Plus de 40 000 procès-verbaux, un gain de temps pour certains policiers, mais des consommateurs pour qui “ça ne change rien” à leur fumette : six mois après sa généralisation, le bilan de l’amende forfaitaire pour usage de drogues semble plutôt mitigé.
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D’un montant de 200 euros, avec inscription au casier judiciaire, ce nouveau dispositif utilisé partout en France depuis le 1er septembre vise surtout les fumeurs de cannabis.
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Au total, 43 500 amendes ont été dressées au 24 février, explique à l’AFP le procureur de Rennes Philippe Astruc, qui assure la tutelle du centre national de traitement des infractions. S’il est encore trop tôt pour évaluer leur recouvrement après contestation, environ 40 % des contrevenants les ont payées spontanément.
L’amende soutient une “politique pénale […] de ‘responsabilisation’ des usagers afin de peser négativement sur la demande”, se félicite le magistrat.
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Entre septembre et fin janvier, les infractions pour usage de stupéfiants ont augmenté de 19,5 % par rapport à la même période un an auparavant, selon les calculs réalisés par l’AFP à partir des données du ministère de l’Intérieur.
Cet accroissement des sanctions n’a pourtant pas dissuadé Marc*. Ancien serveur de région parisienne, aujourd’hui sans emploi, il a été arrêté deux fois en septembre à la sortie d’un “four”, véritable supermarché du deal au pied des tours de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.
“Ça fait mal 400 euros, mais de toute façon, je peux pas les payer”, évacue le jeune homme de 26 ans, qui n’a rien réglé et a vu l’ardoise gonfler à 900 euros après majoration.
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“Ça ne change rien à ma conso”, confie celui qui continue de griller “cinq à huit joints par jour”. Il fume toutefois moins fréquemment dans la rue et a déserté le point de vente pour s’approvisionner directement au domicile d’un dealeur.
L’amende a été érigée en symbole de la guerre anti-drogue menée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dans une France championne d’Europe de la consommation de cannabis, malgré une des législations les plus répressives du continent.
Après six mois d’existence, les Bouches-du-Rhône, la Seine-Saint-Denis, le Nord, Paris et le Rhône sont les départements les plus verbalisés, selon le procureur de Rennes.
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“Gain de temps”
Les acteurs qui l’utilisent se montrent toutefois partagés sur son apport. Côté justice, l’amende “ne change rien en termes de flux et de charge de travail puisque les consommateurs de stupéfiants faisaient déjà l’objet d’une procédure simplifiée auparavant”, explique le parquet de Bobigny.
Les policiers de région parisienne contactés par l’AFP louent en revanche un “gain de temps”, qui évite des heures de procédure pour de maigres résultats.
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“Deux cents euros, c’est plus concret qu’un rappel à la loi”, estime l’un d’eux. Le temps économisé permet aux enquêteurs “d’être plus concentrés sur l’investigation et le travail de démantèlement” des réseaux, souligne un autre.
Délégué national à l’investigation chez Unité SGP Police, Yann Bastière reste pourtant circonspect. “Beaucoup savent déjà comment contourner l’amende, il suffit de ne pas avoir de pièce d’identité”, déplore le syndicaliste.
“C’est une vraie fausse bonne idée”, tranche Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance, en pointant des “lourdeurs” qui risquent de compromettre son utilisation à long terme. “Il faut que le gars ne soit pas mineur, qu’il reconnaisse les faits, qu’il ait des papiers sur lui. […] Ça prend des plombes, avec un vrai risque que les esprits s’échauffent.”
Surtout, “il y a toujours autant de consommateurs sur les points de deal”, observe-t-il. À Montpellier, Lila, qui admet son “addiction”, s’est fait prendre en train de rouler un pétard après le travail. “J’ai expliqué aux flics que j’essaie de me sevrer en mélangeant de plus en plus de CBD [molécule non psychotrope du cannabis, ndlr], mais ils ne cherchent même plus à comprendre”, soupire cette serveuse de 23 ans.
“Le poncif de la guerre à la drogue débouche systématiquement sur la guerre aux drogués”, s’agace Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, qui représente plusieurs milliers de professionnels de santé.
“Cela fait 50 ans qu’on a ce genre de postures inefficaces”, ajoute-t-elle, en regrettant que le gouvernement “n’ait pas inclus l’amende dans un plan global qui insiste vraiment sur la prévention”.
*Les prénoms des usagers ont été modifiés.
Konbini news avec AFP