Il y a une dizaine d’années, la campagne “Mary on the Green” était lancée afin que soit honorée la mémoire de Mary Wollstonecraft. La philosophe féministe est principalement connue pour son texte fondateur, Défense des droits de la femme, datant de 1792, dans lequel elle s’élevait pour l’égalité entre les genres en soulignant le joug de la société patriarcale. La campagne insistait sur la nécessité de célébrer des femmes dans l’espace public, notant que 90 % des statues londoniennes représentaient des hommes.
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Près de dix ans plus tard, la fameuse statue rendant hommage à Mary Wollstonecraft est enfin érigée dans le nord de la capitale anglaise. Malheureusement, elle est bien loin de faire l’unanimité, et pour cause : la femme sculptée est représentée complètement nue. Sur les réseaux sociaux, journalistes et internautes ont exprimé leur déception et leur colère : les hommes des scènes politiques ou culturelles n’ont, eux, pas besoin d’être montrés nus pour être honorés. De plus, pourquoi avoir donné à la statue une silhouette si parfaitement adaptée aux diktats physiques actuels ?
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“Voici la nouvelle statue dédiée à Mary Wollstonecraft. Ça ne me rend pas du tout en colère parce que JE SAIS que les rues seront bientôt remplies de statues montrant les testicules luisants de John Locke, le pénis fier de Nelson Mandela et l’adorable cul de Descartes”, a sarcastiquement tweeté la journaliste britannique Caitlin Moran.
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La défense de l’artiste
L’autrice de la sculpture, l’artiste Maggi Hambling, aurait balayé “en riant“ ces critiques. Elle insiste sur le fait que la statue est “pour Mary Wollstonecraft” et pas “une idée de Mary Wollstonecraft nue”. “Le truc, c’est qu’elle devait être nue parce que les vêtements définissent les gens. On sait tous que les vêtements sont restrictifs et [la statue] représente toutes les femmes. Puis, en ce qui me concerne, elle a plus ou moins la silhouette qu’on aimerait toutes avoir.”
Maggi Hambling est également l’autrice d’œuvres publiques en hommage à Oscar Wilde et au compositeur Benjamin Britten. La statue de l’écrivain ne représente que son visage, tandis que celle du musicien est une coquille Saint-Jacques : pas de vêtements “limitants” pour ces hommes mais pas non plus d’organes génitaux apparents.
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“Ahhh, donc quand Mary Wollstonecraft disait que les femmes devaient ‘être respectées pour leurs compétences et leurs qualités’ il y a plus de deux siècles, ce qu’elle voulait dire c’était : ‘Je veux être immortalisée en 2020 avec mes nichons à l’air’“, a moqué la journaliste Maya Oppenheim.
Les internautes sont d’autant plus en colère que la campagne était co-financée par le public. Des personnes ayant participé à la cagnotte affirment que la description de l’œuvre ne laissait pas présager cette forme finale. Ces critiques font écho à une récente affaire concernant une Méduse nue (et à la silhouette similaire) érigée apparemment en hommage au mouvement #MeToo et à la libération de la parole des femmes contre leurs agresseurs. Plus largement, ces polémiques renvoient aux travaux des Guerilla Girls.
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Le collectif d’artistes militantes se demandait dans les années 1980 si “les femmes devaient être nues pour entrer au musée du Met” sachant que “moins de 5 % des artistes des sections d’art moderne [étaient] des femmes, mais que 85 % des nus [représentaient] des femmes”.
La polémique aurait peut-être pris moins d’ampleur s’il existait de nombreuses autres sculptures de la “mère du féminisme” (et également mère de Mary Shelley, l’autrice de Frankenstein). Celle de Maggi Hambling étant la première, on comprend le désarroi de celles et ceux qui l’attendaient depuis une décennie.
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“1. Portrait de Mary Wollstonecraft réalisé de son vivant
2. Récente statue de Mary Wollstonecraft
Allez tous vous faire foutre.”
À lire également –> Une sculpture de Méduse créée pour #MeToo est sous le feu des critiques