Évoluer dans la dualité du monde de la mode et de celui des bons vivants à la campagne est monnaie courante pour moi. Passionnée par la mode depuis toujours dans une petite ville qui compte plus de PMU que de showrooms, avoir un pied dans chaque milieu est mon quotidien. C’est pour cela que je devais sans doute être la seule journaliste mode durant cette Fashion Week à avoir admiré à la fois Ovalie, la vache égérie 2023, et Jared Leto.
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Samedi 20 heures
Comme pour chaque défilé, on se pointe en avance, on attend agglutinés devant les portes du lieu jusque-là tenu secret où il se tient et on se les gèle. Autour de moi, les plus vieux qui avaient pris LV1 allemand doivent se morfondre car avoir un level très poussé en anglais est plus que nécessaire. Je suis donc devant le lycée Carnot, qui avait abrité le défilé Acne quelques jours plus tôt, et je ne constate aucune odeur de fromage, zéro trace de terre, personne n’est saoul et ne chante des chansons paillardes. En revanche, la prise au sérieux sempiternelle des fashions est de mise. C’était le premier défilé de la nouvelle coqueluche du game, Ludovic de Saint Sernin, pour la maison Ann Demeulemeester que seuls les passionnés ou fans de Patti Smith connaissent. Ce come-back était très attendu et a ramené du monde, avec entre autres Avril Lavigne (la queen de cette saison de mode) et Jared Leto qui, eux, devaient être loin de se douter qu’à l’autre bout de Paris se déroulait la beuverie du siècle.
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Dimanche 11 heures
J’ai troqué mes santiags blanches pour une paire de Doc et je lance les hostilités avec des huîtres et du vin blanc. Je préfère y aller crescendo avec les mets bien franchouillards de notre terroir car n’oublions pas que quelques heures auparavant, j’étais au sommet de la fame. La veille, le Salon avait dû mettre fin à sa vente d’alcool deux heures plus tôt que d’habitude tellement les visiteurs s’étaient changés en piliers de bar. Là, les assoiffés ont plutôt laissé place aux familles avec leurs enfants. Mais ça sent le fromage, la charcuterie, la choucroute. Il y a tellement d’aligot qu’on pourrait nourrir tous les mannequins de la planète. La musique electro qui rythme souvent les défilés sonne comme des chansons paillardes qu’on entend aux quatre coins du Salon. Les cagoules, véritables hits de cet hiver, laissent place à des bérets bien français. Je suis dans un autre monde, celui où personne ne se prend au sérieux et où “look” veut simplement dire “regarde”.
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Lundi 15 h 30
Je vais chez Sacai avec un infiltré, Tyga et Ciara. Le décor change une fois de plus : cette fois-ci, point de lycée, mais un garage Renault. Premier point commun avec le Salon de l’agriculture : l’amour du made in France. Second point commun : je suis accompagnée de mon collègue Pierre Bazin, journaliste tech pour qui “vêtements” rime avec “fonctionnalité”, venu en parfait novice à un défilé. Ce que lui inspirait la marque japonaise Sacai ? Le froid, oui, parce que “ça caille”. Je reconnais avoir trouvé ça drôle moi aussi. Je suis donc passée du club pantalons à bretelles, Timberland et bérets à une flopée de mannequins toutes vêtues d’un tailoring impeccable mêlant féminité et transparence. Ici, la working girl n’a ni les pieds dans la boue ni dans des bottes en caoutchouc. Pourtant, ça n’a pas empêché ces deux événements d’avoir des points communs. Au Salon comme durant la Fashion Week, on va vu des robots, on a attendu dans le froid, on a côtoyé des égéries, on s’est frayé un chemin à travers la foule pour avoir la meilleure place, et on a mis en lumière ce que la France avait de mieux à offrir. Que ce soit dans son assiette ou dans son dressing, Paris a rayonné pendant plus d’une semaine. Et qui sait, peut-être qu’un jour, la mode sera dans le pré.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
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