Si vous suivez plusieurs titres de presse sur les réseaux sociaux, vous avez sûrement remarqué de nombreux commentaires insultants, des attaques sur le physique aux propos racistes ou discriminants, jusqu’à des cas de cyberharcèlement. Ces propos et comportements sont graves, et ne sont pas sans conséquences sur les victimes de ces attaques.
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“La visibilité des commentaires haineux est plus forte, parce que les personnes se congratulent entre elles, et les algorithmes ne vont pas analyser la nature haineuse du commentaire, juste son succès”, nous explique Caroline Leroy-Blanvillain, avocate au barreau de Paris et spécialisée dans le cyberharcèlement. Sous couvert de liberté d’expression, les contenus haineux surplombent les contenus positifs.
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En droit français, de nombreux régimes juridiques peuvent être appliqués pour traiter la question de la haine sur Internet. Notamment la loi sur la liberté de la presse de 1881, qui condamne l’apologie des crimes de guerre et contre l’humanité, et l’atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Cette loi définit aussi les notions d’injures publiques et de diffamation : les commentaires insultants peuvent être considérés comme tels puisque les réseaux sociaux sont un espace certes virtuel… mais public.
Mais surtout, selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 et ses jurisprudences, il y a une obligation de tout professionnel actif sur Internet d’être vigilant sur les contenus postés sur le site. Les plateformes sont qualifiées par la loi comme des hébergeurs de contenus : si elles doivent retirer dans les moins de 24 heures tous les contenus considérés comme illicites, il y a un fossé entre la théorie et la pratique. De fait, les modérateurs des grandes plateformes comme Facebook ou Instagram étant souvent situés à l’étranger, il reste complexe de supprimer instantanément les commentaires haineux, même après plusieurs signalements de la part des personnes et/ou des éditeurs de contenu.
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Qu’est-ce que risquent les auteurs de commentaires haineux ?
Caroline Leroy-Blanvillain nous l’affirme très clairement : “les auteurs de commentaires haineux sont susceptibles de poursuites.” Même si la réponse pénale n’est pas automatique, de nombreuses avancées ont lieu au niveau français (loi Schiappa de 2018, loi Avia de 2020) et au niveau européen (directive SMA de 2019, Digital Service Act proposé fin 2020). Selon ces lois, s’il y a un grand nombre de commentaires à l’encontre d’une personne, cela peut être considéré comme du cyberharcèlement. De plus, pour caractériser le harcèlement, il n’y a pas besoin que cela parte d’une intention malveillante de l’auteur : il suffit que la victime ait subi des dommages en raison du harcèlement.
Ces lois renforcent l’efficacité et facilitent la condamnation à l’égard des auteurs de contenu haineux. La peine encourue de base est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, et peut monter jusqu’à 3 ans de prison et 75 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes. Parmi elles, le caractère raciste du propos, ou en raison du sexe, de l’origine ou de l’orientation sexuelle de la personne visée.
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“Sur Internet, tout est démultiplié. Souvent, les auteurs de propos haineux disent qu’ils ne se sont pas rendu compte, qu’ils étaient énervés, qu’ils ne le pensaient pas”, nous explique Caroline Leroy-Blanvillain, qui traite beaucoup de cas de cyberharcèlement en procès. “Moi je leur demande : Mais est-ce dans la vraie vie, face à cette personne, vous l’auriez menacé de mort ou de viol ? En général, on me répond que non”, ajoute-t-elle.
Et pour les victimes ?
Quand on est victime de propos haineux sur Internet, on peut vite se sentir submergé par le nombre de messages, d’insultes. “Il y a la sensation qu’Internet est un exécutoire, qu’on peut tout se permettre et que c’est moins grave. Alors qu’il y a une facilité du clic : on a moins cette dimension de réfléchir avant de parler”, détaille Caroline Leroy-Blanvillain. Pour les victimes, cela a des conséquences psychologiques importantes, comme du stress post-traumatique, de l’anxiété voire des symptômes dépressifs.
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Si vous êtes victime de propos haineux en ligne, au-delà de signaler ces contenus aux plateformes, vous pouvez aussi les signaler sur la plateforme Pharos du ministère de l’Intérieur. De plus, ne restez pas seuls, et essayez d’en parler à des proches de confiance, voire de leur confier vos réseaux sociaux pendant quelque temps pour reprendre des forces. Des applications comme Bodyguard peuvent également filtrer, masquer ou supprimer ces commentaires haineux.
Enfin, si vous décidez de porter plainte, Caroline Leroy-Blanvillain conseille de prendre des captures d’écran le plus tôt possible, pour qu’elles servent de preuves. “Cela facilitera le travail des enquêteurs pour remonter jusqu’aux auteurs de l’infraction, permettre de traduire ça en justice et leur faire comprendre que ce n’est pas parce que le commentaire est virtuel que ce n’est pas réel”, ajoute-t-elle.