À Paris, mille vies et au moins autant de temporalités se superposent et se juxtaposent dans une même journée. Une vie diurne agitée ; une autre nocturne et mouvementée ; mais surtout une autre encore, matinale et embrumée, offrant une réalité parallèle et effervescente que ceux qui ont la chance de pouvoir dormir à des heures plus ou moins normales ignorent. On y vit, on y déambule… et on y mange aussi. Pour découvrir les restaurants et cantines qui s’agitent alors que le jour n’est pas encore levé, on peut compter sur Romain Bouffe Tout, un vidéaste curieux et gourmet qui s’est donné pour mission de mettre en lumière ces merveilles discrètes de la capitale. Alors, on est allés lui poser quelques questions… et lui soutirer quelques bons plans.
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Konbini | Qui es-tu ?
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Romain Bouffe Tout | Alors, vous l’avez sûrement deviné, mais je m’appelle Romain, j’ai 35 ans et j’habite à Paris depuis 15 ans.
Quand as-tu commencé tes vidéos culinaires ? Et pourquoi ?
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J’ai toujours été attiré par la bouffe, genre vraiment, mais je ne me serais jamais vu travailler dans un restaurant par exemple et quand j’y pense, ouvrir une chaîne YouTube non plus [il rit]. Lors de notre troisième grand voyage avec ma copine, je me suis dit : “Tiens, ça serait cool de lancer un projet où je mange des trucs un peu chelous en Asie !” et hop, on est arrivés au Vietnam en février 2023, pour notre deuxième fois déjà et j’ai lancé le projet de Romain Bouffe Tout. Je savais exactement ce que je voulais faire, et j’avais vraiment une trame que je voulais respecter. En voulant trop la respecter, je me suis trop limité en quantité de vidéos. C’est pour ça qu’on repart d’ici deux mois pour refaire du contenu en Asie.
Pourquoi t’être lancé là-dedans ? Tu entretenais un lien particulier avec la bouffe ?
Alors non, je n’ai pas forcément eu de lien avec la nourriture quand j’étais enfant, mais la chose qui m’a le plus motivé, c’est mes parents. J’ai eu la chance d’avoir un papa qui était CCP chez Air France, donc, depuis mes 1 an, je voyage en Asie. Ils m’ont vraiment appris cette culture de la street-food. Dès mes plus jeunes années, j’ai développé un amour pour l’Asie et la bouffe qui va avec.
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Après mon premier voyage en 2018, on a vite compris qu’on ne pourrait jamais se passer de voyager. Si ce projet vient à se pérenniser et à fonctionner encore un peu mieux, on aura peut-être réussi notre mission ! De voyager et gagner de l’argent en même temps. Quand je dis “on”, c’est que ma copine fait vraiment partie intégrante du projet, même si on ne la voit pas, c’est elle qui me filme et qui me motive.
Comment tu t’organises pour tourner ces vidéos ?
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Alors, là, au grand désespoir de ma copine, je manque énormément d’organisation, je ne suis pas du tout méticuleux et j’aime bien le bordel. Très souvent, la veille, elle me dit : “Romain, on fait quoi comme vidéo demain ?” et je suis très souvent incapable de lui répondre. Je me décide le lendemain à 9 heures autour de mon café [il rit].
Il y a deux types de vidéos : celles où elle me filme et qui sont parfois un peu plus organisées — il m’arrive de contacter le restaurant avant — et les vidéos un peu plus brutes où je me filme tout seul. J’ai l’impression que les gens aiment bien, ça donne un côté un peu plus naturel. Dans ce cas-là, je ne préviens jamais le restaurant.
Il m’est arrivé l’autre jour à la Goutte-d’Or d’être rentré, un peu trop brutalement dans un boui-boui de nourriture africaine. Il y avait un client qui a vu que ma copine avait une caméra à la main — qui est d’ailleurs vraiment petite. Le mec est devenu complètement fou, il nous a poursuivis jusqu’à Anvers en appelant la police. Je ne vais pas te cacher que ça a failli un peu déraper !
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Comment choisis-tu et trouves-tu tes spots ?
Quand on est rentrés de voyage (Vietnam, Népal, Indonésie, Malaisie, Thaïlande) après avoir commencé notre chaîne, je suis rentré à Paris et je me suis dit : “Mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir filmer à Paris ?”. J’étais vraiment à deux doigts de carrément abandonner ma chaîne.
Si je dois être honnête avec toi, j’avais un peu peur du regard des gens. Filmer en Asie, c’est une chose, tout le monde s’en fout, mais filmer à Paris en plein 10e arrondissement, les gens ont tendance à juger. Enfin, dans ma tête en tout cas. Ma copine m’a motivé en me disant qu’il ne fallait pas abandonner ce projet, c’est vraiment trop con. Elle avait quand même plutôt raison.
Du coup, tu t’es lancé ?
Je me suis dit : “Bon, qu’est-ce que je fais comme première vidéo à Paris ?”. Comme on n’habite pas loin du quartier indien… Allez hop première vidéo ! Encore une fois très peu organisé. Je savais qu’un mec vendait des pani puri, un snack indien, en mode à la sauvette dans la rue et il fallait montrer ça aux gens ! Je suis allé le voir, il m’a dit oui tout de suite, j’ai visité ensuite une petite épicerie qui vend des pâtisseries indiennes… et la vidéo a grave marché. Là, je me suis dit “Bon, OK, ça serait vraiment con d’arrêter”.
