L’imam Hassan Iquioussen expulsé, une décision validée par le Conseil d’État

Publié le par Konbini avec AFP,

© Marc Gantier/Gamma-Rapho via Getty Images

L’avocate de l’imam déplore une décision symbolisant "un État de droit affaibli" et "un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire".

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Le Conseil d’État a donné son feu vert mardi à l’expulsion de l’imam marocain Hassan Iquioussen dont Gérald Darmanin avait fait ces dernières semaines un symbole de la lutte du gouvernement contre les “discours séparatistes”.

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Désavouant le tribunal administratif de Paris, qui avait suspendu en urgence le 5 août 2022 l’expulsion de cet imam réputé proche des Frères musulmans, la plus haute juridiction administrative française a estimé que cette décision de l’expulser vers le Maroc ne constituait pas “une atteinte grave et manifestement illégale à [sa] vie privée et familiale”.

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Hassan Iquioussen, âgé de 58 ans, est né en France et y réside régulièrement mais avait décidé, à sa majorité, de ne pas opter pour la nationalité française. Il a cinq enfants et 15 petits-enfants, tou·te·s Français·es.

Dans un tweet publié juste avant le communiqué du Conseil d’État, le ministre de l’Intérieur a qualifié cette décision de “grande victoire pour la République”. “Il sera expulsé du territoire national”, a ajouté Gérald Darmanin.

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L’avocate de l’imam, Maître Lucie Simon, a réagi sur le même réseau social en estimant que cette décision symbolisait “un État de droit affaibli” et a déploré “un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire”.

“Le combat judiciaire continue, le tribunal administratif de Paris sera amené à se pencher sur le fond du dossier prochainement et Hassan Iquioussen étudie la possibilité de saisir de nouveau la CEDH”, a-t-elle ajouté.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait refusé de suspendre l’expulsion début août, expliquant qu’elle n’accordait des mesures provisoires de suspension “qu’à titre exceptionnel”, lorsque le requérant était exposé “à un risque réel de dommages irréparables”.

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“Provocation à la haine”

Dans sa décision, le Conseil d’État estime que son “discours antisémite”, “réitéré […] après ses excuses de 2004″, et son “discours systématique sur l’infériorité de la femme”, dans “des vidéos toujours disponibles sur internet dont les dernières ont été réalisées en 2021”, constituaient bien “des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine”.

Et s’il reconnaît que ses attaches en France sont “fortes”, il souligne que les enfants de l’imam “sont majeurs et ne dépendent plus de leur père et que son épouse, qui est également de nationalité marocaine, ne se trouve pas dans l’impossibilité de se déplacer au Maroc et de l’y rejoindre le cas échéant”.

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Le Conseil d’État a également rejeté les autres arguments soulevés par la défense de l’imam, jugeant notamment qu’il n’était “pas établi” qu’un renvoi au Maroc “puisse l’exposer à un risque de traitements inhumains et dégradants”.

Le ministre de l’Intérieur avait annoncé le 28 juillet 2022 l’expulsion de l’imam, “fiché S” (pour sûreté de l’État) par la DGSI “depuis dix-huit mois”, selon lui. L’arrêté d’expulsion, daté du 29 juillet 2022, lui reproche “un discours prosélyte émaillé de propos incitant à la haine et à la discrimination et porteur d’une vision de l’islam contraire aux valeurs de la République”.

Depuis, Gérald Darmanin a pris à plusieurs reprises la parole pour justifier sa décision, accusant notamment l’imam, dans un entretien au Journal du Dimanche, de semer “un djihadisme d’atmosphère” et prônant la fermeté face à une “minorité d’emmerdeurs” parmi les étranger·ère·s vivant en France.

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Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait considéré dimanche qu’un éventuel blocage de l’expulsion par le Conseil d’État constituerait “un très mauvais signal”. Maître Simon avait critiqué sur Twitter cette prise de parole, la considérant contraire au “principe à valeur constitutionnelle de séparation des pouvoirs”.

Lors de l’audience devant le Conseil d’État vendredi 26 août, la représentante du ministère de l’Intérieur avait dénoncé le “double discours” d’Hassan Iquioussen, le dépeignant comme “un prédicateur charismatique qui a su acquérir une légitimité au sein d’un très large auditoire et qui, depuis des années, répand des idées insidieuses qui n’en sont pas moins des provocations à la haine, à la discrimination, à la violence”.

Maître Simon avait souligné que les propos antisémites ou misogynes reprochés à son client, dont la chaîne YouTube compte 178 000 abonné·e·s, avaient “été tenus parfois il y a plus de vingt ans” et qu’il n’avait “jamais été ni poursuivi ni condamné pour ces propos”.

Deux enquêtes ont par ailleurs été ouvertes en août par le parquet de Paris après les nombreux messages de menaces et d’injures reçus par Maître Simon et par l’un·e des trois magistrat·e·s du tribunal administratif, signataire de l’ordonnance de suspension de l’expulsion de Hassan Iquioussen.

Konbini avec AFP.