L’actrice Jane Fonda, le président américain Joe Biden, la chanteuse Dolly Parton ou encore le ministre de la Santé Olivier Véran en France : nombreux sont ceux à avoir cédé à la tentation du “vaxxie”, contraction des mots “selfie” et “vaccin”, désignant les photos de soi pendant ou après la vaccination contre le Covid-19.
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Sur Instagram ou sur Twitter, personnes publiques et anonymes s’affichent avec une seringue dans le bras, sourire sous le masque, exprimant leur gratitude d’avoir pu recevoir leur dose de vaccin.
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Had an incredible day vaccinating healthcare workers today and received mine too! Thankful for the opportunity @DukeMedSchool #vaxxie ??? #byecovid19 pic.twitter.com/XS3VXYqAyl
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Today, I received the COVID-19 vaccine.
To the scientists and researchers who worked tirelessly to make this possible — thank you. We owe you an awful lot.
And to the American people — know there is nothing to worry about. When the vaccine is available, I urge you to take it. pic.twitter.com/QBtB620i2V
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Tendance peut-être futile pour certains, il n’en reste que les réseaux sociaux sont un média puissant dans les débats sur la vaccination. “Si vous pouvez vous faire vacciner, faites-le. Il s’agit de sauver des vies”, a notamment tweeté la vice-présidente Kamala Harris en complément de son “vaxxie”. Le hashtag “GotMyShot” est utilisé dans les centres de vaccination londoniens. Aux États-Unis, un “espace à selfie” a même été installé dans certains centres de vaccination.
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En France, on dénombre plus de 4 millions de personnes ayant reçu une première injection de vaccin contre le Covid-19. Pour l’instant, la vaccination s’adresse en priorité aux plus de 75 ans et à tous les adultes présentant des risques de forme grave du Covid-19. Le personnel soignant et de santé a également été invité à se faire vacciner. Une campagne vaccinale accusée d’aller trop lentement, la France comptant à peine plus de 6 % de sa population ayant reçu au moins une dose de vaccin.
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La défiance envers les vaccins, enjeu majeur en France
Le sujet des vaccins reste clivant dans l’opinion publique : la France fait partie des pays d’Europe les plus opposés à la vaccination. Dans un sondage paru en octobre 2020 et mené par l’Ipsos pour le Forum économique mondial, la France fait partie des pays les plus réfractaires : seuls 54 % des Français interrogés s’étaient dits favorables à se faire vacciner s’ils en avaient la possibilité, contre 79 % au Royaume-Uni ou 85 % en Chine.
Une défiance envers les vaccins qui s’explique par deux facteurs, selon Antoine Bristielle, professeur agrégé de sciences sociales et chercheur en science politique, dans un texte publié par la Fondation Jean Jaurès : un manque de confiance envers les institutions politiques, mais également envers la science. Le chercheur cite notamment le succès du “documentaire” Hold-up, qui rassemblait un ensemble de thèses conspirationnistes, visionné plus de deux millions de fois.
Depuis plusieurs mois, de nombreux médias, scientifiques et citoyens s’attellent à décrypter et décoder les thèses conspirationnistes autour des vaccins, avec plus ou moins de succès, en jouant sur le terrain des “antivax” : les réseaux sociaux. Toujours dans son article, le chercheur Antoine Bristielle rappelait “qu’à âge, niveau de diplôme, niveau d’éducation et confiance institutionnelle similaires, plus une personne va s’informer sur Internet et les réseaux sociaux, plus elle va avoir tendance à adhérer aux différentes théories conspirationnistes”. Parmi ces croyances conspirationnistes, il y aurait une alliance entre le gouvernement et les laboratoires pharmaceutiques, unis pour cacher la véritable nocivité des vaccins.
Pourquoi se prendre en photo pendant qu’on se fait vacciner ?
Pour Elsa Godart, philosophe et auteure de Je selfie donc je suis : Les métamorphoses du moi à l’ère du virtuel, paru chez Albin Michel, le selfie est un néolangage, et peut donc transmettre tous les messages… y compris un positionnement politique. Selon elle, le selfie vaccinal s’inscrit dans plusieurs dynamiques, tout d’abord celui de l’événement. “C’est exceptionnel, étant donné la rareté des vaccins. On acte ça par une photo pour s’en souvenir et avoir le sentiment d’entrer dans l’histoire”, explique-t-elle. Mais également par souci de notoriété. “Le vaccin, c’est un phénomène populaire, c’est une manière de prendre la popularité de l’autre et de se l’attribuer”, détaille la philosophe.
L’émergence de ces vaxxies outre-Atlantique n’est pas étonnante selon Laurent-Henri Vignaud, spécialiste de l’histoire des sciences et auteur d’Antivax. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours, paru aux Éditions Vendémiaire. “Il existe des antécédents historiques : les curés qui se font vacciner avant leurs ouailles au XIXe siècle ; le maire de New York qui se fait vacciner sous les flashs de la presse en 1947 ou encore Elvis vacciné contre la polio sous les yeux des photographes”, rappelle-t-il. Une mise en scène de la vaccination destinée à rassurer, mais également à montrer l’exemple.
Se prendre en photo et la diffuser sur les réseaux sociaux, c’est donc aussi une manière indirecte de faire réagir, voire de se positionner politiquement. Une politique de normalisation de la vaccination par l’image, pour inciter. “Ça permet d’éviter les longs discours et de témoigner par la preuve, par l’image”, insiste Elsa Godart. L’exemple de l’image du ministre de la Santé Olivier Véran en train de se faire vacciner est une preuve par l’exemple, dans une communication politique qui vise à dédramatiser la vaccination. Car s’afficher en train de sourire alors qu’on a une seringue dans le bras, c’est aussi dire “que le message et la cause sont plus importants que la douleur”, explique Elsa Godart.
Car dans notre société du partage instantané, une image vaut mille mots. Et face aux rhétoriques anti-vaccins qui inondent la Toile ou les débats agités sur l’obligation de se faire vacciner pour les soignants, les selfies sont aussi un outil politique. Pour autant, les vaxxies vont-ils jouer un rôle d’incitation à la vaccination ? “J’ai plus de doutes sur l’efficacité exemplaire, en raison de la saturation d’images. On voit des piqûres H24 dans les journaux, je ne sais pas si cela n’effraie pas plus que cela rassure”, hésite Laurent-Henri-Vignaud. Pour Elsa Godart, le vaxxie est destiné à disparaître au fil du temps. “Quand vacciner sera devenu une habitude, que les vaccins seront accessibles… on arrêtera d’en faire des selfies”, conclut-elle.