La coiffe que portait Lady Gaga à la Mostra de Venise vous a plu ? Laissez-moi vous raconter l’histoire d’Isabella Blow, celle pour qui elle avait été créée

Publié le par Cheynnes Tlili,

© Stefania D’Alessandro / WireImage / Getty Images

Une vie digne d’un roman de Virginia Woolf, mêlant une collection infinie de chapeaux, un prix qui porte son nom, un œil pour découvrir des talents et des origines aristocrates.

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Si la tenue que portait Lady Gaga sur le tapis rouge de la Mostra de Venise la semaine dernière ne vous a pas laissés indifférents, ce n’est pas juste pour l’opulence de sa robe Dior, c’est aussi pour le style ultra-dramatique de sa coiffe Philip Treacy. Et si vous pensez qu’elle l’a piquée à Maléfique, la méchante dans La Belle au bois dormant, vous avez tout faux. Cette relique de la mode a été dessinée et confectionnée pour la journaliste britannique et icône de mode Isabella Blow, en 2001. C’est un nom qu’on entend moins souvent que celui d’Anna Wintour mais qui est tout aussi prestigieux.

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Histoire de retenir vos yeux sur cet article, je vais d’ores et déjà vous dire que c’est elle qui a repéré Alexander McQueen. Toujours à l’affût de nouveaux talents, la journaliste de mode se rend souvent aux défilés des écoles de mode. En 1992, elle assiste à celui de la célèbre Centrale Saint Martins et tombe sous le charme des créations de celui qui deviendra l’un des plus grands talents de la mode britannique. Elle achète alors toute sa collection et l’aide à lancer sa carrière.

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Connue pour son immense collection de couvre-chefs, Isabella Blow était aussi une amie très proche d’un des plus grands modistes (en d’autres termes un créateur de chapeaux) encore vivant, Philip Treacy, qu’elle a aussi repéré et porté avec une fidélité sans faille. Il disait de son amie qu’elle était sa plus grande inspiration. Ce fut donc une évidence, quand l’année de sa mort, en 2007, lui et McQueen lui consacrent une collection hommage baptisée “La Dame Bleue“.

La mode avant tout

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Avant de quitter ce monde à l’âge de 48 ans, la dénicheuse de talents aura laissé son empreinte dans l’histoire de la mode en assistant notamment Anna Wintour au Vogue US – d’ailleurs la légende raconte qu’elle venait chaque jour avec un look si travaillé que tout le monde passait à son bureau pour voir quel personnage elle incarnait ce jour-là. Elle a aussi géré la mode pour Tatler (où ses assistantes retiraient vite leurs chaussures plates pour enfiler des talons avant qu’elle n’arrive au bureau comme dans Le Diable s’habille en Prada), le British Vogue et le Sunday Times Style.

Théâtrale, extravagante, excentrique, intense : Isabella Blow faisait partie de ces femmes qui ne suivent ni un style, ni une mode. Celles qui portent ce qu’elles aiment et cherchent à être tout sauf basiques. On raconte que la férue de mode refusait de parler aux femmes qui ne portaient pas de rouge à lèvres et qu’elle pouvait facilement s’agacer des looks trop simples. Ses proches, autrement dit tout le gratin de la mode d’Europe jusqu’aux États-Unis, disent de cette Anglaise toujours très bien habillée, qu’elle voyait ce milieu uniquement sous sa dimension artistique en oubliant qu’il s’agissait avant tout d’un business. Tous pensent que c’est ce qui causa sa perte.

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Une tragédie sertie de diamants

D’un point de vue extérieur, on peut facilement envier sa vie remplie de soirées, de personnalités, de voyages, d’anecdotes, de grands moments de mode… Mais quand on creuse un peu, tout n’est pas aussi brillant que l’argenterie fantôme de sa famille issue de l’aristocratie britannique. Son grand-père, Sir Henry John Delves Broughton, qui a dilapidé leur fortune, a mené une vie de hors-la-loi allant jusqu’à commettre un meurtre. Il finit par se suicider et sa vie a inspiré le film Sur la route de Nairobi.

Le petit frère d’Issie (c’est ainsi qu’on surnommait Isabella Blow) s’est noyé très jeune sous sa surveillance pendant que leurs parents étaient restés à l’intérieur de la maison et, comme dans Saltburn, quand ils ont appris le décès de leur fils, ils sont retournés vaquer à leurs occupations comme si de rien était. C’est les purs codes de la noblesse anglaise : froide et distante, si bien que quand sa mère lui a annoncé qu’elle divorçait de son père, elle lui a serré la main puis, est partie sans jamais donner de nouvelles. Quant à la supposée fortune qui va généralement de pair avec le mot “noblesse”, elle n’était qu’un lointain souvenir puisque le grand-père l’avait bien envoyée valser.

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Loin de la sphère familiale, l’excentrique Anglaise mène une vie remplie de rencontres, de soirées, de belles robes, de chapeaux mémorables. Elle voyage et côtoie de véritables stars comme Basquiat et Warhol. Son regard sur la mode a contribué à faire évoluer ce milieu et à créer de vraies tendances. Par exemple, si les robes de créateurs sont serties de cristaux Swarovski, c’est grâce à son génie, puisque quand elle devient un court instant consultante pour la marque, elle parvient à mettre en place cette interminable collaboration entre la maison et les stylistes.

Isabella Blow était aimée, respectée et connue pour ses idées mais l’icône anglaise n’était pas toujours créditée, comme lorsqu’elle convainc Tom Ford de faire racheter la marque d’Alexander McQueen par le Gucci Group mais que son nom n’apparaît nulle part sur les contrats. Si on se fie aux différents récits de ses proches, c’était monnaie courante pour elle : l’entremetteuse de la mode faisait monter tous ses petits protégés pour n’avoir au final qu’une robe gratuite et un petit merci. Tous s’enrichissaient pendant qu’elle ne gagnait pas tant que ça et, surtout, elle gérait et dépensait très mal son argent. Un peu comme Carrie Bradshaw qui croule sous les dettes mais possède un dressing plein à craquer. La garde-robe de l’extravagante British fut d’ailleurs exposée à la Somerset House de Londres en 2013.

Au début des années 2000, meurtrie par le manque de gratitude de ce milieu et tourmentée par ses problèmes financiers, elle plonge dans la dépression et multiplie les tentatives de suicide. Ses passages dans des centres médicalisés ou ses traitements aux électrochocs (oui, à cette époque, ça se faisait encore) ne l’aideront pas à aller mieux. Après de très nombreuses tentatives d’overdoses et des noyades, elle mettra fin à ses jours en buvant du désherbant. Elle a fait ses adieux au monde de la mode le jour du Met Gala 2007, qui continue de porter son héritage. Un ultime hommage lui sera d’ailleurs rendu l’an prochain avec la sortie d’un biopic baptisé avec raison : The Queen of Fashion.