Tous les soirs, c’est la même chose. Toujours la même rengaine. Elle éteint la lumière et là, c’est l’angoisse. L’angoisse de ne plus pouvoir se réveiller, de ne plus rien contrôler, de passer de l’autre côté. Pourtant, Verena, la trentaine, doit bien finir par s’endormir. C’est souvent toute une épreuve. “Si je ne suis pas assez fatiguée, mon cerveau va commencer à réfléchir un peu trop, je vais ventiler, je dois rallumer la lumière et aller me promener pour me calmer et parfois, je peux même me mettre à pleurer” décrit-elle avant de continuer, comme pour se justifier : “Ma mère a la même chose.” Lorsque la jeune femme parvient enfin à s’endormir, c’est souvent par épuisement.
Publicité
En plus de s’imposer une balade le soir pour se calmer, Verena se force à “avoir une hygiène de vie correcte, je ne peux pas dormir plus de tant d’heures, je dois faire attention à ce que je mange, je dois me dépenser.” Certaines phases sont plus intenses que d’autres. Parfois, une simple tisane lui suffit pour s’endormir.
Publicité
Bien souvent, c’est plus compliqué, voire impossible, elle pense systématiquement à la mort : “Dès que la lumière est éteinte, je me dis : ‘quand je ne serai plus là, ce sera comme ça.’ Et à partir de là, c’est fini. C’est l’angoisse de cesser d’exister, de ne plus rien ressentir, comme lorsqu’on dort mais sans les rêves. C’est la peur du néant.” La peur du rien, du vide intersidéral, du silence de plomb la paralyse.
“J’ai peur au point où j’ai eu l’idée de sauter pour en finir”
Lorsqu’elle est trop angoissée, Verena peut même ressentir ces pensées polluantes en journée, lorsqu’elle a “trop d’interactions autour [d’elle]“, que ce soit au travail ou dans les transports. Elle repense à cette anecdote sur son lieu de travail. Le plus dur pour elle est de faire face aux discussions avec ses collègues : “Nous avons un collègue qui a un cancer. Lorsqu’il parle de lui, au bout d’un moment, j’ai l’angoisse qui monte.” L’idée d’une fin proche la terrifie. “Je suis obligée de partir. Je ne me fiche pas du tout de lui, au contraire, je me fais du souci. Mais je dois partir 30 minutes au calme pour aller mieux, et me sortir ça de la tête.”
Publicité
Mais quand c’est trop, c’est trop. “À un moment donné, je me demandais tellement ce qu’il allait se passer quand je ne serai plus là, j’en venais à me dire ‘fais-le’ [passe à l’acte], au moins c’est fait. […] J’ai peur au point où j’ai eu l’idée de sauter pour en finir.” Ces pensées plus violentes ne sont pas constantes. Elles reviennent par période, comme à l’approche des fêtes de fin d’année ou lorsqu’arrive son anniversaire.
“Je déteste mon anniversaire. Pour moi, ce n’est pas un événement joyeux où on se dit ‘chouette une année de plus !’ Pour moi, c’est plutôt une année de moins.” Elle décompte les années qui défilent et voit le temps qui passe comme une bombe à retardement. Verena fête Noël mais jamais le Nouvel an. La symbolique de passer d’une année à l’autre à une heure précise la terrifie. Encore plus de devoir fêter cet événement.
Donner la vie au même titre que donner la mort ?
De même que les fêtes de fin d’année, Verena refuse d’avoir des enfants, de peur d’être spectatrice du temps qui passe et de les voir vieillir : “Je ne suis pas contre les enfants, j’aimerais en même en avoir. Mais je me refuse à en avoir parce que je vois sur eux que le temps passe. Et je me rends compte [qu’avec les miens], ça n’irait pas.” Donner la vie serait aussi donner la mort, selon elle. “D’après ce que j’ai compris, c’est ma mère qui m’a transmis cette phobie que sa mère lui a transmise. Je me dis qu’avec la chance que j’ai, je n’ai pas envie d’avoir des enfants pour leur transmettre aussi.”
Publicité
Même si Verena va mieux depuis quelques mois, elle n’a pas trouvé de solution miracle, juste des petites astuces qui l’apaisent. Elle prend “des plantes” et ne lit plus avant de se coucher. Elle conclut ainsi : “Ce n’est pas une phobie où on se dit ‘j’ai peur des souris et j’évite les souris’. Là, c’est une issue impossible à éviter.”