Dyspraxique, j’ai été humiliée par mon institutrice

Publié le par La Zep,

Image d’illustration : © Pavel Danilyuk via Pexels

Pendant trois ans, Zélie a subi la violence de son institutrice et des autres élèves. Aujourd’hui, elle est encore marquée par ce qu’elle a vécu.

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Mon entrée en CE2 a été très difficile. Suite à une fermeture de classe, j’ai été contrainte d’avoir la même institutrice pendant trois ans. Au bout de quelques jours, elle a commencé à m’humilier, m’arracher mes cahiers. Je la revois encore me dire que j’étais inutile, que je n’avais aucun avenir et que j’étais une idiote.

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J’étais dans une petite école de campagne, moins de 90 élèves. J’étais avec les mêmes enfants depuis la maternelle, je n’ai jamais eu de réels liens d’attache avec eux. J’étais tout heureuse de rejoindre les grands, et jamais je n’aurais imaginé vivre tout ce que j’ai vécu.

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Je ne savais pas encore que j’étais dyspraxique [“trouble caractérisé par une altération du développement de la coordination motrice”, ndlr] et que mes difficultés étaient légitimes. J’avais très peur d’aller à l’école, beaucoup de crises d’angoisse, je ne dormais pas et je me laissais mourir à petit feu.

Harcelée, trois ans de calvaire

Mon institutrice avait même incité les autres élèves à me taper, m’insulter, voler mes affaires. Je me souviens très bien du jour où elle m’avait hurlé dessus pour mon classeur mal rangé et que j’avais fondu en larmes. Sa seule réponse a été de me dire que j’étais “un bébé complètement détraqué”. Ce genre de mots est inacceptable pour une petite fille de 8 ans.

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J’ai fini par avoir très peur de tout ce qui était lié à l’école, comme les devoirs. Je restais dans ma chambre à avoir peur de tout. J’ai été harcelée, et ce cercle vicieux a duré trois ans. Trois ans de plaintes à mes parents qui ont fini par demander à voir cette institutrice. Et trois ans où elle démentait et disait que ce que je vivais était faux. Trois ans où je me suis rendu malade pour ne pas y aller. J’ai souffert et beaucoup pleuré, je me suis fait du mal en plus de ce que je subissais, et les marques restent profondément gravées sur mon cœur, ma conscience et mon corps. Trois ans à être détruite.

Mon entrée au collège s’est mieux passée. J’ai eu l’occasion de me faire des amis. Mais mes anciens camarades de primaire étaient toujours là. Ils ont continué les coups, les insultes dans le bus et se sont amusés à créer de fausses rumeurs sur moi, ce qui a éloigné beaucoup de personnes de moi.

Marquée à vie

J’ai commencé un suivi avec une psychologue et je continue à la voir. Elle m’aide à vaincre mes peurs, notamment celle de participer en classe. Elle m’aide à traiter les séquelles que j’ai gardées quand j’étais harcelée, comme les tendances suicidaires, le gros manque de confiance en moi ou encore le réflexe de constamment me rabaisser.

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J’ai revu plusieurs fois cette institutrice quand j’allais chercher mon petit frère à l’école. Et c’était très douloureux, car j’ai eu beaucoup de difficultés et de peine pour essayer de me reconstruire sans possibilité de “revanche”.

Je ne pouvais pas porter plainte ni crier haut et fort les supplices que j’avais vécus. Ma maman m’a expliqué qu’il fallait des témoignages et, malheureusement, personne ne pouvait en apporter. L’affaire aurait été classée sans suite. C’est très douloureux de savoir que la personne qui a brisé votre vie est heureuse et ne subit aucune conséquence de ses actes.

Compliqué de me reconstruire

Aujourd’hui, j’essaie de me reconstruire, de progresser dans ma vie scolaire et de me sentir à l’aise. Je suis scolarisée en hors secteur, je ne revois donc plus personne de mon ancienne vie, mis à part dans le bus où il ne se passe plus rien. Je suis active en classe et je mets en avant ma personnalité, j’essaie de rire et d’être moins stressée malgré mes nombreuses crises d’angoisse.

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J’essaie de sortir de la spirale du “je me déteste”, “je mérite de souffrir”, qui me suit depuis huit ans à présent. J’ai des amis et des gens qui prennent soin de moi et je ne sais pas comment j’aurais fait sans eux. Et, avec mon suivi psychologique, je soigne mes blessures d’enfant, petit à petit. J’ai parfois de gros coups de blues mais j’essaie de vivre avec, même si c’est difficile.

Ce texte, que j’ai eu beaucoup de mal à écrire, est une sorte de procès contre le système qui n’accepte pas les enfants hors codes. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal avec l’éducation nationale. Je trouve que le système scolaire n’est pas adapté aux enfants en difficulté ou en dehors des codes scolaires. Je sais que je ne suis pas la seule dans ce cas. De leur côté, les profs sont nombreux à mettre les élèves dans une case sans réellement comprendre leur fonctionnement et leurs différences.

Zélie, 15 ans, lycéenne, Cassel

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Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.