“J’avais des barreaux dans la tête” : des adeptes ont raconté leur vie “sous la coupe” de la femme gourou Éliane Deschamps, “entièrement entretenue” par les membres de son “groupe”, selon eux, lundi 22 novembre à son procès à Dijon pour dérives sectaires.
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“J’ai eu une vie d’esclave pendant dix ans : je faisais le ménage tous les jours à fond, je faisais la cuisine, j’obéissais, j’étais en soumission totale, sous emprise”, raconte à la barre Brigitte Delecourt, adepte pendant dix ans d’Amour et miséricorde, communauté fondée en 1999, près de Dijon, par Éliane Deschamps, née Couvreur. “J’étais sous sa coupe. J’avais des barreaux dans la tête”, ajoute-t-elle. “Elle nous faisait peur. Elle disait : ‘Si vous n’obéissez pas, il y aura l’enfer.'”
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“C’était la mère abbesse. Quand elle voulait quelque chose, elle l’avait”, renchérit Magalie Breux, la propre fille aînée d’Éliane Deschamps, qui a fui la communauté après dix ans à vivre “comme une loque”. “Si on n’obéissait pas, on était ostracisé. Personne n’avait le droit de nous parler. On mangeait en bout de table. On était un suppôt de Satan”, ajoute-t-elle dans les hoquets et les larmes.
La jeune femme, qui a quitté la secte à l’âge de 25 ans, raconte les “extases” de la gourou : “Le Seigneur prenait possession de son corps. Elle disait : ‘On s’enrichit seulement de la parole de Dieu donc il faut se séparer de choses qui sont les plus importantes pour vous’, donc ils donnent à Éliane ou à d’autres membres.”
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“Bijoux, tableaux…” La “famille entière” d’Éliane Deschamps “était entièrement entretenue par les adeptes”, assure la fille aînée.
Un complice
L’épais arrêt de renvoi de sept tomes, réuni sur près de vingt ans de procédure qui ont usé trois juges d’instruction, évoque des “sommes importantes” virées par des adeptes. “J’ai donné 5 000 euros”, affirme à la barre Brigitte Delecourt. La prévenue, âgée de 67 ans, reste impassible, assise dans un fauteuil roulant et reliée à une bouteille d’oxygène.
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À ses côtés comparaît son complice présumé Daniel Delestrac, 75 ans, ancien membre de l’Église de scientologie et poursuivi des mêmes chefs. “Il n’y a pas d’emprise”, dément Didier Pascaud, avocat d’Éliane Deschamps. “Il n’y a rien dans ce dossier. Il n’y a aucune conséquence sur la santé morale et physique des plaignants”, assène encore l’avocat, qui demandera la relaxe.
Depuis 1996, Éliane Deschamps affirme que la Vierge Marie lui apparaît tous les 15 du mois, à 00 h 06. En 2002, de premières plaintes sont déposées mais un non-lieu est rendu en 2008. D’autres plaintes suivent cependant et une enquête est menée par la Mission interministérielle chargée de la lutte contre les sectes (Miviludes).
Les informations recueillies auprès de la “gourelle”, écrit la mission dans un rapport, “attestent de comportements constitutifs de dérives sectaires” et “un processus d’emprise sur ses membres, de rupture avec l’environnement familial et social et de pressions financières”.
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Une nouvelle information judiciaire est alors ouverte et Éliane Deschamps est mise en examen en juillet 2014, tout comme Daniel Delestrac, pour “abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne par dirigeant d’un groupement poursuivant des activités créant, maintenant ou exploitant la sujétion psychologique des participants”.
La communauté est aujourd’hui installée à Petit-Noir (Jura), avec un nombre indéterminé d’adeptes.
Dix parties civiles sont représentées à ce procès qui doit s’achever mardi. Les prévenus sont passibles de cinq ans de prison et 750 000 euros d’amende.
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Konbini news avec AFP