Le mystère et la censure demeurent autour de l’accident d’avion en Chine

Publié le par Lisa Coll,

Zhu Tao, directeur du département des normes de vol de l’administration de l’aviation civile chinoise en conférence de presse (© Noel Celis / AFP)

Un accident qui, en quelques semaines, est devenu politique.

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L’accident d’avion meurtrier du mois dernier en Chine reste un mystère : les autorités ont livré un rapport préliminaire avare en détails, tout en imposant un strict contrôle sur l’information autour de la catastrophe.

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Un Boeing 737-800 de la compagnie China Eastern, reliant les villes de Kunming (Sud-Ouest) et Canton (Sud) s’était écrasé le 21 mars dans la province du Guangxi (Sud) après une chute inexpliquée de plusieurs milliers de mètres en à peine quelques minutes, à la vitesse du son. La totalité des 132 personnes à bord, toutes chinoises, ont trouvé la mort dans cet accident d’avion, le plus meurtrier en Chine depuis près de trente ans, en dépit de la très bonne sécurité aérienne dans le pays.

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Le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir, méfiant de tout emballement médiatique, a rapidement activé sa censure des médias, alors que les journalistes chinois et étrangers affluaient sur le site de l’accident. La Chine devait dans les trente jours suivant la catastrophe remettre un rapport à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Mais dans un communiqué, l’Administration chinoise de l’aviation civile (CAAC) n’a pas davantage expliqué mercredi ce qui avait pu provoquer l’accident.

Les qualifications de l’équipage et du personnel d’entretien de l’appareil étaient “en règle”, ainsi que le certificat de navigabilité de l’avion, a-t-elle précisé. Le vol ne semble pas avoir non plus rencontré de mauvaises conditions météorologiques.

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Suppression d'”informations illégales”

Les deux boîtes noires “ont été gravement endommagées par l’impact et l’analyse des données se poursuit”, a souligné la CAAC. Elle a toutefois indiqué que le grand public n’aurait pas accès au rapport préliminaire et qu’une enquête complète pourrait encore prendre plusieurs années.

Dès la survenue de l’accident près de la petite ville de Wuzhou, les forces de l’ordre ont bouclé une vaste zone autour du site de la catastrophe, dont elles ont initialement interdit l’accès aux reporters de l’AFP. Les médias ont eu beaucoup de difficulté à parler aux familles des victimes : ces dernières ont été logées dans des hôtels où des gardiens tenaient les journalistes à distance.

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La presse officielle a beaucoup insisté sur la mobilisation des secours, des responsables politiques, mais beaucoup moins sur les portraits des passagers du vol MU5375. Les quelques médias chinois qui ont raconté les histoires personnelles des passagers ont été accusés sur les réseaux sociaux de profiter de la douleur des familles de victimes.

De son côté, l’autorité de régulation d’Internet a annoncé avoir supprimé une grande quantité d’“informations illégales” relatives à l’accident sur le web chinois, déjà notoirement censuré lorsque les commentaires font planer un risque pour la stabilité sociale.

Une année sensible

Cette stratégie du pouvoir vise à “faire retomber l’émotion” autour du drame, estime David Bandurski, spécialiste des médias chinois à l’université de Hong Kong. Car insister sur les histoires personnelles aurait “créé de la compassion et de l’émotion, qui peuvent être utilisées à des fins n’allant pas dans le sens souhaité par les dirigeants politiques”, estime-t-il.

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Spécialiste de la censure chinoise à l’université de Californie à San Diego, Margaret E. Roberts estime que l’attention du grand public pour les catastrophes aériennes explique en partie la volonté de Pékin d’orienter le récit médiatique. Ce type d’événement “peut facilement devenir politique”, déclare-t-elle à l’AFP. “Un seul faux pas du gouvernement dans sa réponse à la crise peut être très dommageable.”

Dans le mois qui a suivi l’accident, les médias officiels ont ainsi peu à peu cessé leur couverture du drame. “On peut s’attendre à la même sensibilité” vis-à-vis des causes de l’accident, estime David Bandurski, notamment en cette année critique politiquement. Le président Xi Jinping devrait obtenir fin 2022 un troisième mandat à la tête du PCC, lors d’un grand congrès du Parti qui a lieu tous les cinq ans. “Ce qu’ils ne veulent absolument pas, c’est qu’une autre actualité arrive de nulle part et vienne les prendre par surprise.”

Konbini news avec AFP

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