Précarité menstruelle : bientôt des distributeurs gratuits dans les lycées d’Île-de-France

Publié le par Clothilde Bru,

© Isabel Pavia / Getty Images

Quelque 130 000 lycéennes rateraient régulièrement les cours faute de protections hygiéniques.

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Faute de pouvoir se payer des serviettes ou des tampons, certaines se débrouillent avec du papier toilette, d’autres sèchent les cours : pour lutter contre la “précarité menstruelle” qui frappe des dizaines de milliers d’adolescentes, la région Île-de-France sera la première à installer des distributeurs gratuits dans tous les lycées.

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Quand on lui a proposé de participer à l’expérimentation de ce dispositif, Christophe Boutet, proviseur du lycée professionnel Charles-Baudelaire de Meaux (Seine-et-Marne), confesse s’être “d’abord demandé quel était l’intérêt de ce truc-là”.

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Face au distributeur “dévalisé”, il a “fait le constat d’un réel besoin” dans cet établissement “où beaucoup de familles sont en grande précarité financière”. “C’est la preuve que c’est un sujet qu’on méconnaît”, dit-il.

“Précarité menstruelle” : le concept apparu il y a quelques années désigne pourtant un phénomène massif. Selon une enquête Ifop de 2017, 1,7 million de femmes n’auraient pas les moyens d’acheter des protections périodiques, qui représentent un budget important. Avec des conséquences sur leur santé, leur vie sociale ou leur scolarité.

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Quelque 130 000 lycéennes rateraient régulièrement les cours pour cette raison, selon une enquête menée par la marque Always en 2018.

“Les règles restent un gros tabou et, pour les jeunes filles en situation de précarité, c’est un tabou dans le tabou”, estime Laura Pajot, de l’association Règles élémentaires, qui organise la collecte et la distribution de protections gratuites.

Au lycée Baudelaire, même l’infirmière scolaire Donia Mahouchi, très proche de ses élèves, est tombée de l’armoire. “J’ai toujours distribué des tampons et des serviettes, qui nous sont offerts par une marque, j’étais donc un peu perplexe quant à l’utilité du distributeur”, témoigne-t-elle.

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Alors qu’elle “dépannait” quatre à cinq filles chaque jour, ce sont désormais près de 100 serviettes qui sont retirées chaque semaine, via la machine.

“Beaucoup d’élèves viennent pour des douleurs de règles ou parce que leurs vêtements sont tachés, mais aucune ne m’a jamais dit être dans la galère pour acheter des protections, peut-être par honte… La précarité menstruelle, je ne l’avais pas vue”, souffle-t-elle.

“C’est déjà arrivé que des filles restent chez elles parce qu’elles n’avaient pas” de protection, confirme Rashley (prénom modifié), élève en terminale.

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“Inégalité marquante”

Comme 30 autres lycées franciliens, Charles-Baudelaire expérimente depuis fin 2020 cet équipement. Au printemps 2021, les 465 lycées publics de région parisienne en seront dotés, pour un coût d’un million d’euros.

“C’est le premier marché à grande échelle”, s’enthousiasme Gaële Le Noane, fondatrice de Marguerite et Cie. L’entreprise, qui loue gratuitement des distributeurs de protections bios aux établissements scolaires et aux entreprises, note une “explosion” récente de la demande. “C’est une inégalité marquante, facile à réparer”, plaide Gaële Le Noane.

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Depuis début 2020, les installations se font au compte-gouttes, au gré d’initiatives locales, dans des universités ou établissements en Bretagne, en Loire-Atlantique, dans le Xe arrondissement parisien ou encore en Seine-Saint-Denis.

Pour la militante féministe Rebecca Amsellem, à l’origine en 2019 d’une pétition en faveur de la généralisation de ces distributeurs, “ça reste toujours beaucoup trop lent”.

“Je ne comprends pas qu’on continue encore à faire des expérimentations alors qu’on sait que ça fonctionne très bien à l’étranger et dans les collèges et lycées où ça a été installé”, s’agace-t-elle. Comme en Écosse, pour toutes les élèves et étudiantes. À ses yeux, “il y a un vrai manque de volonté politique”, notamment car les “règles sont longtemps restées dans le domaine privé, et été associées à une honte”.

À Meaux, le proviseur a fait poser la machine près de l’infirmerie, “dans un endroit discret”. Pour Rebecca Amsellem, il faut au contraire les installer dans les couloirs, car “il n’y a aucune raison de les cacher“, et que “c’est politique”. Un avis partagé par Maëlle, élève de première : “C’est quand même une chose de la vie, on ne va pas non plus en faire toute une histoire, lâche la lycéenne. Même s’il n’est pas dans un endroit caché, on s’en fiche.”

Konbini news avec AFP