Couvrir le conflit en Ukraine, oui mais à quel prix ? Ce photojournaliste témoigne des risques sur le terrain en temps de guerre

Publié le par Lisa Drian,

Guillaume Briquet s’est fait tirer dessus par un commando russe début mars. Il revient sur la violence de l’attaque et donne des conseils aux journalistes encore peu expérimentés.

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Il décrit dans un premier temps le déroulement de l’attaque : “Je venais de passer un checkpoint ukrainien, ils avaient appelé leur commandant qui m’a donné la voie libre, donc je pensais être en sécurité. Quatre kilomètres plus loin, je roulais, et tout à coup, il y a eu une énorme explosion dans la voiture. C’étaient les quatre balles qui sont arrivées en même temps, dans le pare-brise et dans le toit juste au-dessus de ma tête.”

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“Ce ne sont ni des miliciens, ni des amateurs”

L’hypothèse de l’embuscade ne fait pas vraiment de doute : “Ils étaient cachés de chaque côté de la route, avec des bâches sur eux.” Immédiatement, le journaliste s’extirpe de la voiture et se rend, les mains en l’air. Malgré la présence de l’indication “Press” sur son gilet pare-balles et à plusieurs endroits de son véhicule, les soldats pillent la voiture et volent l’argent de Guillaume Briquet. “C’étaient des militaires infiltrés, les Ukrainiens me l’ont dit. Ce sont des gens dans les lignes ennemies. Ce ne sont ni des miliciens ni des amateurs, ce sont vraiment des professionnels.”

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Pour le journaliste, les soldats étaient forcément des Russes : “C’est sûr à 100 %. J’ai été interrogé par la suite par des militaires ukrainiens, ils avaient un catalogue d’uniformes et c’étaient les uniformes des unités spéciales, ça ne fait aucun doute. Ils avaient un missile, ce n’est pas le type d’arme qu’ont les mercenaires. […] Tout leur matériel était hypersophistiqué.” Ils étaient quinze personnes selon le photojournaliste, et n’en étaient pas à leur coup d’essai.

“Tuez-moi maintenant, sans mon appareil photo, je n’ai plus de travail, je n’ai plus de vie”

Guillaume Briquet tente alors le tout pour le temps en expliquant en anglais : “Si vous me prenez mon appareil photo, autant me tuer, moi, je ne vais pas partir. Donc tuez-moi maintenant. Sans mon appareil photo, je n’ai plus de travail, je n’ai plus de vie.” Étonnamment, le discours du journaliste fonctionne, il échappe de peu à une exécution. De longues discussions pour prouver son identité commencent alors. “Sans une carte de presse, sans pouvoir prouver par des images que j’étais journaliste, ils m’auraient abattu, ça ne fait aucun doute.” Après avoir montré plusieurs photos et contacts dans ses téléphones, les militaires le laissent repartir.

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Expérimenté et habitué des zones de conflit, ce n’est pas la première fois que le photojournaliste se fait tirer dessus. Le tout est de garder son sang-froid. Guillaume Briquet sait comment réagir mais ce n’est pas le cas de tous les journalistes plus ou moins expérimentés sur le terrain. Pour “avoir de la bouteille”, il faut bien commencer par du terrain, certes. Mais pas n’importe lequel, pour l’agencier : “On n’est pas à une manif des Gilets jaunes”, ironise-t-il. “Les conseils que je donnerais aux jeunes journalistes, ce n’est pas de venir dans un conflit comme celui-là. […] Si on va dans un endroit à risque, il y a des risques et il faut en assumer les conséquences, et ça, les jeunes ne le réalisent pas du tout.”

En tant que journaliste, il y a un côté exaltant voire grisant d’être au cœur du terrain pour couvrir l’actualité malgré le danger. L’adrénaline est constante, mais il faut se préparer en amont et avoir le matériel adéquat, ce qui est loin d’être le cas de tous les journalistes français actuellement en Ukraine, selon Guillaume Briquet. “Reporters sans frontières m’ont dit qu’il y avait 2 000 journalistes à Kyiv. C’est un chiffre délirant. Il y a à peu près 100 photographes et journalistes de guerre dans le monde. Cela veut dire qu’il y a 1 900 personnes qui ne sont pas professionnelles, et qui n’ont pas d’équipements qui résistent aux armes de guerre.”

De fausses cartes de presse pour couvrir le conflit

Pour Guillaume Briquet, un “simple” gilet pare-balles ne protège pas complètement sur le terrain. “Un gilet pare-balles résiste aux balles de 9 mm, mais avoir des gilets comme [le mien], qui coûtent plus de 2 000 euros, et qui résistent aux armes de guerre, je suis sûr qu’il n’y a que les équipes de TF1 et de France 2 qui ont ce matériel-là”, explique-t-il.

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Outre le manque de matériel adapté et la manière de se comporter sur le terrain, l’autre problème majeur repose sur la carte de presse, selon l’agencier :

“Le pire, c’est qu’il y a beaucoup de jeunes journalistes qui achètent de fausses cartes de presse en ligne. Elles ne protègent de rien du tout. Au contraire, elles vont vous faire passer pour un espion ! Quand ils auront eu 20 journalistes qui leur auront montré la vraie carte de presse, ils sauront que les autres ne sont pas des vraies. C’est vraiment dangereux d’utiliser de fausses cartes de presse et encore plus dangereux de ne pas en avoir. Là, ils ont regardé mes téléphones pour voir aussi des photos, donc la carte de presse n’était pas suffisante. Ce n’est pas un jeu.”

Ces journalistes sans carte de presse ou avec de fausses cartes seraient du pain béni pour Vladimir Poutine, s’accorde à dire Guillaume Briquet. “Poutine va être content d’arrêter des gens avec des passeports français ou américains en disant que ce sont des espions parce qu’ils ne sont pas journalistes. Il pourra dire : ‘On a arrêté 200 espions à travers l’Ukraine.’ Et il va les garder en monnaie d’échange contre l’arrêt des sanctions. Et ça, les jeunes ne s’en rendent pas compte.”

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Retrouvez l’interview complète de Guillaume Briquet en vidéo :