Dans ce nouveau format “Démissions”, d’anciens fonctionnaires expliquent pourquoi ils ont décidé de jeter l’éponge. Cartographie d’une fonction publique mal-en-point que la crise sanitaire finit d’achever. De nouveaux témoignages sont à venir via des vidéos et des articles.
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Au début, tout allait bien. Son métier n’était pas vraiment une vocation. Il n’a d’ailleurs “jamais eu l’âme d’un fonctionnaire”, mais Nabil a appris à aimer son métier. “Un beau métier.” Il aura donc vécu dix années à Paris en passant par plusieurs services, notamment la brigade anti-criminalité, la fameuse BAC. “Pour un enfant d’immigrés, rentrer dans l’administration, c’était une fierté. Encore plus dans la police nationale”, se souvient Nabil.
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Mais, au bout de plusieurs années, la lassitude l’emporte. L’ancien fonctionnaire en est convaincu, “l’être humain n’est pas fait pour être confronté à tant de violences”. Une violence quotidienne. Il repense à cette petite fille de 8 ans, “haute comme trois pommes”, venue déposer plainte avec sa mère. “Un monsieur dans le bus avait baissé son pantalon et elle avait vu. […] Je me vois en train de taper la plainte et d’essayer de comprendre. On se dit : ‘Qu’est-ce qu’il s’est passé, à quel moment ça a vrillé ?'”
Dans la liste des choses qui lui pesaient et qui ont fait pencher la balance, il y a le racisme. Nabil y a été confronté, de la part de la population mais aussi d’autres collègues. “Il y a du racisme, il ne faut pas le banaliser mais il faut travailler dessus. Par exemple, une fois j’ai entendu : ‘Sale bougnoule !’ Le collègue me dit : ‘Sale bougnoule !’ Quand il me voit, il me dit : ‘Ce n’est pas contre toi. Toi, t’es flic.’ Comme si j’avais l’immunité parce que j’étais flic.”
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Quitter le paradis pour aller en enfer
“On travaillait en 4/2, quatre jours de travail pour deux jours de repos. On avait un week-end sur six de repos.” “Je n’ai pratiquement aucun souvenir de mes enfants de 0 à 5 ans, je passais ma vie au travail.” “Quand j’avais mes jours de repos en pleine semaine, je me retrouvais seul à la maison. Assez souvent, j’allais sur mon lieu de travail voir mes collègues.” C’était un cercle vicieux. Sans parler des changements de gouvernement : “À chaque fois qu’un nouveau ministre arrivait, il arrivait avec de nouvelles mesures. […] Je n’avais plus l’impression d’être dans l’administration mais dans une start-up. Celui qui aura fait le meilleur chiffre aura une prime à la fin.”
Lorsqu’il a voulu démissionner, les collègues de Nabil lui disaient qu’il était fou. La stabilité de l’emploi semblait l’emporter sur le bien-être. Cette stabilité, il ne la supportait plus. Il ne supportait plus de devoir rendre des comptes. Lorsqu’il démissionne, Nabil est en dépression. Cette décision a, pour lui, été la meilleure, celle qui a contribué à sa guérison.
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Un jour, en tombant sur un reportage au journal télévisé, c’est la révélation. “Je voyais des scénaristes, des auteurs, et je me suis dit : ‘Moi aussi, je veux écrire.’ Je me suis pris au jeu.” Ce n’était pas non plus une vocation, mais Nabil est devenu comédien et scénariste en 2014 par la force des choses. Un métier qui lui colle à la peau. Il est souvent appelé pour des rôles de policiers. “Apparemment, j’ai un look de policier, donc j’ai gardé ça de la police.”
L’interview intégrale en vidéo :
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