Témoignage : j’ai été élevée par ma mère et par Twitter

Publié le par La Zep,

© Photo : Bertrand GUAY / AFP

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Pour moi, les réseaux sociaux, et en particulier Twitter, ont toujours été un lieu sûr. J’utilise Twitter depuis l’âge de onze ou douze ans et je peux dire avec confiance que sans Twitter, je ne serais pas aussi ouverte d’esprit.

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Lorsque j’étais adolescente, j’étais une jeune fille introvertie avec un esprit rempli d’idées et de choses à dire, mais avec une bouche trop timide pour l’ouvrir. Dans ma famille et dans mon cercle d’amis, je me suis toujours sentie comme un poisson qui nageait à contre-courant, une “misfit” (marginale, en français). La façon dont ils me décrivaient et me voyaient et ce que je pensais réellement être, c’était comme la Lune et le Soleil. Je ne suis donc jamais parvenue à être moi-même, inconditionnellement, dans mon environnement.

Twitter était un peu mon petit monde parallèle où je pouvais dire ce que je voulais sur qui je voulais sans limite, si ce ne sont les 140 caractères, et sans avoir ensuite à me justifier, car personne de la “vraie vie” ne me suivait.

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En grandissant, j’ai commencé à comprendre les étiquettes que me collait la société : j’étais une femme, j’étais noire, j’étais musulmane, j’ai été élevée par une mère célibataire et je vivais dans une “zone sensible”. Durant mon enfance, je ne comprenais pas qu’être noire, c’était être différente. Pour moi, j’allais simplement grandir et pouvoir réaliser mes rêves. À un moment où je voulais simplement être moi, Yasmine, j’ai compris que pour cela, un combat devait être mené.

#BlackLivesMatter m’a rendue consciente

L’une des nombreuses choses qui m’a fait réaliser cela fut la naissance du mouvement #BlackLivesMatter aux États-Unis, qui a fleuri sur Twitter en 2013. Je ressentais leur colère, je ressentais leur douleur et je ressentais leur soif de combat. Je ressentais absolument tout dans ce mouvement parce que même si l’expérience des Noirs aux États-Unis et en Europe est différente, il y a énormément de similitudes et nous souhaitons la même chose : que nos vies importent autant que celles des Blancs.

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Ce hashtag a révélé une nouvelle ère de conscience sociale dans mon esprit et a également fait émerger une centaine d‘autres hashtags tels que #BlackGirlsMagic ou encore #BlackExcellence qui m’ont aidé à prendre confiance en moi et à aimer encore plus ma couleur de peau, mes cheveux crépus et mes traits, car malheureusement les médias de masse classiques me faisaient l’effet inverse.

Twitter a encouragé mon éducation sur de nombreux sujets comme le féminisme ou encore la nécessité d’égalité des droits pour les LGBTQ+, et j’ai pris conscience que l’intersectionnalité des luttes était plus que nécessaire pour progresser ensemble. J’ai également réalisé grâce aux hashtags #MeToo ou #BalanceTonPorc que nous vivons dans une société où la culture du viol est banalisée et que cela doit impérativement changer.

La liste des hashtags qui ont ouvert les portes de mon esprit pourrait s’allonger encore et encore, alors oui, de simples hashtags peuvent conduire à de réelles révolutions, qu’elles soient personnelles, sociales ou politiques, et c’est encore une fois la preuve qu’il n’y a pas de petites batailles. Lire les expériences réelles des gens sur Twitter m’a vraiment donné un troisième œil, m’aide vraiment à grandir en tant que personne et à me rendre encore plus compte de qui je suis. Comme l’explique le philosophe Hegel, chaque conscience a besoin d’être reconnue comme conscience et ne peut l’être que par une autre conscience.

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Je suis tout de même lucide quant à la toxicité des médias sociaux. Je me retrouve souvent à devoir désactiver mes comptes pendant un moment car avoir un flux d’informations internationales en continu, ça peut parfois être lourd à supporter surtout si, comme moi, vous êtes super empathique. Sur Twitter, on a souvent l’impression que tout va mal, ce qui n’est absolument pas le cas, bien au contraire. Trouvez votre propre équilibre et choisissez judicieusement le contenu internet que vous décidez de suivre afin qu’ils soient plus gratifiants que toxiques et n’oubliez pas de faire vos propres recherches, car un tweet n’est pas une source.

Je pense que Twitter a été un refuge pour toutes ces voix opprimées qui méritent plus que quiconque d’être entendues, mais qui n’ont nulle part où s’exprimer. Pour ma part, Twitter a vraiment été une fenêtre sur le monde et j’en suis très reconnaissante. Où est-ce que j’aurais pu apprendre toutes ces choses si ce n’est sur Twitter ? #StayWoke.

Yasmine, 21 ans, danseuse, Chanteloup-les-Vignes

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Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la Zone d’Expression Prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.