L’Algérienne Kaylia Nemour, 17 ans, est devenue dimanche la première gymnaste africaine sacrée aux JO en gymnastique artistique en décrochant l’or lors de la finale des barres asymétriques des JO 2024 à l’Arena Bercy Paris. Elle a fait le bonheur de l’Algérie en lui offrant la première médaille d’or de son Histoire en gymnastique. La jeune gymnaste vice-championne du monde, qui s’entraîne en France, a pris sa revanche sur la Chinoise Qiu Qiyuan, elle aussi âgée de 17 ans, qui lui avait ravi l’an passé à Anvers le titre de championne du monde avec moins d’un dixième d’avance (15,100 contre 15,033).
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Kaylia Nemour, qui excelle aux barres, a décroché l’excellente note de 15, 700, loin devant la Chinoise et ses 15, 500 points. Le bronze revient à l’États-Unienne Sunisa Lee, 21 ans, qui, avec une note de 14, 800 points, relègue au pied du podium la Belge Nina Derwael, 24 ans, qui perd son titre. Déjà triple médaillée à Tokyo, Lee décroche dimanche sa troisième médaille des Jeux de Paris, après l’or en équipe et le bronze au concours général individuel.
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Conflit avec la Fédération française
Née en Indre-et-Loire, où elle a découvert toute petite la gymnastique pour faire comme sa sœur aînée dans le petit club d’Avoine-Beaumont, à une encablure de Chinon, la Franco-Algérienne a vite été repérée. Nemour, qui a aussi la nationalité française, a choisi il y a deux ans de représenter l’Algérie. Cette médaille aurait pu être pour la France mais un conflit avec la Fédération en a décidé autrement. Une poussée de croissance lui a provoqué un problème osseux (appelé ostéochondrite), nécessitant une opération à chaque genou. “Clairement, j’étais en colère, triste, je ne comprenais pas, je trouvais que ce n’était pas juste”, se souvient Nemour auprès de l’AFP. “Mais mon entraîneur dit que quand on ne peut pas passer par ce chemin, on en prend un autre et il y aura toujours un autre chemin”, relativise la gymnaste.
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Lorsqu’elle a voulu revenir au plus haut niveau, la gymnaste s’est sentie bloquée par un avis médical rendu par la Fédération française (FFGym), qui s’est défendue en évoquant “des restrictions temporaires de pratique”. Une bataille juridique de plusieurs mois s’est engagée entre les deux parties et Nemour a été exclue du collectif France. Notons qu’en 2022, une enquête avait été ouverte sur des cas de maltraitance au sein de l’équipe de gymnastique française, rapporte Ouest-France.
Ses parents décident alors de se tourner vers l’Algérie, après avoir longuement réfléchi. Avant de venir aux Jeux, son coach avait souligné “que Kaylia est Française mais qu’elle a choisi de représenter l’Algérie pour ses convictions sportives. Aujourd’hui, elle a trouvé un équilibre”. C’est donc sous les couleurs de l’Algérie qu’elle a disputé les Mondiaux en octobre dernier, puis les JO à Paris. Elle était l’une des favorites sur cet agrès, en l’absence de la Brésilienne Rebeca Andrade et de l’États-Unienne Simone Biles qui, ce lundi, était alignée à la poutre et au sol. “Je suis tellement choquée, je n’y crois pas encore”, a réagi Nemour sur Eurosport après sa victoire. “C’est le rêve de toute ma vie et encore plus de ces deux, trois dernières années.”
“Aux qualifications, j’avais fait 15,6 et à la finale du concours général 15,5. Quand j’ai vu son 15,5 [de Qiu Qiyuan], je me suis vraiment dit : ‘Là il va falloir que je me batte’. Je suis restée focus, je me suis vite reconcentrée et j’ai fait la meilleure note de toute ma vie. C’était là qu’il fallait le faire et j’ai réussi à le faire”, a-t-elle ajouté. Quant au premier titre qu’elle offre à l’Afrique en gym : “c’est fou. Je suis tellement honorée, d’abord d’avoir gagné cette médaille, et en or, et avec tout ce qu’il s’est passé. C’est vraiment un soulagement et je suis tellement contente d’avoir pu offrir cette médaille”, a encore déclaré Kaylia Nemour.
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Quatorze centimètres en un an
L’Algérie a permis à Kaylia de se présenter aux Championnats du monde en novembre dernier à Anvers. Dix mois plus tard, elle décroche à 17 ans l’or à Paris, avec une note exceptionnelle à 15,700 points et met l’Afrique sur la plus haute marche de la discipline aux JO, une première en gymnastique, hommes et femmes confondus. Et pourtant, dans ses (très) jeunes années, elle ne se trouvait pas plus douée que les autres. “Quand j’étais petite, on me disait : ‘Mais Kaylia tu es forte, tu peux faire quelque chose.’ Moi je n’y croyais pas, je pensais que j’étais comme toutes les filles de mon âge qui font de la gym”, a-t-elle raconté à l’AFP.
Les choses ont basculé dans son esprit vers l’âge de 13 ans, juste avant un pic de croissance qui aurait pu la déstabiliser. “J’ai pris 14 centimètres en un an ! C’est énorme ! Je ne me suis pas inquiétée plus que ça. J’ai continué quand même à faire ma gym. Il a fallu réadapter quelques petits trucs, notamment aux barres où c’est le plus dur, à la poutre où l’équilibre n’est pas le même”, dit-elle. “À la poutre et aux barres, il a fallu réapprendre à faire avec mes grandes jambes et mes grands bras ! Maintenant, c’est plus joli à regarder quand tu as des grands bras, des grandes jambes tendues”, convient-elle.
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