Mais c’est quoi, le jockstrap, le sous-vêtement masculin à la mode, et est-ce confortable ?

Publié le par Flavio Sillitti,

© Marina Mónaco

Est-ce l'équivalent du string féminin ? Pourquoi est-il porté par autant d'hommes gays ? Et puis, c’est si inconfortable que ça ?

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“C’est un peu un accessoire qui crie ‘regardez-moi’“, nous partage Quentin, 24 ans, professionnel dans la vente. Et non, il ne parle ni des dernières Crocs à l’effigie de Shrek, ni des sabots en bois Balenciaga. Le jeune homme nous parle de son jockstrap, ce sous-vêtement atypique bien connu de toute une partie de la population et véritable mystère pour le reste. “Ça doit pas être très confort !!”, nous confie notre collègue Lucie en réponse à la fameuse photo du postérieur de Kim Kardashian — à retrouver plus bas.

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Le sous-vêtement plutôt économe sur le tissu occupe de plus en plus d’espace et multiplie les apparitions dans la pop culture ou sur les podiums des défilés de mode. Mais à quoi sert-il ? D’où vient-il ? Est-ce l’équivalent du string féminin ? Pourquoi est-il porté par autant d’hommes gays ? Et puis, est-ce si inconfortable que ça ? Bienvenue dans cette grande leçon sur le jockstrap.

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Une brève histoire du jockstrap : d’équipement de sport à symbole gay

Inventé en 1874 par un certain C. F. Bennett, le jockstrap est en réalité une commande de la compagnie d’équipements sportifs Sharp & Smith, qui voulait commercialiser un équipement capable de minimiser le risque d’accidents pour les livreurs de journaux de Boston, dont les routes accidentées menaient souvent à des coups aux roubignoles — pour le dire poliment. Simplement composé d’une “bourse” en coton, soutenue par trois bandes élastiques (une autour de la taille, liée à deux bandes autour des jambes), le jockstrap protège les parties intimes des coups directs et des frottements, tout en offrant une large liberté de mouvement. 

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Pour toutes ces raisons, le sous-vêtement s’est rapidement répandu dans le monde du sport, comme le cyclisme, le football, le hockey ou le baseball. Niveau étymologique, deux théories courent : le mot “jockstrap” serait la contraction de “strap” (qui veut dire attaché, soutenu) et, au choix, des mots “jockey” (qui veut dire cavalier, en référence aux livreurs de journaux sur leur bécane) ou “jock” (qui fait référence aux testicules). On vote pour la deuxième théorie. En anglais, on appelle d’ailleurs les sportifs les “jocks”, en référence au fameux sous-vêtement protecteur. Mais en gros, c’est comme si on les appelait nos burnes

Dans les années 1950, le jockstrap fait partie intégrante du monde du sport, à tel point qu’il est un symbole de la masculinité athlétique et du vestiaire testostéroné. C’est à cette période que l’on voit le sous-vêtement de sport s’inviter dans une autre strate : la communauté gay. La moitié du XXe siècle voit en effet la fantaisie hyper-masculine s’inviter dans le fantasme gay et les valeurs viriles composent l’essentiel de l’imaginaire érotique collectif gay de l’époque.

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Le port du jockstrap dans les endroits de cruising (rencontres gays) s’inscrit dans cette mouvance et consolide la connotation du sous-vêtement. Ajoutez à cela un design qui se prête à merveille aux pratiques homosexuelles, et vous obtenez l’accessoire phare de toute une communauté, symbole à la fois de fierté et de confiance en soi, à porter en public sans que personne ne le sache vraiment.

Le jockstrap en pop culture : de Basquiat à Kim K à la Fashion Week

Rapidement, le jockstrap est devenu un indispensable à la garde-robe des communautés gays. Le phénomène était tel que même la pop culture l’a intégré à son langage. Des séries télévisées LGBTQIA+ comme Looking ou Queer as Folk l’ont abordé dans certains de leurs épisodes, Andy Warhol a photographié Jean-Michel Basquiat en enfiler un et même Kim Kardashian se l’est réapproprié dans le cadre d’un shooting signé Nadia Lee Cohen pour le magazine Interview.

