Fouquet’s, stars et coin fumeurs : j’ai infiltré la cérémonie et le dîner de gala des César

Publié le par Flavio Sillitti,

© Konbini/@worldwidezem

De la cérémonie à l’Olympia au fameux dîner du Fouquet’s, j’ai enfin pu m’assurer que Dali Benssalah est le plus bel homme du cinéma français.

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“Mais qu’est-ce que je fous là ?” Vous vous le dites aussi, parfois ? Alors que je pensais que la Croisette de Cannes l’année dernière m’avait forgé, je n’étais visiblement pas prêt pour ce qui m’attendait aux César. La grand-messe du cinéma français, qui a connu son lot de controverses et de moments forts ces dernières années, a toujours constitué un fantasme et un mystère pour moi. Je me devais d’aller le vérifier par moi-même, en devenant l’un des fameux pique-assiettes dont Jérôme Commandeur parlait dans son discours quelques années plus tôt.

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Premier acte : l’apéro à l’Hôtel Fouquet’s

C’est au Fouquet’s, dans le cadre d’un apéritif pré-cérémonie, que commence mon périple. Je suis invité par le groupe Barrière, qui est propriétaire de l’hôtel et du restaurant Fouquet’s, cœur névralgique de la bourgeoisie et de la haute parisienne. Sans ça, je n’aurais potentiellement jamais mis les pieds dans l’antre de l’opulence et des comptes bancaires qui débordent. En arrivant (à la bourre, classique), je tente de justifier ma présence à chaque membre du personnel que je croise à l’entrée, persuadé qu’ils savent, tout comme moi, que je n’ai rien à faire là. Dans la précipitation, je tends la galerie photo de mon téléphone à une hôtesse pour lui montrer mon invitation, mais c’est un selfie de moi qui tire la langue, pris quelques minutes plus tôt dans l’Uber, qui s’affiche à la place. Pas glorieux.

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Ici, tout est luxe. Mes racines prolétaires sont en sueur, mais je m’y sens bien. Finalement, on s’y fait vite, à la vie de château. On m’indique qu’une navette nous amènera à l’Olympia dans une quinzaine de minutes, alors que la pièce commence à se remplir de personnages en tout genre. D’autres journalistes s’installent, et à leurs yeux et leurs postures, elles partagent mon profond sentiment d’imposture, tandis que d’autres profils (qui dénotent vachement moins avec le décorum) dégustent avec habitude et allégresse les mets qui nous sont servis.

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“Mangez, chaque année on meurt de faim à la cérémonie”, nous conseille une des responsables. La prochaine fois qu’on ingurgitera quoi que ce soit, ce sera près de cinq heures plus tard, au gala, qui se tiendra lui aussi au Fouquet’s. Je m’exécute et me goinfre de cubes de saumon enrobés de coco râpée, de mousseline de fenouil ou encore de ravioles farcies cuites vapeur, en priant pour qu’aucune de ces délicatesses ne contienne de noix de Grenoble – j’y suis gravement allergique et je n’ai pas d’Epipen, évidemment.

Mon nœud papillon m’étouffe, tout ce qui se passe autour de moi est à la fois incongru et amusant, me donne l’impression d’avoir atterri dans la scène de banquet de Hunger Games. Rapidement, notre joyeuse bande se dirige vers le minibus qui bravera le trafic parisien cauchemardesque pour nous conduire à l’Olympia ; un “Ça fait longtemps que je ne suis pas monté dans un bus, c’est drôle” me décroche un sourire. Première phrase caviar de la soirée, je pense à toutes les compiler pour en faire un livre, avant de me rappeler que Loïc Prigent en a déjà fait un gagne-pain.

Deuxième acte : la cérémonie des César

J’arrive à l’Olympia, c’est la cohue, et les convois se concurrencent pour pénétrer la zone. Avant le bling-bling, on est plus sur des allures de manifestation. On nous rassemble sous une tente gigantesque, dans laquelle on procède au contrôle d’identité et à la vérification de nos invitations. Petit, j’ai souvent fait ce même rêve dans lequel je me trouve dans une file d’attente d’attraction à Disneyland.

