On est allés manger un döner avec Yotam Ottolenghi

Publié le par Pharrell Arot,

(© Konbini)

On a parlé recettes, ouverture de restaurant à Paris et, forcément, de la deuxième saison de The Bear.

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“Franchement, j’ai préféré la première saison à la deuxième. Même si elle propose plus de trucs sur le plan culinaire !” : les vingt minutes serrés à trois à l’arrière d’un taxi pour arriver devant chez Özlem, le meilleur döner de Paris, nous ont suffi pour déboucher sur l’avis de Yotam Ottolenghi sur The Bear. Mais si l’auteur et restaurateur à succès est avec nous, ce n’est pas pour parler de nos coups de cœur Netflix. On s’engouffre dans le petit restaurant, bondé à l’heure du déjeuner, mais Édip, le patron des lieux, nous a gardé une petite table parfaite et nous sert rapidement. Assiette döner pour Ottolenghi, bien enroulée en sandwich pour mon collègue Robin et moi.

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Konbini | On a choisi de t’emmener ici parce que c’est le meilleur döner de Paris. C’est quoi ton rapport au kebab, shawarma ou même bizarrement “grec”, comme on dit souvent à Paris ?

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Yotam Ottolenghi | J’adore ça, et évidemment, il y a tellement de sortes d’approches de ce fameux kebab, ou peu importe comment on l’appelle, que ça prouve qu’il n’y a pas de règles fixes. On le retrouve partout, et si souvent on entend dire qu’il est “authentique”, moi, je n’aime pas trop ce mot. L’authenticité, c’est le restaurant, la famille, c’est beaucoup plus qu’un plat. C’est surtout un sandwich qui souffre de son image, plein de gens pensent que c’est souvent la pire viande qui est utilisée, mais dans les bons endroits, comme ici, il y a un véritable savoir-faire pour créer la gigantesque broche qui tourne derrière nous. Je connais un chef à Tel-Aviv qui est parti en Allemagne apprendre à préparer la broche auprès de la communauté turque ; la viande, les assaisonnements, l’assemblage, c’est une véritable science. À son retour, tout le monde a encore plus adoré ses shawarmas. Et puis, au bout du compte, c’est surtout le plat ultime de fin de soirée, et j’avoue, j’adore quand il est servi avec des frites, même pour la version avec laquelle j’ai grandi, avec le pain plus gonflé et le tahini.

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Tu es de passage en France pour célébrer les 10 ans de ton livre Jérusalem. Quand tu le relis aujourd’hui, tu en penses quoi ?

À l’époque, on avait notre restaurant avec Sami Tamimi, lui d’origine palestinienne et moi d’origine israélienne, mais on n’a jamais eu la prétention ou la recherche de se dire qu’un bouquin pouvait rassembler les gens. D’ailleurs, il y a plein de références à d’autres endroits du monde dans Jérusalem, de Californie, d’Afrique du Nord. La vraie intention, c’était surtout de partager nos souvenirs communs autour de la cuisine, de comment on mangeait quand on était petits, tout ce qu’on aimait profondément, de la nourriture familiale à nos premières expériences de street-food. Forcément, le résultat est cosmopolite, et finalement, Jérusalem n’a pas du tout une vocation encyclopédique, l’idée était surtout de réussir à partager des dizaines d’influences qu’on adorait. Le résultat, dix ans plus tard, c’est que tu vois des restaurants partout dans le monde qui ont repris notre cuisine, et encore aujourd’hui, elle sonne comme la nôtre.

Avec Jérusalem et ensuite Simple, le fameux “livre avec le dessin d’un gros citron jaune présent dans toutes les maisons de France”, tu as réussi à faire passer ta cuisine dans les foyers avec une vision très domestique de la gastronomie. Surtout, tu as réussi à faire en sorte que les Français cuisent leurs légumes juste à l’eau bouillante.

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Je n’ai jamais été dans le grand monde des “chefs” de toute façon. J’ai essayé de bosser six mois dans un restaurant étoilé à Londres, je peux le dire, c’était insurmontable pour moi. Ma cuisine a finalement toujours été assez simple et loin des codes de la haute gastronomie. Mon envie, et ça dès mon premier livre, c’était de faire un vrai livre de recettes, un que les gens ouvrent vraiment, avec des recettes qu’ils cuisinent vraiment chez eux, qu’ils se les approprient et qu’elles deviennent des évidences de leur quotidien. Je n’aime pas les livres de cuisine qui montrent ce que les chefs qui les ont écrits savent faire, j’aime quand les gens peuvent se projeter dans la réalisation des recettes. Et pour ça, il faut simplifier. Tu ne peux pas commencer une recette par “Faire un bouillon de poulet”, non, tu dis “Prenez un bouillon de poulet tout fait”, ça dédramatise tout de suite l’acte de cuisiner. Alors oui, certains me disent : “Oui mais il y a souvent beaucoup d’ingrédients dans tes recettes.” Certes, mais la recette est hyper facile à faire !

(© Konbini)

D’ailleurs, on la trouve où, la harissa à la rose ? À chaque fois qu’on parle de tes recettes, on nous demande ça ! Comment on peut encore aller plus loin et dire que, sans tout révolutionner, une recette n’est qu’une suggestion ?

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[rires] En vrai, chaque fois que je propose un ingrédient un peu plus dur à trouver, j’essaie de proposer des alternatives. Bien sûr, on ne peut pas remplacer l’élément central de la recette ; si t’as pas de chou-fleur, t’as pas de chou-fleur. Évidemment, la base de ma cuisine, c’est souvent les épices, et quand il y en a beaucoup, ce n’est pas la fin du monde s’il en manque une, et je ne vais pas te mettre un procès si tu ne suis pas ma recette à la lettre. Je ne suis pas regardant sur la façon dont les gens s’approprient mes recettes, parce que mes recettes, c’est juste la proposition de la meilleure chose possible à faire avec les ingrédients que j’avais le moment venu. Ça dépend ensuite du niveau de cuisine, et je trouve ça génial quand des gens transforment ce que je propose en quelque chose de réussi.

D’ailleurs, c’est quoi la recette la plus importante de ton répertoire à ton avis, pour toi et pour tes lecteurs ?

Le plus gratifiant pour moi, c’est quand une de mes recettes s’imprime dans la tête des gens, qu’ils n’ont plus besoin de la lire, qu’elle devient pour eux aussi un classique de leur répertoire, qu’ils peuvent la cuisiner en pilote automatique. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire ; maintenant, cette recette fait partie d’eux à vie, tout en évoluant, elle peut être passée oralement à des enfants, à des petits-enfants. Mes restaurants, mes livres, peut-être que dans vingt ans, ils ne seront plus là, mais la fierté que j’ai de savoir mes recettes dans la vie des gens, c’est une fierté infinie. Dans Jérusalem, par exemple, il y a la recette du poulet rôti avec des clémentines, c’est l’exemple parfait de ce genre de recettes qui vivent maintenant par elles-mêmes dans des foyers du monde entier.

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(© Konbini)

Quelques bouchées épicées comme il faut, un café et plusieurs confidences plus tard – un nouveau livre est dans les tuyaux pour 2024 et le monsieur cherche activement à installer son premier restaurant parisien –, il est temps de laisser repartir Yotam Ottolenghi, mais pas avant d’avoir échangé quelques adresses londoniennes contre quelques adresses parisiennes.

Les livres de Yotam Ottolenghi sont disponibles aux éditions Hachette Cuisine.