Dans ce troisième épisode de la série sur mon challenge de 300 séances de sport en un an, je vais vous raconter ma course contre-la-montre pour me présenter au départ du semi-marathon de Paris ce dimanche 5 mars, après une blessure survenue huit jours plus tôt… en passant l’aspirateur.
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Samedi 25 février
J-8.
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Début du week-end. Comme tout bon trentenaire qui se respecte, le samedi est souvent réservé au ménage. Celui-ci sera un peu plus profond pour la réception de la famille dans la soirée. Ce n’est jamais une partie de plaisir, mais il faut ce qu’il faut. Pour n’oublier aucun recoin avec le plumeau et l’aspirateur, je me contorsionne, sauf que j’oublie que je ne suis pas gymnaste. Et ce qui devait arriver, arriva.
Au moment de prendre une pause, à peine les fesses posées sur ma chaise, une douleur me transperce le bas du dos. Je comprends tout de suite. Ma séance de fractionné du jour est foutue et ma participation au semi-marathon est bien compromise.
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Dimanche 26 février
J-7.
La douleur ne s’est pas apaisée avec la nuit et je dois effectuer un déplacement à Marseille pour voir le Classique OM-PSG, une aubaine pour le supporter phocéen que je suis. La soirée vire au drame à cause de Kylian Mbappé et par-dessus le marché, l’état de mon dos ne s’est pas amélioré.
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Lundi 27 février
J-6.
Réveil aux aurores pour prendre le train de 6 h 13 et sommeil inconfortable dans le Ouigo = dos encore plus en compote en arrivant à Paris. De retour dans la capitale, je prends immédiatement rendez-vous avec un kiné non loin du bureau. Ce sera pour mercredi après-midi. En attendant, je souffre toujours.
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Mardi 28 février
J-5.
Je souffre toujours autant. Je suis à deux doigts de pleurer parce que je ne courrai probablement pas le semi-marathon. Ou comment gâcher deux mois d’entraînement en voulant enlever de la poussière.
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Mercredi 1er mars
J-4.
Cela fait désormais une semaine que je n’ai pas couru. Pas ouf à quatre jours du semi-marathon. J’attends la séance chez le kiné comme les supporters du Barça ont attendu le but de Sergi Roberto face au PSG en 2017 — une remontada et un miracle pour mon dos. Le kiné me masse le bas du dos vigoureusement et me propose une nouvelle séance le lendemain. Je dis oui, direct.
En sortant du cabinet, je comprends que les manipulations ne suffiront pas, et qu’il me faudra y associer une solution médicamenteuse. Le soir même, je fais le plein à la pharmacie. Dans le RER B du retour, j’ai l’impression d’être le médecin de Lance Armstrong, avec mes cachets et mes crèmes.
Jeudi 2 mars
J-3.
La crème anti-inflammatoire et le décontractant musculaire commencent à faire effet. La deuxième séance de kiné renforce le travail de guérison. L’espoir renaît comme lorsque Luke Skywalker a dégommé l’Étoile de la mort en utilisant la Force.
Vendredi 3 mars
J-2.
Pas de séance de kiné, mais on continue la prise de médicaments. Après le boulot, j’hésite à aller courir un peu pour tester mes sensations, mais le frigo est vide, je suis obligé d’aller faire des courses. La reprise aura donc lieu le jour du semi, pas le choix.
Samedi 4 mars
J-1.
Si je devais faire un classement (objectif) des plus grands moments de stress de ma vie, prendre le départ du semi-marathon arriverait facile dans le top 3 de mes plus grandes angoisses (et pas 3e). Cette angoisse ne fait que s’accentuer en allant récupérer mon dossard.
Pour me détendre, je reçois de la famille (mais sans me plier en quatre pour ranger la maison cette fois), en organisant un petit goûter. Mais à mesure que la journée avance, je suis rattrapé par l’événement. Quelle tenue porter ? Quoi manger au petit-déjeuner ? Quelle playlist pour la course ? Trop de questions.
Et mon dos, dans tout ça ? La douleur est bien moindre par rapport à la semaine précédente, mais toujours perceptible. À moins de 24 heures du départ, il me semble impossible de faire machine arrière. On courra les 21,097 kilomètres quitte a finir bloqué pendant trois semaines (en vrai, j’espère pas).
