Cela fait plusieurs jours que la Première ministre finlandaise Sanna Marin est au cœur de polémiques qui ne concernent pas ses décisions politiques, mais sa vie privée. Si hommes et femmes politiques sont souvent l’objet de critiques (le plus souvent de la part de leurs détracteurs et détractrices), lorsqu’est dévoilée leur vie intime, on ne peut que noter les différences de réactions entre – au hasard – un ministre accusé de viol et une femme politique en train de faire la fête ou de porter une robe.
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Le 17 août dernier, des vidéos montrant la Première ministre finlandaise en train de faire la fête lors d’un événement organisé par son parti avaient déclenché l’ire des réseaux et des médias. Les commentateur·rice·s déploraient un manque de sérieux de la cheffe d’État et allaient jusqu’à imaginer qu’elle était alors sous l’emprise de stupéfiants. Des théories réfutées par un test de dépistage négatif effectué par Sanna Marin la semaine dernière.
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La Première ministre a également publié une vidéo dans laquelle elle revient sur une “semaine […] difficile” et rappelle ne pas avoir “manqué un seul jour de travail” ni “laissé une seule tâche en suspens”.
Ce mardi 23 août, c’est une photo prise dans la résidence officielle de Sanna Marin qui l’a obligée, de nouveau, à s’excuser en vidéo. L’image montrait deux de ses amies s’embrasser et dénuder leurs bustes recouverts d’un écriteau “Finlande”. “Je pense que la photo est inappropriée, je m’en excuse. Cette photo n’aurait pas dû être prise“, a déclaré la femme politique à la presse.
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Plus jeune femme jamais élue au Congrès états-unien, Alexandria Ocasio-Cortez a souvent interrogé ces doubles standards que subissent les femmes politiques lorsqu’il s’agit de leur vie privée et de leur apparence. Dans une vidéo tournée pour Vogue en 2021, elle soulignait par exemple la façon dont son genre et son jeune âge donnaient lieu à nombre de remarques infondées et désobligeantes concernant sa personnalité et ses décisions politiques (“On me reproche d’être jeune, frivole et inconséquente”).
“Les doubles standards, c’est voir que lorsque Paul Ryan est élu à 28 ans, on considère ses initiatives politiques irréfléchies comme du génie ; tandis que lorsque je gagne les primaires à 28 ans, je suis traitée avec suspicion, scrutée – jusqu’à la façon dont je m’habille – avec l’idée que je ne mérite pas ma place.”
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Elle souligne également “les difficultés à être prise au sérieux” que connaissent les femmes en politique et la façon dont on ne leur pardonne ni un prétendu “manque” d’apprêt physique ou, au contraire, “trop” de féminité – comme si porter autre chose qu’un tailleur-pantalon gris foncé changeait quelque chose à la façon de gouverner un pays.
Députée depuis 2019, Alexandria Ocasio-Cortez fait encore les frais de commentaires vulgaires et déplacés concernant son physique, alors qu’elle tente de communiquer sur sa politique.
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Ces états des lieux ne datent pas d’hier et ne concernent pas seulement nos pays voisins. Sur les réseaux ou dans les lieux de pouvoir, les femmes font les frais de polémiques lunaires ou de remarques sexistes.
“Elle est bien roulée, tu crois qu’elle a une culotte ?”
La phrase est prononcée en 1991 par un député, à haute voix, dans l’hémicycle de l’Assemblée, alors qu’Édith Cresson adresse son discours de politique générale. Restée célèbre, cette phrase n’est malheureusement pas la seule invective reçue par la première Première ministre de l’histoire du gouvernement français.
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Interrogée par Brut 30 ans plus tard, l’ancienne femme politique s’est remémoré les attaques et critiques sexistes reçues à l’époque : “Quand je suis allée, la première fois, à une rencontre du principal syndicat agricole où j’étais invitée, il y avait une grande banderole d’un bout à l’autre de la salle, où c’était écrit : ‘Édith, on t’espère meilleure au lit qu’au gouvernement'” – une remarque qu’on imagine difficilement adressée de la sorte à un homme.
Son “look, plutôt classique”, selon ses termes, faisait également l’objet de nombreux commentaires : “Je ne sais pas comment il faut s’habiller, se coiffer, pour que ces gens-là ne critiquent pas.”
La robe de Cécile Duflot sifflée à l’Assemblée
En 2012, Cécile Duflot, alors ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, se faisait huer et siffler à l’Assemblée Nationale parce qu’elle osait venir… en robe. En plus de provoquer cet humiliant concert dans l’hémicycle, ses collègues s’étaient permis toutes sortes de commentaires à la sortie de l’Assemblée concernant sa robe et la façon dont cette dernière lui seyait.
La ministre avait fait taire ces persiflages en affirmant : “J’ai une doctrine extrêmement simple sur le sujet : je souhaite, comme tous ceux qui sont en charge de responsabilité ministérielle, être jugée sur mon travail.” En juin 2022, la députée EELV-Nupes Marie-Charlotte Garin a ressorti la robe de Cécile Duflot afin de rappeler que “les violences sexuelles et sexistes ne s’arrêtaient pas aux portes de l’hémicycle”.
“Je ne suis pas une poule”
Et l’hémicycle semble bien être un lieu où grouillent les attitudes sexistes. Un an après l’épisode de la robe de Cécile Duflot, c’est la députée écologiste Véronique Massonneau qui est obligée de recadrer ses collègues députés. Tandis qu’elle délivre un discours pendant un débat sur la durée de cotisations pour la retraite, le député UMP Philippe Le Ray caquette – oui, il caquette, comme une poule – toute la durée de son intervention.
Le Président de l’Assemblée finit par demander une minute de suspension de la séance. Il sanctionnera le député d’un “rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal” et du retrait d’un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois.
Le blazer de Sanna Marin
En octobre 2020, la Première ministre finlandaise faisait déjà, malgré elle, couler de l’encre à cause d’un portrait en une de magazine. Tandis que, dans son entretien, Sanna Marin traitait de questions relatives à la gestion du pays, à son quotidien et à l’obsession du public pour les choix et “l’apparence des femmes”, c’est bien ironiquement son décolleté qui avait fait bondir de leur siège une partie du lectorat, insurgé que la Première ministre du pays apparaisse ainsi “dévêtue”.
En réaction à ces reproches, des internautes avaient sorti leurs blazers du placard pour affirmer leur soutien à Sanna Marin et protester contre le fait qu’une femme soit toujours sexualisée et réduite à son apparence, créant la tendance #ImWithSanna sur Instagram.