C’était la petite bruine dans la tempête de ce week-end. Entre les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre sur le projet de méga-bassines à Sainte-Soline ou encore sur la réforme des retraites, un petit combat se jouait également pour le cercle restreint des 150 000 influenceurs et/ou créateurs de contenu français.
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Vendredi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire présentait une série de mesures visant à réguler le secteur de “l’influence” française qui regroupe 150 000 créateurs de contenu sur tous les réseaux sociaux, du petit autoentrepreneur et ses quelques centaines de milliers de followers aux plus grosses entreprises cumulant les millions – d’abonnés comme de chiffre d’affaires.
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L’objectif est de poser un cadre légal autour des pratiques des influenceurs, notamment en ce qui concerne les contenus sponsorisés, pour qu’ils aient par exemple les “mêmes règles” que celles auxquelles obéissent les médias traditionnels – TV, radio, affichage, presse écrite, etc.
Tout était parti d’une polémique en janvier. Le rappeur Booba avait attaqué publiquement l’influenceuse issue de la téléréalité Magali Berdah, accusant la cheffe d’entreprise d’une agence d’influenceurs de pratiques commerciales trompeuses.
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La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait, par la suite, publié une enquête pour le moins accablante sur les pratiques du secteur (dont celles de Berdah) : tromperie sur la qualité des produits vendus par des influenceurs, promotions des paris sportifs risqués ou encore mise en avant d’injections de chirurgie esthétique pratiquées par “des esthéticiens et des non-professionnels de santé”.
Le projet de loi transpartisan initié par Bruno Le Maire doit être examiné cette semaine et inclut notamment l’interdiction de la publicité pour la chirurgie esthétique.
“Ne cassez pas notre modèle”, une tribune signée par les influenceurs apostrophe le gouvernement
Samedi, une tribune paraît dans le Journal du Dimanche (JDD) signée par 153 influenceur·euse·s et créateur·ice·s de contenu dont des superstars des réseaux, à commencer par le numéro un de YouTube, Squeezie. Mais on y retrouve aussi SEB, Cyprien, Gotaga, Natoo, Théodort ou encore l’ex-Miss France Camille Cerf.
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Dans cette tribune initiée par la fédération de l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC), récemment créée, les créateurs disent vouloir se différencier des “dérives d’une minorité”.
“Votre seule boussole doit être la protection des consommateurs des dérives d’une minorité qui se croit tout permis et la préservation de nos activités et des emplois que nous créons.”
Les influenceurs demandent à ce que leurs activités soient protégées au mieux, rappelant qu’ils participent activement à la croissance économique en France. La tribune sonne plus comme une précision puisque les signataires se disent “favorables à un encadrement du secteur” mais le gouvernement ne les considère pas “comme une menace”.
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La tribune semble en fait vouloir surtout marquer la différenciation entre les signataires et les tristement célèbres “influvoleurs” qui avaient été pris dans le collimateur de la justice il y a quelques mois. Bien que, d’après les internautes, certains des signataires ne soient pas forcément complètement blancs comme neige vis-à-vis de cette qualification péjorative.
“Je quitte la tribune : explications”
Au lendemain de la publication, de nombreux signataires se sont désolidarisés de la tribune dont ils étaient pourtant signataires. Le premier youtubeur de France, Squeezie, a ainsi expliqué sur ses réseaux qu’il avait fait une “erreur”.
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Squeezie explique ainsi qu’on lui avait présenté cette tribune comme un moyen de défendre le métier d’influenceur. Il explique ne pas l’avoir “lu[e] avant publication” et il dénonce la présence parmi les signataires d’influenceurs “à l’origine du problème”, pointant du doigt des créateurs et créatrices qui auraient fait la promotion de jeux de hasard, de chirurgie esthétique et d’offres fallacieuses.
S’est ensuivi toute une série de messages dans le même ton de Gotaga à Cyprien en passant par Henry Tran ou encore Dr Nozman. Tous se désolidarisent de la tribune. Beaucoup expliquent avoir été induits en erreur par une agence de marketing. “J’ai jamais signé ce truc”, explique ainsi Cyprien tandis que Henry Tran explique qu’il n’avait donné qu’un accord sur le principe mais pas une signature en dur. Sur France Inter, SEB, interrogé sur cette tribune, explique que la signature s’est faite via quelques échanges WhatsApp. Il regrette et assume même que ce soit “la honte pour nous [les influenceurs, ndlr] parce qu’on passe un peu pour des cons”.
Beaucoup de zones d’ombre planent encore sur cette mystérieuse tribune à mesure que beaucoup d’influenceur·euse·s et créateur·ice·s de contenu, en particulier les plus “gros” s’en éloignent.
Erreurs de communication ? Les excuses passent mal
En réaction, l’UMICC a elle aussi publié un communiqué pour préciser son propos, expliquant qu’elle soutenait le projet de loi. La fédération précise bien que les créateurs de contenu se sont vus directement proposer le texte intégral – un point contesté par certain desdits signataires.
Si Squeezie se targue d’avoir toujours été “irréprochable et transparent” quant à ses placements de produits, les excuses ne passent pas bien pour une partie de son audience. Déjà, beaucoup trouvent l’excuse invoquée par le youtubeur comme plusieurs de ses confrères de ne pas avoir lu en intégralité une tribune avant de la signer comme un manque de professionnalisme et de sérieux. Twitter oblige, cela se fait tout de même avec beaucoup d’humour et de dérision :
Aussi, certains pointent du doigt le fait qu’un nombre incalculable des créateurs de contenu ait déjà recouru à des sponsorings avec des marques de paris en ligne ou encore avec le lobby laitier. Si ces collaborations sont encore bien éloignées de ce qui est reproché aux fameux “influvoleurs”, elles ne sont pas, sur le plan moral, blanches comme neige.
Enfin, l’un des plus grands reproches des internautes concerne finalement le timing choisi. Alors que la réforme des retraites ne passe pas et qu’une grande partie de la population française y est opposée, certains trouvent très déplacé de ramener ce sujet sur le devant de la scène médiatique.
Certains signataires de la tribune comme SEB (qui s’en est aussi désolidarisé) ont déjà exprimé leur opposition à la réforme des retraites (et surtout au recours au 49.3) mais ceux qui ont choisi de s’exprimer uniquement sur cette tribune subissent plus de critiques de la part des internautes. Parmi les arguments invoqués, on y retrouve grosso modo la critique que ces influenceurs se positionneraient uniquement quand leur activité bien spécifique (qui ne concerne que 150 000 personnes en France) est menacée.