Dimanche 5 mars
7 heures. Réveil. Au petit déjeuner, deux tartines de beurre salé, une banane et un grand verre d’eau : c’est soi-disant le repas idéal le matin d’une course, d’après un site Internet trouvé en tapant la recherche “petit déjeuner semi-marathon”.
9 heures. Départ de la maison et arrivée 45 minutes plus tard à Paris. Dans le train, je croise plein de gens en tenue qui, comme moi, ont préféré sacrifier leur dimanche matin pour aller souffrir dans les rues de Paris et dans le bois de Vincennes.
10 heures. Je suis enfin à la place de la Bastille pour le départ. Mon ami Raphaël, qui participe aussi à son premier semi-marathon, me rejoint. On se mêle à la foule immense pour se diriger vers notre sas, celui qui court en plus de 2 heures et 10 minutes, ou comme je nous appelle, les tortues. La pression monte d’un cran.
11 heures. On est censé partir, mais le départ a pris du retard. Je refroidis et les effets de la crème anti-inflammatoire appliquée sur le dos s’estompent. J’ai aussi une envie folle de pisser à cause du stress.
11 heures 34. “3, 2, 1, partez !” C’est parti pour 21,097 kilomètres.
1er kilomètre. C’est fou le monde qu’il y a. Je me fais dépasser, je dépasse des gens en faisant des contrôles comme si j’étais en voiture.
5e kilomètre. Le moment de s’hydrater et de prendre des forces après avoir ressenti une micro pointe aux ischio-jambiers de la cuisse gauche. On entre dans le bois de Vincennes.
6e kilomètre. Premier ravitaillement. J’avais uniquement prévu de boire l’eau de mon sac, mais mon ami Raphaël me force à prendre une bouteille. Les gorgées sont difficiles, je renverse les trois-quarts.
8e kilomètre. Après une accélération pour dépasser des gens, je largue définitivement mon pote Raphaël qui courait jusque-là à mes côtés.
10e kilomètre. L’allure est bonne et conforme à ce que je réalisais à l’entraînement. Et, comment ça, on est encore dans le bois de Vincennes ?
12e kilomètre. Deuxième ravitaillement, mais je ne prends rien. Mon eau, ma barre de céréales et puis c’est tout.
15e kilomètre. À quel moment les organisateurs se sont dit que nous faire grimper l’avenue Daumesnil de Porte Dorée à Daumesnil était une bonne idée ?
16e kilomètre. Ça commence à tirer. Je croise ma mère, mes petits frères et sœurs, que je ne m’attendais pas à voir, sur le bord de la route. Une joie immense m’envahit, je leur tape dans les mains et les embrasse. J’ai envie de pleurer. Les voir me procure un shot de motivation pour les derniers kilomètres alors qu’à ce moment de la course, je ne tiens qu’au mental.
19e kilomètre. Après deux descentes et montées dans un tunnel, j’arrive au bout des quais. Juste avant la dernière côte, j’aperçois ma femme qui m’encourage et court la dernière pente à mes côtés. C’est beau l’amour et ça donne des ailes.
20e kilomètre. Cette ligne droite que j’ai déjà faite plein de fois à pied ne m’a jamais parue aussi longue. Mais le Graal est au bout, donc je serre les dents.
500 derniers mètres. C’est loooooong.
300 derniers mètres. Le corps humain est incroyable. Je trouve des ressources insoupçonnées pour taper une dernière accélération. Dans ma tête, je suis Usain Bolt, mais après vérification de la VAR, je courais bien à 2 km/h. Mais qu’importe la vitesse pourvu qu’on ait l’ivresse de l’arrivée.
Arrivée. Je passe la ligne heureux comme jamais d’avoir couru mon premier semi-marathon, après 2 heures 32 minutes et 10 secondes. Je récupère ma médaille. Sur le moment, j’ai envie de pleurer, de bonheur ou de fatigue, de m’écrouler, de manger sucré, de boire sucré, de m’asseoir pour reposer des jambes devenues trop lourdes, de rester debout, de m’étirer… Mais surtout de crier au monde entier : “Je l’ai fait.”