La question du vieillissement du vin est un sujet éternel. S’il existe de nombreuses manières et techniques, classiques et traditionnelles, de faire dormir et vieillir un vin, un jeune vigneron, lui, a eu une idée : inventer Barroll, une machine qui, en faisant “danser” et bouger le précieux liquide en bascule, le rendrait meilleur et le ferait vieillir plus rapidement que des méthodes traditionnelles. On est donc allés poser quelques questions à Grégoire Piat du Château Couronneau, dans le Bordelais, pour mieux comprendre comment cette machine fonctionne.
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Konbini | Comment l’idée de ce projet est-elle née ?
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Grégoire Piat | Je me suis pas mal intéressé aux effets du mouvement sur les vins, notamment avec l’immersion de bouteilles de vin dans la mer chez un ami ostréiculteur ou le voyage de bouteilles sur un bateau à voile, avec dégustation comparative. Puis, un soir, petite perche, je me suis demandé ce que ça ferait si on mettait une amphore ou une barrique en mouvement. J’ai imaginé un “chai qui danse” avec plein de systèmes différents.
Il a fallu beaucoup d’essais, de prototypes ? Pourquoi ?
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L’idée est née, il me fallait donc dessiner des machines capables de mettre en mouvement des barriques ou amphores de plus de 250 kg, calculer les structures, adapter une motorisation, imaginer plusieurs types de mouvement. L’idée paraissait simple, mais la réalisation a demandé l’aide de plusieurs amis compétents, dont Christian La Borderie, mon ancien professeur à l’ISA BTP (Bayonne), Olivier Chiarla (soudeur professionnel) et le meilleur des coachs, mon père, Christophe Piat. J’allais les voir le week-end avec une bonne bouteille de Couronneau (évidemment !) pour avancer sur les sujets qui bloquaient.
Le mouvement sur le vin est un sujet beaucoup étudié ?
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Personne n’avait jamais fait de suivi analytique sérieux sur les effets du mouvement sur le vin. Il a donc fallu me remettre dans les études, comprendre les réactions chimiques opérant pendant la fermentation et post-malolactiques dans les détails. En déduire les analyses à effectuer. Pour ça, mon ami œnologue, Florent Niautou, m’a accompagné. Une fois ces données intégrées, on a fait naître le prototype et mis le vin en mouvement à plusieurs phases de vinification ou d’élevage pour vérifier les intérêts du phénomène. Et, bien sûr, on a enchaîné les dégustations.
Quelle influence le mouvement a-t-il sur le vin, alors ?
D’un point de vue plus scientifique, en créant le mouvement dans ces contenants, les phénomènes de pression-dépression favorisent un apport lent d’oxygène au travers des pores du contenant ou de zones perméables, la mise en suspension des lies fines accélère les réactions chimiques et donne du gras au vin, les tanins sont polis, aboutissant à l’amélioration gustative du produit.
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En termes de dégustation, le vin est plus rond, le bois est mieux intégré et le cœur de bouche est plus intense. C’est aussi un accélérateur de vieillissement. Le vin est buvable plus rapidement, ce qui était le sens de ma recherche. Le projet est cool, puisqu’il permet de répondre naturellement aux exigences qualitatives des vins d’aujourd’hui (plus ronds et plus fruités) tout en conservant les labels d’agriculture biologique et biodynamique.
Vous êtes les seuls au monde à avoir réfléchi à une telle “machine” ?
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Oui, je pense pouvoir le dire. On a simplement inversé la logique. Les vignerons déplacent les fluides avec des pompes pour vinifier. Et pour l’élevage du vin ou des spiritueux, le discours réside dans la noblesse des matériaux, ou dans les formes des contenants lui conférant ses spécificités. En mettant le vin en mouvement, on vient bousculer le statisme revendiqué par tout le monde ! Ça m’amuse beaucoup. Dans un sens, nous respectons le vin, nous mettons en mouvement les contenants pour laisser opérer la magie fermentaire et les phénomènes attendus du vieillissement.