“Wouhou, c’est génial !” Sur une énorme planche de surf gonflable, Rebekah Abern et Elizabeth French pagaient pour dévaler les vagues de Californie sous l’œil attentif d’un moniteur inhabituel : Chupacabrah, une petite chèvre noire imperturbablement postée à l’avant de l’embarcation. Cette biquette d’un an fait partie intégrante de leur première leçon sur la plage de Pismo Beach. Malgré les turbulences de l’écume, le cabri démontre aux deux touristes du Montana qu’il suffit d’être détendue pour garder l’équilibre.
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“La chèvre a surfé bien mieux que moi”, s’amuse Rebekah. “Elle avait le positionnement et ça se voyait qu’elle l’avait déjà fait, […] elle était à fond.” L’agente d’assurance agricole de 41 ans ressort exaltée de cette expérience insolite. “Qui surfe avec des chèvres ? C’est extraordinaire”, lâche-t-elle à l’AFP.
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De quoi donner la banane à son véritable instructeur, Dana McGregor. Depuis plus de dix ans, ce Californien doux dingue a construit sa réputation en jetant ses chèvres à l’eau. Au pays des surfeurs, où embarquer son chien sur sa planche n’a plus rien d’épatant – les toutous ont même leur propre championnat du monde –, les biquettes cachent un potentiel de glisse insoupçonné, d’après lui. “Elles ont un équilibre incroyable”, estime-t-il derrière son bouc généreusement fourni. “Elles ont ces onglons qui leur permettent de s’accrocher à la planche.”
“Goatfather”
L’idée saugrenue lui est venue en 2011, après avoir acquis une chèvre pour se débarrasser du sumac vénéneux et des mauvaises herbes qui envahissaient la maison de sa mère. Une fois le pâturage nettoyé, l’animal devait initialement finir sur un barbecue. Mais le surfeur s’y est “attaché”, jusqu’à la faire monter sur sa planche le jour de son anniversaire. Armé d’une pagaie, il a propulsé la chèvre dans une vague, un défi qu’elle a relevé avec brio.
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Ce moment de joie partagée lui reste comme une révélation. “J’avais l’impression d’avoir trouvé le paradis sur terre, comme si quelque chose de surnaturel venait de se produire”, raconte ce petit blond aux yeux bleus. “Je me suis dit : ‘Wow, cet animal n’aurait jamais eu l’occasion de surfer.'” La simple plaisanterie s’est alors muée en mission existentielle. Au fil des années, l’ex-joueur de foot professionnel a eu d’autres chèvres, avec qui il a multiplié les aventures aquatiques.
Héroïnes de nombreuses vidéos YouTube et de deux livres pour enfants, elles se sont aussi invitées dans ses cours de surf. Au point que leur propriétaire est aujourd’hui surnommé le “goatfather” – “le parrain des chèvres” en anglais – dans sa petite ville de 8 000 habitants. “Ma vocation, c’est d’apporter de la joie aux gens”, résume le quadragénaire. “Et c’est grâce aux chèvres et au surf.”
Vaincre l’appréhension
Difficile de rater ce berger des mers à Pismo Beach. Il traîne ses biquettes partout avec lui, à la plage comme au supermarché, dans une voiture au capot surmonté d’un emblème en forme de cabri. Dans l’océan, l’excentricité de ses animaux s’avère utile pour vaincre l’appréhension des apprentis surfeurs.
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“Quand on commence, on se concentre vraiment sur des choses comme : est-ce que mes pieds vont bien ?” témoigne Rebekah Abern. “Mais quand la chèvre est là, elle est juste confiante et se laisse faire. Et du coup tu te dis : je vais me laisser aller aussi.” “Les gens s’en inspirent”, confirme Dana McGregor, qui a vu de nombreux enfants surmonter leur peur de l’eau. “Ils se disent : si une chèvre peut le faire, alors moi aussi.”
L’une de ses biquettes, Pismo, a même repoussé les limites de ce que l’instructeur croyait possible. Ensemble, ils ont pris une vague de plus de deux mètres, avant que l’animal ne l’expulse de la planche d’un coup de tête pour terminer le “ride” en solo. Depuis, ce surfeur chevronné rêve de partager un tube avec l’une de ses protégées. Entrer dans un rouleau, “c’est juste une sensation incroyable”, fantasme-t-il. “Alors une chèvre dans un tube, ce serait épique !”