La folle histoire derrière le plus emblématique des bistrots de Paris

Publié le par Robin Panfili,

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On a discuté avec le patron du Paul Bert et la journaliste Annabelle Schachmes, autrice d’un livre sur ce bistrot iconique de la capitale.

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Il y a des lieux qui font l’unanimité, et qui marquent l’Histoire. Des lieux, des restaurants, qui font une ville, qui en charrient toute l’essence et que l’on retrouvera, un jour, à n’en pas douter, dans les livres d’histoire. À Paris, on pourrait en citer plusieurs, mais l’on ferait une terrible erreur si l’on oubliait d’y inclure le Bistrot Paul Bert.

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Ce restaurant, qui incarne à lui seul l’âme du bistrot et de la capitale, est une destination de choix et plébiscitée par les gourmets aguerris, les curieux, les habitués, les badauds et les touristes de la terre entière. Mais comment en est-il arrivé  ? Le patron des lieux, Bertrand Auboyneau, Gwenaëlle Cadoret et la journaliste et autrice Annabelle Schachmes racontent cette histoire folle et riche dans un livre, Le Paul Bert : Les recettes cultes d’un vrai bistrot parisien, et on n’a pas pu s’empêcher d’aller leur poser quelques questions.

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Konbini | Comment est née l’idée de ce livre ?

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Bertrand Auboyneau | L’idée de ce livre est à mettre au crédit d’Annabelle Schachmes. Nous avions un ami commun malheureusement décédé, Sébastien Demorand, et nous avions eu tous les trois de longues conversations sur ce qu’était un vrai bistrot, les codes identitaires du lieu, son évolution… Un jour, j’ai rencontré Annabelle par hasard, nous étions voisins de table, et c’est là qu’elle m’a proposé de faire ce livre…

Annabelle Schachmes | C’est un ami commun, le journaliste gastronomique Sébastien Demorand, qui nous a présentés il y a des années. Quand Sébastien est mort, je me suis autorisée à penser à ce livre car pour moi il était vraiment le seul et unique à pouvoir le faire. J’en ai finalement parlé à Bertrand et Gwenaëlle Cadoret. Déjà parce que j’adore leurs restaurants, le Bistrot Paul Bert et l’Écailler du Bistrot, mais surtout parce que ce sont des personnes remarquables. Je voulais que les gens qui ne les connaissaient pas encore découvrent combien ils sont fabuleux.

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Pourquoi était-il important de faire un livre, ce livre, sur le Paul Bert ?

Annabelle Schachmes | Parce que Bertrand Auboyneau est un visionnaire. J’aime à penser que dans des dizaines d’années des jeunes gens ouvriront ce livre et s’inspireront encore de sa vision. C’était aussi une façon de rendre hommage au travail de toute une équipe. Thierry, Malé, Charles, Thomas, Olivier, Nicolas, Nathalie et tous les autres ont partagé avec moi leur quotidien. C’est aussi grâce à leur générosité, leur gentillesse et leur bienveillance que ce livre reflète si justement le Bistrot Paul Bert.

Bertrand Auboyneau | J’ai accepté car j’avais le sentiment que ce bistrot, simple bistrot de quartier, avait fini, en restant très traditionnel, par renverser un certain nombre de codes et par devenir un peu iconique.

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Pourquoi le Paul Bert est un lieu si unique à Paris, et dans le monde ?

Bertrand Auboyneau | Ce lieu dont vous me dites qu’il est unique et que je viens de décrire comme iconique est un lieu qui rassemble de la mémoire et où, malgré un côté un peu brouillon et désordonné, les gens se retrouvent, se sentent en symbiose avec la vie parisienne.

Annabelle Schachmes | Parce que Bertrand est unique. Il est chaque jour fidèle à ce qu’il a toujours souhaité pour son restaurant. Il ne change rien et reste profondément contemporain. Il écoute les conseils, va peut-être bouger une ampoule pour faire plaisir, mais rien ne l’ébranle. Les modes passent, le Paul Bert reste. Les gens viennent et reviennent car finalement ce lieu infiniment parisien est réconfortant. Je pense que les touristes le comprennent aussi. Bertrand sait capter les tendances sans les subir. Regardez l’immense succès de leurs produits dérivés en collaboration avec GiftShop. Sweats, T-shirts et casquettes partent comme des petits pains !

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Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire ce livre ?

Annabelle Schachmes | Un an et demi environ, ça n’est pas si long pour raconter une si importante tranche de vie, si ?

