Nous sommes désormais en mai et la totalité des stations de ski françaises ont fermé leurs pistes afin de préparer la saison estivale, tandis que la neige se fait de plus en plus rare sur les hauteurs avec la douceur printanière. En somme, une fin de saison de ski assez classique pour tous les skieurs occasionnels, qui rechausseront les spatules dès l’hiver prochain ; mais qu’en est-il pour les skieurs professionnels, ces athlètes qui dévalent les pentes tous les week-ends lors des championnats du monde de leur discipline ?
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Pour répondre à cette question, on a décidé de questionner directement les principaux concernés. Arthur Bauchet, triple médaillé d’or en ski alpin lors des Jeux paralympiques d’hiver 2022 à Pékin, et Hugo Lapalus, médaillé de bronze en ski de fond aux Jeux olympiques d’hiver 2022, ont accepté de nous éclairer sur ce sujet et on préfère vous le dire tout de suite… Non, ils ne sont pas en vacances pendant six mois.
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Fin de saison, place au repos (mais pas trop)
Pour les skieurs professionnels, la saison des compétitions s’étend entre fin octobre (novembre pour le ski de fond) jusqu’à la fin du mois de mars, avec un enchaînement intense de courses éparpillées dans de nombreux pays. La plupart du temps, le mois d’avril rime alors avec repos, pour ces sportifs qui sortent souvent lessivés de leur longue saison compétitive. “Après la dernière compétition, on enchaîne sur environ un mois de coupure”, affirme Hugo Lapalus, “ça permet de prendre des vacances, du temps pour nous. J’ai bien profité de ce temps-là pour le passer avec ma famille, mes amis, puis j’ai repris l’entraînement vers la fin avril”.
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“Quand on dit qu’on est skieur, souvent les gens se disent ‘lui, il ne fout rien pendant 6 mois'”, lance Arthur Bauchet, qui n’a pourtant pas vraiment le temps de se reposer : “Moi, j’ai un double projet avec le cyclisme maintenant, donc je termine la saison d’hiver et je commence la saison du cyclisme”.
Une question d’adaptation
Pour ces sportifs de haut niveau, il est impensable de cesser les entraînements en attendant le retour de la neige sur les pistes où ils s’entraînent habituellement. “Tout l’été, on se prépare physiquement dans les salles de musculation, on a un gros travail en préparation physique”, précise Arthur Bauchet, “on enchaîne les stages avec l’équipe de France, mais on va aussi chercher la neige là où elle est”.
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Cette année, le retour sur la poudreuse se fera dès juillet au Pérou pour le triple champion paralympique. Cependant, ce voyage en Amérique du Sud n’est pas forcément une habitude, car le calendrier de ski est directement géré par le staff de l’équipe de France : “Ça dépend des années, mais la reprise peut aussi se faire sur les glaciers en France, en Suisse ou en Italie, comme aux Deux Alpes, à Val d’Isère ou à Tignes”.
L’une des autres solutions pouvant être utilisée dans le ski alpin, c’est l’utilisation des pistes artificielles indoor (intérieures). “Ça nous est déjà arrivé d’y aller à Landgraaf aux Pays-Bas, à Amnéville en France ou à Peer en Belgique”, affirme Arthur Bauchet, “mais généralement, on n’est pas trop fans, car la neige y est très particulière”. L’utilisation des pistes indoor est donc principalement réservée aux moments où il n’est pas possible d’aller sur les glaciers. “Après, il y a aussi le ski sur tapis roulants, sur lesquels on peut skier quand il n’y a pas de neige… Bref, on trouve toujours des solutions pour s’entraîner”, ajoute-t-il.
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Du côté du ski de fond, l’adaptation est aussi de rigueur, mais c’est bien en France qu’Hugo Lapalus va effectuer son retour sur la neige avec un “stage en altitude à Tignes sur un glacier”. Mais, pour les skieurs de fond et les biathlètes, l’adaptation passe aussi par la pratique du ski-roue, qu’il nous présente comme “des sortes de ski en carbone avec des petites roulettes” qui permettent “d’aller sur la route et de travailler la technique”.
Si ces skis-roues sont une solution pour pallier l’absence de neige, ils permettent aussi aux skieurs de fond de garder le goût de la compétition durant tout l’été : “En août, on part en Norvège pour faire des courses de ski-roue”, indique le skieur de 24 ans. L’année dernière, Hugo Lapalus s’est même adjugé le titre de champion de France de l’individuel skating lors des championnats de France de ski de fond d’été.
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“Si on faisait du ski 7 jours sur 7, 12 mois sur 12, ça ferait un petit moment que j’aurais arrêté”
Au final, la période durant laquelle les skieurs pro ne pratiquent pas le ski reste assez courte et le manque se fait ressentir de manière différente chez chaque sportif. Pour sa part, Arthur Bochet a plus de mal à s’éloigner des podiums qu’à déchausser les skis : “Parfois, l’été, ça me manque un peu, mais c’est plus la compétition qui me manque plutôt que les pistes de ski”.
Hugo Lapalus, quant à lui, se réjouit de la diversité des entraînements et des préparations en fonction des saisons : “Forcément, ça me manque, car si je pouvais skier, je le ferais, mais j’aime bien ces changements de saison, ces changements de préparation, ça permet de varier, parce que je sais que sinon, à la fin, j’aurais un peu tendance à faire une overdose”. “J’aime bien cette période d’été où tu vas courir, faire du ski-roue, du vélo. Ça permet une transition, car si on faisait du ski 7 jours sur 7, 12 mois sur 12, ça ferait un petit moment que j’aurais arrêté”, ajoute-t-il.
Et le réchauffement climatique dans tout ça ?
Si l’absence de neige hors des saisons de compétition peut être palliée, l’évolution du réchauffement climatique oblige aussi à certaines adaptations, dans la préparation, mais aussi dans les calendriers des skieurs professionnels. “On remarque directement l’impact du réchauffement climatique, notamment avec les glaciers, comme celui de Tignes qui a bien changé depuis que je suis skieur de haut niveau en 2017”, assure Arthur Bauchet. “On ne peut plus forcément faire exactement les mêmes séances d’entraînement qu’il y a cinq ans, mais on trouve des adaptations.”
Hugo Lapalus partage aussi ce constat : “Moi, ça fait plus de dix ans que je fais du ski et, évidemment, j’ai déjà vu des changements, même si ça dépend des années”. “On va trouver des solutions et les mettre en place intelligemment”, affirme le skieur de La Clusaz qui reste plutôt confiant, “des années sans neige, il y en a depuis longtemps et c’est surtout une question d’adaptation.”
Dans un sport qui dépend aussi des conditions météorologiques, le maître mot est définitivement l’adaptation : “Des hivers avec beaucoup de neige, il y en aura, des hivers sans neige, il y en aura aussi, avec une tendance qui tire évidemment vers le mauvais, mais il faut faire preuve de bon sens et ne pas remuer ciel et terre pour skier si ce n’est pas possible”, conclut le fondeur.