En juillet 2021, j’ai arrêté de boire. Symboliquement, je viens d’ailleurs de passer les 1 000 jours de sobriété. Au cours de ce chemin, j’ai documenté ce choix de vie dans deux articles sur Konbini : “J’ai passé un an sans boire d’alcool (et pourquoi je vais continuer)” et “J’ai (encore) passé un an sans boire d’alcool“. Alors, la moue de Léa Salamé à Artus, je la connais. D’ailleurs, si vous avez raté l’extrait qui a fait causer X/Twitter ce week-end, ça se passe ici :
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Une scène médiatisée, sur laquelle on pourrait rebondir sans peine sur les désastres de l’alcool sur la santé, mais ça, on le sait tous, et, au mieux, on essaie de ne pas y penser pour éviter de culpabiliser. Non, moi, ce qui m’emmerde, c’est l’obligation de justifier la sobriété comme n’étant pas un chemin de tristesse et de destruction de la vie sociale. Cette sobriété, si elle est si dure à adopter dans notre pays, c’est à cause des hôtes qui placeront ceux qui sautent le pas soit à la table des enfants, soit sur leur lit de malade.
J’allais dire que c’était d’ailleurs surtout un rempart de boomer que celui de Léa Salamé de souffler Artus dans la case du grognon de soirée, mais j’ai vu qu’elle n’avait que quatre ans de plus que moi, ce qui en fait quand même vingt de moins que ma belle-mère, à qui je pardonne plus facilement de continuer à dire : “Même pas une petite coupe de champagne ?” – et même elle, après 1 000 jours, est largement passée à autre chose.
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Dans un pays où la première cuite découle quasiment toujours de la pression d’un groupe d’amis pour s’affirmer, la sortie de l’alcool devrait être elle aussi stigmatisée par les mêmes bullies qui parlent un peu plus fort et pointent du doigt le non-cool ? Il n’y a pas de mal à ne pas suivre les codes d’un romantisme de la fête fantasmé par ceux qui prétendent vivre plus fort la vie car ils côtoient les excès. Parce que si certains savent jongler avec la bordure de la falaise – grand bien leur fasse –, d’autres, plus fragiles, s’enferment et se perdent dans cette vodka-get mondaine de trop, celle qui, bien plus que la sobriété, finit par exclure d’un lien social fonctionnel.
Bien sûr que, 1 000 jours après, je pars plus tôt de soirée. Bien sûr que les dîners s’enflamment moins et que je quitte la table souvent avant les irréductibles de la petite poire. Bien sûr que, souvent, je dois (re)raconter le parcours qui m’a mené à la sobriété, que ce soient la fête, l’amour ou la soif de clarté. Mais de ce que certains verront comme une mort sociale, j’en tire beaucoup de bonheur. Du bonheur, de la qualité de vie et du temps gagné – oui, la sobriété ressemble beaucoup à une publicité pour déménagement en lotissement.
1 000 jours après, je n’ai d’ailleurs rompu avec personne. Ma femme continue de boire, et jamais je ne songerai à lui dire de vivre sa consommation autrement. Je continue à apporter une bouteille de vin nat’ en soirée, parce que je suis bien élevé. L’idée d’ailleurs en prenant le temps de m’adresser à Léa Salamé, ce n’est pas d’être prosélyte de la sobriété, car chacun en aura sa vision et son chemin, mais plutôt de dire de nous laisser tranquilles, nous, les sobres. De ne pas faire une blague sur l’eau pétillante, on sait ; de ne pas nous dire qu’on n’est pas drôles, on ne l’était pas plus avant ; et de trouver peut-être autre chose qui nous définit à caler dans la case de votre tête à côté de notre nom : nous ne sommes ni malades ni tristes, et si nous l’étions, ce serait encore moins bienvenu de souffler si fort.
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