Est-il difficile de retranscrire une histoire aussi longue et foisonnante dans un seul livre et un nombre de pages limitées ? N’y a-t-il pas un peu de frustration ?

Bertrand Auboyneau | Effectivement, c’est compliqué de faire un choix, ne pas oublier des personnes qui ont été importantes, ne pas se laisser submerger par un flot d’anecdotes qui finalement n’ont pas tant d’importance. Le vécu et le narratif sont souvent très éloignés.

Annabelle Schachmes | Non, je n’ai pas trouvé, ça a été assez facile. Bertrand savait exactement où il voulait aller. Ça a été super fluide.

Comment avez-vous choisi les recettes du livre ? Il a fallu faire des choix, j’imagine…

Bertrand Auboyneau | Les recettes ont été discutées à la fois par Gwenaëlle et moi, par notre chef Thierry et par Annabelle qui avait une vision extérieure très importante et très juste.

Annabelle Schachmes | Ce sont des choix de Bertrand et de Thierry, le chef. Nous en avons discuté ensemble et le choix s’est affiné. La finalité étant de pouvoir reproduire ces plats iconiques du Bistrot Paul Bert où que vous soyez dans le monde.

Comment l’avez-vous écrit ? À deux, à plusieurs ?

Annabelle Schachmes | J’ai mis un point d’honneur à ce que Bertrand écrive tous les textes. Déjà parce qu’il écrit divinement bien mais surtout parce qu’il incarne pleinement le Paul Bert. Personne mieux que lui ne peut raconter ce lieu unique. Je l’ai aidé ensuite à reformuler et mettre en forme mais assez peu, au final. Pour les recettes, j’ai échangé avec Thierry, le chef, et Malé, son second.

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Vous savez, faire un livre, c’est un peu comme faire un bébé. C’est très long, très dur et très fatigant, donc les relations peuvent vite se tendre. Pour ce livre, ça a été tout le contraire. Nous sommes passés de relations de travail amicales à “best friends forever”. Le livre est fini depuis plusieurs mois et pas une semaine ne passe sans que j’aille prendre un café avec Bertrand. Je sais aujourd’hui que je ne prendrai aucune décision importante dans ma vie professionnelle ou personnelle sans lui en parler.

Pourquoi l’avoir confié à Annabelle Schachmes ?

Bertrand Auboyneau | Annabelle n’a pas été un choix parmi d’autres, cela a immédiatement été une évidence.

Annabelle Schachmes | C’est moi qui ai proposé l’idée à Bertrand et Gwen. Jamais je n’aurais pensé qu’ils disent oui si rapidement. J’imaginais devoir ramer beaucoup plus !

Il n’y a pas trop de pression lorsqu’on écrit sur un tel lieu, et une telle histoire ?

Annabelle Schachmes | Pour être très honnête avec vous, je savais que Sébastien Demorand aurait adoré faire ce livre. Ne pas lui faire honte a été ma seule et unique pression pendant le montage de ce livre. J’ai toujours été très consciente de la chance inouïe que j’avais de pouvoir travailler avec Bertrand sur ce projet.

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Bertrand, vous êtes bien sûr de vouloir livrer la recette de votre bœuf sauce au poivre, le meilleur plat de Paris, selon moi ?

Bertrand Auboyneau | Le filet de bœuf au poivre au Paul Bert est arrivé dès les débuts du Paul Bert. J’ai retrouvé sa trace dans un des premiers articles sur le bistrot paru dans le monde sous la plume de Jean-Claude Ribaut. À cette époque, il n’était pas crémé, il a évolué avec le temps. Les produits qui le composent ont été choisis au fil du temps pour arriver à ce qu’il est devenu aujourd’hui. La recette est simple : un beau filet de bœuf de race Normande, de la très bonne crème, un armagnac qui n’est pas de cuisine… et le meilleur poivre de Sarawak possible.

Pourquoi ce plat est-il si unique ?

Bertrand Auboyneau | Restons calmes, je ne suis pas sûr de faire le meilleur steak au poivre de Paris, il y a autant de recettes que de cuisiniers, le goût de l’un n’est pas forcément celui de son voisin. Par contre, pour moi, c’est le meilleur de ceux que j’aie goûtés, et, soit dit en passant, j’en ai vendu 14 000 en 2023… Alors… what else ?

Le Paul Bert : Les recettes cultes d’un vrai bistrot parisien
Hachette Pratique
35 euros