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En musique, on retient l’apparition sur scène, en 1985 à New York, d’Anthony Kiedis des Red Hot Chili Peppers, simplement vêtu d’un petit jockstrap blanc. Aujourd’hui, les nouvelles icônes queers l’affichent sur scène et dans leurs clips. On pense à Troye Sivan et à son incandescent clip pour “Rush”, mais aussi Sam Smith et le jubilatoire clip de son morceau “I’m Not Here To Make Friends”. Ailleurs, c’est naturellement le monde de la mode qui est pris d’assaut par le sous-vêtement à élastiques.

On note des apparitions du jockstrap sur les podiums vers l’année 2019, chez Gucci sous l’égide d’Alessandro Michele, mais plutôt sous forme de ceinture. Les années suivantes, le sous-vêtement a repris ses fonctions de lingerie, avec l’arrivée de pièces devenues incontournables chez Ludovic de Saint-Sernin, JW Anderson ou Versace. Mais l’apparition fashion la plus mémorable reste celle du défilé Thom Browne printemps-été 2023 à la Paris Fashion Week de juin 2022, durant lequel le jockstrap a fait loi, décoré de la bande tricolore phare de la marque états-unienne.

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Le porter, c’est l’adopter (et se gratter)

Louis Pisano, journaliste de 33 ans, est un habitué des jockstraps, qui le font se sentir “un peu plus puissant, mais aussi un peu dangereux”. Il explique avoir “un secret qu[‘il est] le seul à connaître, lorsqu[‘il] le porte sous des vêtements normaux. Les sous-vêtements ordinaires sont tellement ennuyeux qu[‘il] trouve les jockstraps très avant-gardistes.”

Qui n’aime pas sentir une petite brise entre ses fesses ?”

Un autre amateur de jockstrap nous confie que tout est dans le geste : “Je me sens plus sexy. Même si je trouve ça laid sur moi, j’aime surtout le geste de porter un sous vêtement non conventionnel et considéré comme sexy.” Pour lui, le jockstrap a une connotation sexuelle car il le porte dans la confidence de son petit ami : “Le fait que seul moi et mon copain soyons au courant rend le tout excitant”. Pour autant, le couple ne le porte pas au lit : “Nous ne le portons pas pendant les rapports sexuels. C’est plus l’idée de le porter en public, avec un pantalon bien sûr”.

Quentin a 24 ans et travaille dans la vente. Pour lui, le jockstrap est “d’office sexuel” : “C’est soit dans le cadre d’une soirée, soit pour une ‘rencontre’. C’est un peu comme une alternative masculine à la lingerie féminine. C’est surtout pour mettre en valeur ‘the moneymaker’ [les fesses et la verge, ndlr]“. Pour Louis Pisano, c’est différent : “Ce n’est pas toujours sexuel. Mon premier souvenir des jockstraps, c’est quand j’en portais pour jouer au foot. Dans ma tête, c’est donc plutôt lié au fait d’être actif et sportif. Mais je trouve aussi qu’être actif et sportif, c’est sexy. Donc c’est entremêlé”.

Niveau confort, les avis divergent. Pour Quentin, ce n’est “pas ultra-confortable sur le long terme.” Xavi, 30 ans, ne trouve pas “que ce soit la chose la plus confortable à porter, surtout si tu portes un jean. Ça risque de causer des irritations. Mais en été, avec un short par exemple, c’est bien, on se sent plus frais.” 

Son petit ami le rejoint : “Quand la matière de pantalon ou de short est agréable, c’est plus confortable qu’un sous-vêtement classique. Lors d’un voyage en Thaïlande, alors qu’il faisait 40 °C, le combo short en lin et jockstrap m’a sauvé la vie. Le petit courant d’air sur les fesses, c’est le pur bonheur”. Même son de cloche chez Louis Pisano, qui qualifie les jockstraps d’extrêmement confortables : “Qui n’aime pas sentir une petite brise entre ses fesses ?”. Certainement pas nous.