J’ai cinq ans, je dois tenir la main de mon camarade de classe dans le rang, il refuse : “Beurk ! Elle a les mains sales, je ne veux pas la toucher”. (Merci Axel pour le trauma.) À cette époque, j’étais bien loin d’imaginer que le henné que j’avais sur mes mains et qui m’avait valu le doux surnom de “cracra” deviendrait tendance des années plus tard. D’ailleurs, devinez quel accessoire de mon héritage algérien est aujourd’hui considéré lui aussi comme “aesthetic” : le kardoune.
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L’avant-gardisme à l’algérienne
Chez moi, il était le remède contre mes cheveux “3rach”… (Petit cours de darija : c’est une manière péjorative que les anciens utilisaient pour parler des cheveux frisés. On pourrait traduire ça par “rêches” ou “secs”. C’est un adjectif synonyme d’oppression dans la société occidentale ainsi qu’au sein même de la communauté maghrébine.) Mais le kardoune, c’est d’abord et surtout une méthode naturelle pour lisser les cheveux sans chaleur. Si dans mon cœur ce long cordon orange évoque des souvenirs d’enfance, il apparaît également à mes yeux comme le précurseur de toutes les “coiffures sans chaleur” qui envahissent vos pour toi TikTok.
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Coups de mechta (cette petite brosse ronde colorée faite pour “les cheveux d’Arabes” comme dirait Ramzy et qui arrachait un par un tous les follicules de cheveux) et huile d’argan, ma mère ne manquait jamais le rituel du kardoune avant le coucher. Pourtant, c’était la même rengaine chaque matin. Je refusais de partir avec mon kardoune à l’école.
Deux options s’offraient à moi dans la cour de récré : subir les moqueries sur ma coiffure ou endurer les mains qui se permettaient de toucher ma “crinière” sans mon consentement. Bref, je ne gagnais jamais.
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Des années de harcèlement pour finalement scroller sur TikTok à 25 ans et voir ce type de vidéo :
Rubans, nœuds, froufrous, le style “coquette” a le vent en poupe ! Si Tessa Peay ne manque pas d’ajouter le hashtag “algerian” dans la description, d’autres se gardent bien de mentionner d’où provient cette technique.
Eh oui, personnellement ça me dérange ! Apprécier sa culture et son héritage dans un monde où la beauté est eurocentrée, était loin d’être une partie de plaisir pour l’enfant que j’étais. J’assiste aujourd’hui à une certaine appropriation culturelle qui rend tendance ce pour quoi j’étais moquée autrefois. Un constat qui résonne malheureusement chez beaucoup d’enfants issus de la diaspora.
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Considérez cet article comme une piqûre de rappel quant à l’influence de la culture africaine dans la mode. Avant le style coquette, avant les “coiffures heartless”, avant les runways de Fashion Week, le kardoune était dans nos cheveux !