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Je passe tout le rêve à poireauter et à avancer péniblement, avant que tout ne s’interrompe brusquement, juste au moment de monter dans le manège. Traumatisé à vie par ce vilain songe, je me dis que c’est ici, sous cette tente, que devrait s’arrêter mon rêve aux César. Et pourtant, ça passe, mon identité est vérifiée, je peux tranquillement me pavaner sur le tapis rouge qui rejoint la mythique salle de spectacle parisienne. Ouf.

Mon collègue photographe crie mon nom. Je suis timide, mais je prends la pose quand même. Pour la postérité. Je croise Ana Girardot en interview, l’équipe du film Vermines en baskets TN, mais aussi Léna Mahfouf qui gère comme une reine en plein live stream au micro de l’Académie des César. Le chemin de l’entrée reliant l’Olympia à la salle de cérémonie est jonché de photographes en délire qui hurlent à tue-tête, d’une foule compacte qui ne laisse passer personne et de coupes de champagne en plastique à moitié remplies. Comme quoi, la vie de star, ce n’est pas si facile.

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Des sonneries retentissent, il est l’heure d’entrer dans la salle pour la cérémonie. Je suis au balcon. La cérémonie commence, et mon cerveau a du mal à intégrer le fait que ce rendez-vous que j’ai suivi toute ma vie derrière mon écran se déroule là, devant moi.

Rapidement, le temps se fait long. On ne se rend pas bien compte, derrière l’illusion du spectacle et de la retransmission télévisée, que la cérémonie des César reste une succession rallongée de… remises de prix – c’est dans le nom, vous allez me dire. Mais c’est long, il fait chaud, mon nœud pap’ me serre, et j’ai faim, malgré la mousseline de fenouil dégustée en quantité quelques minutes plus tôt.

Je m’émeus devant le discours de Judith Godrèche et celui de Jamel Debbouze pour Agnès Jaoui, m’exclame de joie pour la victoire d’Adèle Exarchopoulos en tant que Meilleure actrice dans un second rôle mais aussi pour le prix remis à Monia Chokri pour son sublime Simple comme Sylvain, sacré Meilleur film étranger. Sans surprise, la cérémonie se termine sur le sacre prévisible et mérité d’Anatomie d’une chute de Justine Triet. Reine.

Il est près d’une heure du matin, la foule semble KO, mais le dîner au Fouquet’s démarre dans quelques minutes. La fine pluie dégueulasse et le ballet de vans et taxis devant la salle me donnent l’impression que tout le monde rentre dormir et que personne ne va se déplacer dans un autre quartier de Paris pour manger entrée-plat-dessert à cette heure-ci. J’ai complètement tort. Évidemment que tout le monde va au Fouquet’s.

Troisième acte : le gala du Fouquet’s

Devant le restaurant, dont le périmètre est sécurisé pour l’occasion, une horde de fans est en place pour capturer leurs idoles. Je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’une partie d’entre eux doit certainement croire que je fais partie de la haute, moi aussi. Après tout, je pourrais être n’importe qui, la nouvelle promesse du cinéma d’auteur, le petit réalisateur en vogue que tout le monde s’arrache ou encore un directeur de la photographie à la vision d’argent. C’est là que je me rappelle que j’ai mon tote bag des César (gentiment distribué à la sortie de l’Olympia) autour du bras et que jamais une star ne se pavanerait au Fouquet’s avec ça.

À l’intérieur, c’est la folie. Chaque allée du restaurant est bouchée par une ribambelle de célébrités plus belles les unes que les autres. Et au cas où vous vous le demandiez, Virginie Efira est effectivement la plus belle femme de la Terre, et j’ai jalousé chaque personne assise à sa table de pouvoir profiter de ses blagues et son humour à ma place. Je me promets d’être à sa table, un jour. J’observe Pierre Gagnaire, qui nous régale ce soir, serrer la pince de Raphaël Quenard, grand héros de la soirée qui repart avec le trophée de Meilleure Révélation Masculine et surtout l’attention de tout le Fouquet’s qui souhaite lui décrocher un bout de conversation, voire une photo.

