Mercredi 20 janvier 2020, les États-Unis célébraient l’inauguration de Joe Biden et de sa vice-présidente, Kamala Harris. En cinq jours, le 46e président des États-Unis a souhaité marquer avec emphase la distinction entre son mandat et celui de son prédécesseur.
Publicité
Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau chef d’État a signé une flopée de décrets visant à “renverser des décisions prises par Trump”. Il s’est entre autres engagé à rejoindre l’accord de Paris pour le climat (quitté par Donald Trump avec fracas en 2017), à réintégrer l’Organisation mondiale de la santé, à stopper la construction du mur à la frontière mexicaine et à abroger le “Muslim ban”. Joe Biden et son équipe n’ont pas uniquement souligné cette rupture à travers des décisions politiques ; des actes artistiques et symboliques ont également été de mise.
Publicité
Une nouvelle curation pour le Bureau ovale
Joe Biden et son équipe n’ont eu que cinq heures pour s’installer dans leur nouvelle demeure, précise Artnet. Ils ont profité de ces courtes heures pour installer de nouvelles œuvres d’art dans le Bureau ovale, que la presse américaine s’est empressée d’analyser.
Publicité
Premier changement : le portrait d’Andrew Jackson situé à gauche du bureau (“un président populiste adoré de Trump”, un des chefs d’État les plus controversés du pays, rappelle CNN) a été remplacé par celui de Benjamin Franklin (un choix “symbolique de l’attrait de Biden pour les sciences”, lit-on). Joe Biden a également rapproché de son bureau un buste de Martin Luther King Jr. signé Charles Alston.
La lutte pour les droits civiques est également représentée sous les traits de Rosa Parks. Le buste de la militante a été prêté par la National Portrait Gallery du Smithsonian tout comme celui de Robert Francis Kennedy, ancien procureur général et frère cadet de John F. Kennedy. Sur les premières photographies montrant Joe Biden dans le Bureau ovale, on a également pu remarquer, derrière lui, un buste du militant ouvrier américano-mexicain César Chávez.
Publicité
Ce choix a été applaudi par le fils du syndicaliste, voyant là un symbole “des espoirs et des ambitions de toute une communauté qui a été diabolisée et dénigrée”. “Nous espérons qu’il s’agit du commencement d’un nouveau jour, d’une nouvelle ère, au sein de laquelle les contributions de tous les Américains seront chéries et appréciées”, a-t-il déclaré à CNN. Notons que la petite-fille de César Chávez a été nommée directrice du bureau des affaires intergouvernementales de la Maison-Blanche par Joe Biden.
Chaque symbole importe lorsqu’il s’agit de la décoration de la demeure présidentielle – même lorsqu’il s’agit de se débarrasser du dispensaire à Coca-Cola Light installé par Trump. La volonté de placer l’un au-dessus de l’autre les portraits des deux présidents rivaux Thomas Jefferson et Alexander Hamilton (aux côtés de Franklin D. Roosevelt, George Washington et Abraham Lincoln) a été pensée comme “un emblème de la façon dont les différences d’opinions […] sont essentielles à la démocratie”, a explicité l’équipe de Biden. Enfin, une pierre de lune est exposée, comme un rappel “des accomplissements passés de l’Amérique”.
Publicité
Un cadeau hautement symbolique
Lors de la journée signant la fin de quatre ans de trumpisme, des figures politiques de tous bords ont, elles aussi, honoré ce nouvel élan. C’est le cas du sénateur républicain du Missouri, Roy Blunt, qui a doublement fait parler de lui mercredi dernier. D’abord, lors de son discours durant lequel il a condamné la prise du Capitole par des manifestant·e·s pro-Trump (la qualifiant d’“impardonnable”) ; puis, pour son cadeau offert au nouveau binôme présidentiel.
Publicité
Sur les conseils de la Première dame Jill Biden, Roy Blunt a choisi une œuvre prêtée par le Smithsonian American Art Museum (Saam) intitulée Landscape with Rainbow (“Paysage à l’arc-en-ciel”). Datant de 1859, soit deux ans avant le début de la guerre de Sécession, la toile est signée Robert S. Duncanson, “l’artiste afro-américain le plus célèbre des États-Unis pendant les années entourant la guerre civile”, précise le Saam. “Vivant à Cincinnati, [Robert S. Duncanson] était soutenu par les abolitionnistes qui achetaient ses peintures et ont financé son voyage en Europe pour qu’il étudie auprès des vieux maîtres”, ajoute le musée.
Au milieu des divisions qui agitent le pays, de l’émergence du mouvement Black Lives Matter et des discussions concernant les violences policières, le choix de cet artiste noir abolitionniste est un symbole fort venant du sénateur républicain. La métaphore émanant de la toile est également d’importance. Au cœur d’un paysage bucolique et verdoyant qui rappelle les influences de la Hudson River School, un couple se promène, en parfaite harmonie avec la nature, devant un troupeau de bétail. À l’horizon, le ciel est clair et lumineux et un arc-en-ciel magnifie cette vision de l’idéal rural états-unien.
Le paysage est “semblable au paradis”, souligne le musée, une caractéristique du travail de Duncanson, comme “un espoir tardif de paix avant le début de la guerre de Sécession”. Cet horizon lumineux serait-il la métaphore du “nouveau jour [se levant sur] les États-Unis”, tel que le promettait le nouveau président sur Twitter ? Roy Blunt aurait en tout cas présenté le tableau comme un “bon signe”, rapporte Artnet.
Cette œuvre est un prêt du Smithsonian American Art Museum. Elle intégrera la Maison-Blanche pour les quatre ans à venir, au moins. Dès son arrivée à la Maison-Blanche, le nouveau président a ainsi souhaité marquer une rupture nette avec son prédécesseur, de façon aussi pratique que symbolique – et quoi de mieux que l’art pour transmettre des messages ?