À partir de ce moment-là, je me suis dit qu’il serait sympa de montrer des petits restaurants ou bouis-bouis parfois très peu connus, voire cachés ! Ça matche très bien avec mon état d’esprit. Beaucoup plus que d’aller dans des restaurants super fancy. Bien que je ne crache pas dessus, de temps en temps, bien sûr… Comme j’adore me balader dans Paris, je prends des notes, dans les quartiers populaires très souvent. Je demande à ma communauté s’ils ont des bons plans. Oui, je peux te dire qu’ils en ont, des endroits que je n’aurais jamais trouvés tout seul, je pense. Merci à eux !
Tu aimes aussi beaucoup explorer les restos et cantines ouvertes au petit matin…
Alors ça, c’est vrai que pour le coup, j’ai l’impression que les gens ont adoré ce format ! Comme je revenais du Vietnam et que là-bas, à partir de 6 heures du mat’, tu peux manger un pho dans la rue, je me suis dit que ça devait forcément exister à Paris, à Belleville ou dans le 13e. Après quelques recherches, je suis tombé sur des restaurants qui ouvrent tôt. Au début, je n’ai trouvé que 9 h 30. C’était chez NGOC XUYEN SAIGON… où je vous recommande vraiment d’aller goûter leurs BUN BO HUE ! Il est complètement fou. La personne de ce restaurant m’a dit : “Hey, mais tu pourrais aller au Palais d’Asie, ils ouvrent à 8 h 30 !”. Quelques jours plus tard, je m’y rendais pour goûter la soupe phnom penh et faire une vidéo.
Puis j’ai encore fouillé un peu et on m’a parlé de JIE JAE, qui, lui, ouvrait encore une heure plus tôt ! Là, c’était plutôt petit-déjeuner chinois avec, par exemple, le flan de tofu salé, une vraie découverte, c’était trop bon. La dernière date, c’était bien sûr la fameuse soupe de tripes chez MARDIN, rue du Faubourg Saint-Denis. 5 heures du matin ! Je ne vais pas vous mentir, je ne pense pas qu’on trouve des spots ouverts plus tôt.
Je ne suis même pas sûr qu’il y ait d’autres endroits qui ouvrent à 5 heures où l’on peut manger comme ça, mais je continuerai mes recherches. Malheureusement, je pense que le format petit-déjeuner tôt le matin pour Paris en tout cas, ne durera pas encore très longtemps, en tout cas pour Paris…
Pourquoi tôt le matin ? Qu’est-ce qu’il se joue de si différent dans ces lieux-là lorsque le jour se lève ?
Parce que c’est trop cool de voir Paris s’éveiller, d’abord, et puis tu te rends compte que dans ce genre d’endroits, à cette heure-ci, tu es entouré par les vrais de vrais, les gens qui partent au travail tôt ou bien encore quelques teufeurs qui sortent de club, mais c’est plus rare. Il y a très souvent une sorte de silence. Tout le monde mange sa soupe et se tait, BFM en fond. J’adore ! D’ailleurs, parfois, j’étais grave mal à l’aise de parler car le silence était vraiment pesant.
Franchement, avant de m’y intéresser, je n’avais aucune idée qu’on pouvait trouver des adresses comme ça qui ouvrent aussi tôt. Je me suis dit qu’il fallait montrer ça aux gens. Si je ne m’abuse, je ne crois pas que ça avait été fait avant sur YouTube en France, mais peut-être que je me trompe.
Tu peux nous conseiller un bon spot du petit matin ?
Je suis obligé de parler, encore, de MARDIN. À l’époque, j’habitais rue du Faubourg Saint-Denis. À 50 mètres de ce spot, quand je sortais du Social Club, ou ailleurs, on fonçait avec mes potes se taper une soupe de tripes avant d’aller dormir, car il était ouvert avant les kebabs ! C’est aussi pour ça, d’ailleurs, que j’ai voulu faire une vidéo chez lui, parce que ça fait des années que j’y vais. Si vous êtes dans le coin, que vous sortez du Rex ou d’ailleurs, foncez vous taper une petite soupe. Ne vous inquiétez pas, il ne fait pas que des soupes de tripes.
À 5 h 30, tu as le premier kebab de la rue qui ouvre 20 mètres plus haut sur le même trottoir : Sancak. Si tu es vers Belleville, tu peux aller chercher un petit-déjeuner chinois chez Best Tofu qui ouvre à 8 heures du mat’. Ils font des petits pains farcis aux légumes, c’est magnifique, et bien sûr, d’autres spécialités comme le flan au tofu dont je vous ai parlé un peu plus haut.
Dans le 13e, tu as trois adresses où aller manger à partir de 7 h 30. Si tu n’as rien de tout ça dans ton quartier, je suis sûr que tu peux te trouver une petite boulangerie, un peu plus basique certes, je te l’accorde, mais il faut faire avec ce qu’on a autour de chez soi. Ah, si, j’allais oublier, dans le 10e arrondissement, vous avez Mesken qui propose des petites spécialités turques à partir de 7 h 30, ouvert tous les jours sauf le dimanche. D’ailleurs, il faut que j’aille y faire une vidéo !
Pour suivre ses aventures, c’est par ici.