Diplômé il y a neuf mois d’un double master de science politique et relations internationales à Lyon 2, mon objectif était de trouver un métier qui me plaît et dans lequel je pourrai m’épanouir. En l’occurrence, “chargé de projets sur des problèmes sécuritaires et de politique internationale” est devenu “n’importe quel poste”, parce que je peine encore à trouver un travail dans les sciences humaines.
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De nationalité étrangère et bénéficiant d’une attestation provisoire de séjour (APS), j’ai l’obligation de trouver un emploi dans les douze mois suivant l’obtention de mon diplôme, si je veux encore séjourner en France. Ce titre de séjour est non renouvelable. Ce poids de l’échéance s’ajoute à la raréfaction des emplois dans ce domaine, amplifiée par la crise du Covid-19, où souvent, la chance sourit aux étudiants sortant des grandes écoles et d’instituts d’études politiques – aux frais des étudiants des universités publiques.
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La question qui revient souvent quand je dis que je recherche un emploi est : “Science politique ? Pour devenir quoi, ensuite ?” Il ne s’agit pas de l’ingénieur qui sort d’une école pour s’occuper d’un poste déjà défini en amont. On a vraiment le choix, après ce master. Spécialement en “politique internationale et analyse des transitions”.
“Tu trouveras, avec le CV que tu as !”
Ce vaste choix fait que, à un certain moment, voulant aussi éviter de faire la fine bouche, je me suis un peu perdu dans mes recherches en les diversifiant le plus possible. J’ai autant candidaté pour des cabinets de conseil que pour des ONG et des institutions publiques ou de coopération internationale.
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À tout cela s’ajoute le virus qui m’a mis un gros coup d’arrêt, surtout psychologique. Au début du confinement, je prenais mon PC en me disant qu’il fallait profiter de cette période pour postuler, mais rapidement, j’ai déchanté : il n’y avait vraiment rien. Le confinement n’a duré que deux mois, mais je me rendais bien compte qu’après, ça n’allait pas reprendre à plein régime du jour au lendemain. Alors, à quoi bon chercher, puisque toutes les entreprises ont revu leur politique de recrutement ?
Le désarroi s’installe donc actuellement. J’ai encore un peu d’espoir, ce qui m’aide à ouvrir encore mon PC, tout en sachant que je ne trouverai rien. Un espoir que je garde grâce aux personnes à qui j’évoque ma situation et qui me répondent : “Mais non t’inquiète, tu trouveras, avec le CV que tu as !”
La situation est toutefois un peu différente pour mes camarades de promotion et les gens qui ont eu plus ou moins le même parcours que moi. Ils ont pu trouver un premier emploi grâce à un réseau privé ou un service civique. Je suis un peu seul, au fond et même mes amis de master trouvent mon cas spécial.
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Les entreprises préfèrent recruter un profil de nationalité française
Je vois l’échéance du mois d’octobre à ma porte et j’essaie de relativiser cette succession d’événements qui a handicapé ma recherche. Je ne peux pas tout mettre sur mon nom, mon origine, ma couleur de peau. Je peux comprendre le manque de confiance de certains recruteurs face à un profil atypique dans mon genre (trois masters 2, dont deux en Italie et ex-lieutenant de l’armée de terre) et les considérations des entreprises dépassées par les récents événements exceptionnels.
Au point où j’en suis, je me dis juste que cela tiendrait du miracle de trouver un emploi à deux mois de mon échéance, vu toute la paperasse que ça demande et le casse-tête pour recruter un étranger en France. On me dit souvent que les entreprises préfèrent recruter un profil de nationalité française, afin d’éviter cette procédure un peu particulière, où il faut justifier qu’aucune autre personne de nationalité française n’a été trouvée.
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Mais ne pas trouver un emploi voudrait juste dire pour moi que je ne corresponds pas à ce que les entreprises recherchent. Pas en matière d’expérience, mais surtout face au profil idéal pour les RH : grande école, expérience professionnelle pertinente, candidat français. En aucun cas je me dis que je ne suis pas assez compétent, même si au-delà d’un nombre avéré de refus, on se pose des questions sur ce que l’on vaut vraiment. “Bamba, tu n’es pas bête, tu es très intelligent, même. Tu auras un boulot que tu mérites.” Je me répète souvent ces phrases et j’essaie d’arborer un large sourire et un état d’esprit combatif après chaque lettre de refus.
Chercher un emploi là où la culture de la méritocratie est mieux rétribuée
Je crois en l’égalité des chances et à la méritocratie. Je peux accepter qu’il y ait quelqu’un de plus méritant sur un poste auquel je concours et qu’il soit pour lui, mais plusieurs fois, j’ai eu le doute sur les vraies modalités de promotion des postes auxquels j’ai candidaté. J’ai senti une préférence nette pour les autres profils, surtout quand, à la fin de l’entretien, on me demandait si j’avais la nationalité française.
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Plus la date de fin de validité de mon titre de séjour approche, plus mon accès au marché de l’emploi en France devient un rêve éloigné. J’ai encore un peu de temps jusqu’en octobre, même si le timing est juste. Au cas où je ne trouve rien, je pense rentrer au Sénégal ou aller vendre mes compétences de l’autre côté de l’Atlantique. Dans un pays anglo-saxon, où la culture de la méritocratie est mieux valorisée.
Je ne suis certainement pas le seul et j’imagine tout ce beau monde, à peine diplômé, qui doit trouver un premier emploi…
Bamba, 27 ans, en recherche d’emploi, Nanterre
Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.