J’aperçois Diane Kruger, Valérie Lemercier (alias le soleil de la soirée), la reine Agnès Jaoui et l’hilarant Jamel Debbouze installé·e·s à la table d’honneur, à quelques mètres de la mienne. Dali Benssalah me frôle et je manque de perdre connaissance. Je le dis haut et fort, noir sur blanc : il est le plus bel homme du cinéma français. J’entends des cris et des cliquetis de coupes de champagne qui s’entrechoquent : c’est évidemment la table de Justine Triet et de l’équipe d’Anatomie d’une chute qui célèbre son succès. J’aimerais tout filmer, mais vous vous imaginez bien que ce n’est ni le moment ni l’endroit.

Je suis installé à une table de journalistes, stratégiquement placée pour avoir une vue d’ensemble sur tout ce spectacle qui se joue devant nous. L’entrée est servie : Saint-Jacques taillées, crevettes grises et crevettes roses. Au moins, j’ai l’assurance qu’il n’y a pas de noix de Grenoble là-dedans. Mon voisin de droite me snobe et ma voisine de gauche est absente. Il est près de 2 h 30 du matin, la fatigue et le champagne me massacrent, c’est le moment de rebondir !

C’est le seul dîner où sortir de table est une obligation. Je me lève, je file aux toilettes, et j’ai une révélation : l’endroit à potins, c’est forcément le coin fumeurs. Problème : fumer, c’est nul, et surtout, je n’ai pas de clopes. Mais c’est le Fouquet’s, tout est possible. Je fais part de mon problème au bar, qui me sort une farde en cuir remplie de tout ce qu’il me faut. 18 euros le paquet. Sans réfléchir, j’achète, me rends dehors, et ma soirée prend une tournure plus festive. Là-bas, on papote, on emprunte les briquets de l’une et de l’autre, il fait bon vivre au Fouquet’s. Je me débarrasse de mes cendres par terre (c’est mal, je sais), avant de m’apercevoir que le sol est garni de plaques en or rectangulaires gravées des noms de figures du cinéma français. Merde, j’ai foutu mes cendres sur Yves Montand. Alors qu’il y a celle de Polanski un peu plus loin. Si j’avais su… Désolé, Yves.

Entre deux bavardages, je regagne ma table, je déguste une daube de bœuf au vin délicieuse et un dessert aux abricots façon tandoori qui m’a laissé pantois. La place de gauche est enfin occupée par une responsable de l’hôtel, qui me raconte qu’aussi fou que ça puisse paraître, le restaurant du Fouquet’s compte ses habitué·e·s et qu’ils et elles ont même droit à leur rond de serviette gravé de leur nom. L’entièreté de la salle et de l’annexe spécialement créée pour la nuit sera d’ailleurs démontée dans quelques heures pour reprendre le service habituel une fois tout ce cirque terminé.

Quatrième acte : l’after-party au Club Haussmann

Qui on pécho aux César ? Personne, et ce n’est pas faute d’avoir activé mon Grindr dans les différents hauts lieux de la soirée. La dernière fois que j’avais tenté le coup, à Cannes, j’avais tout de même terminé dans la story de Troye Sivan. Cette fois-ci, pas de bol : les grandes stars du cinéma français ne traînent pas sur les applications de rencontre pendant ce genre d’événements. J’en suis meurtri.

Mes comparses journalistes passent leur tour pour l’after-party, qui se déroule à quelques minutes en Uber de là. J’embarque dans le mien, me retrouve au Club Haussmann, à errer seul avec un verre de trop dans la main – main character energy, le fait d’être aux César me donne trop l’impression d’être dans un film français dans lequel Virginie Efira me sauve la vie. Sauf qu’Efira n’est pas à l’after-party.

En même temps, il est 4 h 30 du matin, bien trop tard pour croiser qui que ce soit là-bas, si ce n’est Milo, 15 ans, l’enfant aveugle d’Anatomie d’une chute, le seul à avoir profité de sa soirée jusqu’au bout. Je reste solo, consolé par toutes les chansons que j’aime qui passent dans les baffles, à commencer par “Creep” de Radiohead qui est, je m’en rends compte, la chanson parfaite pour ce genre d’événement, finalement. Car tiré·e·s à quatre épingles dans nos chaussures inconfortables à trinquer du champ’ hors de prix à la santé de la “grande famille du cinéma”, on est un peu tous et toutes des creeps, cette nuit.

Article rédigé dans le cadre d’une invitation par le groupe Barrière et l’agence Pascale Venot.