de l’aide. Ce groupe est privé, et les personnes membres sont généralement adoptées, nées sous X. Elles aussi recherchent un membre de leur famille. Il permet de partager le message posté par un utilisateur afin de toucher un public plus large et peut-être réussir à remonter jusqu’à la personne souhaitée, de connaissance en connaissance…
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Une bénévole et administratrice du groupe m’a répondu très rapidement en m’expliquant qu’elle pouvait me venir en aide. Mais j’étais mineure, il lui fallait donc l’autorisation d’un de mes parents adoptifs pour entamer les recherches. Ma maman adoptive a donné son autorisation et les recherches ont pu débuter. Pour moi c’était inespéré… Je ne m’étais jamais sentie aussi près du but. J’avais peur de décevoir mes parents adoptifs mais en même temps, j’étais impatiente de pouvoir enfin savoir la vérité.
Ma mère biologique au bout du fil !
Le 4 février 2018, à mon retour des cours, ma maman adoptive m’a annoncé la nouvelle : ma mère biologique était d’accord pour entrer en contact avec moi. La dame du groupe l’avait retrouvée ; les moyens lui ayant permis d’y arriver me sont toujours inconnus. Cette femme a donné les coordonnées de ma mère biologique à ma maman adoptive. Elle me les a données afin que je puisse lui téléphoner.
J’ai appris également ce jour-là que j’avais deux autres frères et sœurs, plus jeunes que moi. Ce fut une victoire et une délivrance. Le soir même, j’avais ma mère biologique au téléphone et je découvrais enfin mes origines. Mon appréhension, mes angoisses et mes questions se sont envolées. Mes parents adoptifs étaient perplexes, très inquiets. Ils pensaient que j’allais repartir et s’imaginaient tous les scénarios possibles. Or pour rien au monde je ne les abandonnerais. Ils sont ce que j’ai de plus cher.
Paméla, 18 ans, étudiante, Brest
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.