Une simple allumette pour un acte “hyperspectaculaire” : les pyromanes agissent “sous cape” tout en cherchant l’attention générale et le sentiment de “toute-puissance” qui l’accompagne, estime dans un entretien avec l’AFP le psychiatre Pierre Lamothe, spécialiste en criminologie.
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AFP | Quelles sont les motivations d’un pyromane qui passe à l’acte ?
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Pierre Lamothe | D’abord, il faut bien avoir en tête la différence entre un incendiaire et un pyromane.
Les incendiaires ont généralement un lien qui les unit au feu qu’ils viennent de provoquer : c’est celui, par exemple, qui met le feu à la voiture du patron qui vient de le renvoyer. Son geste a un sens, son agressivité est ouverte.
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Au contraire, le pyromane a une agressivité refoulée qui se traduit d’une manière particulièrement rentable pour le psychisme : on est anonyme et, en même temps, on commet un forfait hyperspectaculaire. Encore plus aujourd’hui que par le passé, avec le ballet des Canadair et les images retransmises en boucle à la télévision. Le pyromane est à l’origine d’un événement qui fait le tour du monde et dont tout le monde parle.
Cela provoque un sentiment de toute-puissance, qui peut combler, au moins momentanément, un besoin de reconnaissance. L’action de mettre le feu aboutit à un but grandiose avec une économie de moyens, puisqu’il suffit d’une allumette pour détruire des milliers d’hectares.
Un sapeur-pompier volontaire de l’Hérault a reconnu être l’auteur de plusieurs incendies, expliquant ses actes notamment par la poussée d’adrénaline qu’ils provoquaient. Est-ce un schéma courant ?
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Pour les pompiers pyromanes, il y a souvent un besoin de se sentir indispensable. On se crée la possibilité d’être un sauveur, on devient un héros en quelques heures. Il y a aussi une espèce de rachat : “Oui, j’ai mis le feu, mais j’ai fait tout ce qu’il fallait pour l’éteindre.”
Quelle attitude les pyromanes adoptent-ils lorsqu’ils sont confrontés à leur geste ?
Beaucoup de pyromanes s’en remettent au sort, se considèrent presque passifs : “C’est le vent qui a poussé le feu, pas moi. Je n’ai brûlé qu’un arbre, le reste, je ne voulais pas.”
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Les pyromanes sont généralement plus proches de la honte que de la culpabilité. La honte, c’est quand on souffre d’être vu en faute. La culpabilité, c’est quand on se sent mal d’avoir mal agi. Quand ils se rendent, par exemple, c’est presque toujours parce que le feu a pris une ampleur imprévue ou parce qu’il y a eu une victime.
Le pyromane a rarement la volonté de blesser. S’il y a un mort, la réponse est presque toujours la même : “Je n’ai pas voulu ça.” Mais il reste rare qu’ils se rendent et, même avec les progrès de la criminalistique, les drones, l’analyse des départs de feu que l’on maîtrise de mieux en mieux, beaucoup de pyromanes passent encore entre les mailles du filet.
On en attrape peu, et on les guérit encore moins : seulement ceux qui acceptent de baisser la garde. La pyromanie est, de ce fait, propice à la récidive. Comme dans beaucoup de situations compulsives, l’impunité permet la reproduction.
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Konbini avec AFP