La vaccination, ils ne voulaient pas en entendre parler. Entre la peur des effets secondaires et la désinformation concernant les personnes dites prioritaires, il n’était pas question pour Jean-Claude, 60 ans et diabétique, et Corinne, 51 ans et épileptique, de se faire vacciner. “On était septiques, on se posait des questions.” Leur argument principal est indéboulonnable : le manque de recul.
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“Le vaccin a été mis au point trop vite, et on ne sait pas ce qu’il y a dedans”, assène Corinne. Leur deuxième argument ? Monsieur ne tombe jamais malade. “Ça fait quinze ans qu’on est ensemble, je n’ai jamais vu mon mari malade, sauf pour quelques petits rhumes.” Une santé de fer. Jean-Claude l’assume dans une toux rauque, un tube à oxygène sous le nez, les vaccins, “[il] n’aime pas trop ça”.
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27 mars 2021, le couple apprend qu’il est cas contact de leur belle-fille. Le verdict tombe : ils sont positifs au Covid-19, plus précisément au variant anglais. À l’époque, la vaccination est ouverte uniquement aux plus de 75 ans. Malgré les comorbidités, Corinne et Jean-Claude ne se sentent pas vraiment concernés. Aujourd’hui, ils ne savent pas s’ils se seraient fait vacciner avant le 27 mars s’ils avaient pu. “À l’époque, on était très très très sceptiques”, insiste Corinne.
“Ils m’ont appelée pour me dire que mon mari était dans le coma”
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Les symptômes commencent alors à apparaître : toux, jusqu’à 40 de fièvre, mais surtout des difficultés respiratoires pour Jean-Claude. Corinne, quant à elle voit, ses symptômes s’atténuer assez rapidement. Les difficultés à respirer de son mari l’alertent, l’ambulance l’embarque aussitôt.
Même si Jean-Claude est conscient à ce moment-là, il n’a aucun souvenir d’avoir été transporté à l’hôpital. “Trou noir complet, souffle Corinne. Le 2 avril, à 1 h 30 du matin, [les médecins] m’ont appelée pour me dire que mon mari a été transporté à l’hôpital de Caen, et qu’il est dans le coma. Là, j’étais dans tous mes états.”
Les poumons de Jean-Claude sont atteints entre 75 et 80 %, indique sa femme, uniquement “à cause du Covid”, insiste-t-elle. “Ils n’avaient pas d’autre choix que de le plonger dans le coma artificiel pour l’aider à respirer.” Pendant deux longs mois, le sexagénaire reste dans le coma, il fait des infections pulmonaires à répétition.
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Difficile pour Corinne de retrouver souvent son mari, même si elle prête toujours attention à son téléphone. N’ayant pas le permis, elle ne peut lui rendre visite que tous les quinze jours. Et Caen, ce n’est pas la porte à côté. La première fois qu’elle le découvre dans la chambre d’hôpital, c’est le choc.
“Il était branché de tous les côtés, il a fait de l’œdème partout. Il avait le visage, les bras, les jambes gonflés. Quand je suis partie de l’hôpital, j’en ai pleuré de le voir dans cet état. Surtout lorsque c’est la personne qu’on aime… Ça été très dur. Je ne souhaite ça à personne, même à mon pire ennemi.” Les médecins proposent une trachéotomie : un tube relié à la gorge pour aider le souffrant à mieux respirer. Directement, Corinne leur donne le feu vert. “C’est ce qui lui a sauvé la vie.”
“Le peu qu’il fait à la maison, oui, c’est un miracle”
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“Rentrer à la maison, c’était chaud”, lâche Jean-Claude. Il est désormais handicapé à vie, en fauteuil roulant, et sous assistance respiratoire quotidienne. Sa main a été paralysée à force d’avoir été retournée sur le ventre pour l’aider à respirer. “Je ne peux plus trop m’en servir, elle ne reviendra pas”, explique Jean-Claude.
Il n’est plus capable d’exécuter des gestes simples, comme couper sa viande ou ouvrir une bouteille. Impossible aussi de faire la cuisine : il lui est formellement interdit de s’approcher du gaz avec ses réserves d’oxygène. C’est donc le double emploi pour Corinne, qui gère tout à la maison en plus de son travail en grande surface.
“Ça n’arrange pas le cerveau non plus, il en prend en coup. J’en ai fait l’expérience il n’y a pas si longtemps. J’étais à l’hôpital de jour, c’était un lundi après-midi et je me croyais le matin. Ça m’a fait tout drôle”, se souvient Jean-Claude, qui n’a pas perdu sa bonne humeur, dans un sourire.
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“Le peu qu’il fait à la maison, comme passer l’aspirateur, mettre la table ou des choses comme ça, oui, c’est un miracle”, explique Corinne. Pour l’instant, tout est incertain. “Il peut refaire une infection pulmonaire, le moindre microbe peut le faire passer de l’autre côté”, explique encore sa femme, inquiète.
L’heure du repentir
Aujourd’hui, le couple est catégorique. S’ils avaient su, ils se seraient fait vacciner aussitôt. “On ne s’est pas posé les bonnes questions à l’époque.” Ils regrettent d’avoir attendu et incitent toutes les personnes récalcitrantes à se faire vacciner. “Il ne faut pas que les gens attendent la dernière minute pour se faire vacciner. S’il avait été vacciné, tout ça ne serait pas arrivé.“
Corinne tient à remettre les choses en perspective : “Les médicaments qu’on prend tous les jours, on ne sait pas non plus ce qu’il y a dedans…” Jean-Claude conclut : “C’est vrai que si tout le monde pouvait se faire vacciner, ce ne serait pas plus mal.”