La politique, c’est aussi sur Internet, peut-être même “surtout” pour ceux qui sont nés avec des smartphones comme premiers outils technologiques. Cette jeune génération qui peut sembler au premier abord assez détachée de la politique peut en réalité consommer beaucoup de contenus issus de politiques ou de militants.
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Une seule condition : que ce soit un reel Instagram, un TikTok ou un Short YouTube, il faut que ce soit court. Alors que Bardella a fait de TikTok un axe majeur de sa communication politique, pendant que la “gauche des internets” s’est unie sous une même bannière et une direction artistique commune, nous sommes allés à la rencontre de Glupatate, un des précurseurs de l'”edit” de gauche.
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D’écolo à gaucho
Derrière la chaîne Glupatate, on retrouve un jeune homme de 31 ans, ingénieur de formation et surtout “de gauche”, même s’il admet que cela n’a pas toujours été le cas :
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“Il y a 10 ans, j’étais beaucoup moins politisé, j’ai voté blanc ou je me suis abstenu en 2012 ! Je suis rentré par l’écologie mais je me suis gauchisé avec le temps !”
C’est en octobre 2021 qu’il crée sa chaîne Glupatate. Il nous explique que, à l’époque, il n’y avait pas vraiment de gens qui avaient pris ce créneau, celui du contenu politique régulier, de gauche, mais surtout en format vertical !
Rapidement, il trouve la recette gagnante : des montages effrénés, des punchlines bien sélectionnées, un peu d’humour et des mises en relief des moments les plus forts d’un discours ou d’un passage TV, le tout porté par une figure assez tribunitienne qui rend bien en vidéo.
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Évidemment, quand on parle de personnes douées en rhétorique et en repartie, Glu a ses “chouchous” : Jean-Luc Mélenchon, David Guiraud, Philippe Poutou ou encore Rima Hassan, mais aussi des syndicalistes ou même l’acteur Yvan Le Bolloc’h. “C’est important d’avoir de la diversité”, assure-t-il.
En 2022, deux vidéos percent particulièrement : la première est celle du streamer RebeuDeter (Billy) qui “découvre” le concept de communisme en plein Z Event, tandis que la deuxième est un échange vif entre Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, en pleine campagne présidentielle :
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“Il y a eu un avant et un après avec ces vidéos”, concède le monteur autodidacte. Rapidement, les réseaux de Glupatate grimpent, que ce soit sur YouTube, Instagram, X/Twitter ou bien sûr TikTok.
“Pour certaines vidéos, je peux y passer 6 heures”
Ingénieur de formation, Glu a appris le montage sur le tard. Mais il a aussi fallu travailler sa veille de médias et, de ce côté-là, Glu fait “tout sur Twitter”, quasiment attendant de voir passer une interview intéressante, un passage fort ou au contraire un moment qui n’a pas été beaucoup mis en avant par des médias.
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C’est par exemple le cas de l’interview de Philippe Poutou sur BFM TV. Durant une longue interview, le candidat NPA s’est évertué à répéter le nom du milliardaire Patrick Drahi devant des journalistes peu heureux d’entendre le nom du propriétaire de leur chaîne d’infos. Un moment que Glupatate a mis en valeur par un montage assez travaillé : la vidéo compte aujourd’hui 7,6 millions de vues sur X/Twitter.
“Pour un petit montage, je peux faire ça en 1 h 30, mais un truc plus long comme celui de Poutou [ci-dessus, ndlr], on peut aller jusqu’à 6 heures de montage.”
Glupatate, nouveau riche de YouTube ? Sur YouTube et les autres réseaux sociaux en général, parler politique est loin d’être le bon plan financier. La monétisation de ses Shorts est par exemple très faible.
Mais son travail a été remarqué à gauche ; depuis quelque temps, Glu s’occupe à temps partiel de la communication numérique de La France insoumise. “Ils me proposaient un temps plein”, précise-t-il, “mais je voulais garder ma liberté de ton sur Glupatate”.
Le vidéaste considère même Glupatate comme un “média”, tout en assumant pleinement la dimension militante :
“C’est plus honnête d’admettre qu’on est engagé politiquement [ici à gauche, ndlr] plutôt que de se revendiquer neutre ou apolitique alors que, dans les faits, tout discours médiatique est forcément politisé.”
De Risitas à Bardella, de JVC à TikTok, l’importance du “contre-récit”
Quand on voit la photo de profil de Glupatate, on voit d’abord et surtout El Risitas, le phénomène internet né en 2015 à partir du fou rire de l’acteur espagnol Juan Joya Borja – décédé en 2021.
Mais en France, s’il y a bien une “communauté” associée au mème Risitas, c’est bien celle du Blabla 18-25 des forums de Jeuxvideo.com. Un ensemble d’internautes en réalité très hétérogène mais qui, dans la culture générale de l’Internet français, est surtout connu pour ses dérapages réguliers ou ses campagnes de cyberharcèlement.
Glupatate a eu sa période sur les forums Blabla de JVC et admet qu’on y retrouve en effet un bon terreau à l’extrême droite. Pour autant, il apprécie que sa photo de profil y fasse référence d’une certaine manière :
“Le fait d’utiliser Risitas, c’est un pied de nez à tous ceux d’extrême droite qui l’utilisent. C’est comme le drapeau français, c’est un symbole qui n’appartient pas qu’au Rassemblement national, il peut être aussi brandi par la gauche. Si on prive les droitards de leurs symboles, il ne leur restera plus rien.”
En parlant d’extrême droite, il y en a un aussi qui a bien compris comment fonctionnent les vidéos virales en format vertical : Jordan Bardella. Glupatate a évidemment beaucoup suivi l’ascension éclair du candidat du Rassemblement national (RN). “En termes de communication, il a clairement mis les bouchées doubles durant les européennes, c’était plus simplement des extraits de passages médias mais des mises en scène, des extraits de vie quotidienne”, analyse-t-il.
Seules quelques séquences ont légèrement égratigné Jordan Bardella, comme notamment le débat avec le Premier ministre Gabriel Attal. “Il s’est fait ridiculiser”, affirme Glu. “J’ai pensé à faire un montage mais quand même je ne pouvais pas mettre en avant Attal”, dit-il.
Mais depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier et l’arrivée d’élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet, tout a changé. Désormais, la gauche est réunie sous une seule bannière, celle du Nouveau Front populaire.
“C’est important d’émettre un contre-récit à ‘l’effet Bardella’ avec lequel on nous rebat les oreilles depuis trois mois.”
Pour Glu, si elle est un peu tardive, la “contre-offensive” a déjà montré de belles choses. Entre le Discord des gauches (dont on vous parlait il y a quelques jours), les fans de K-pop qui font des “edits” de députés, les Swifties qui annoncent leur soutien au Front populaire, Glu y voit quand même de l’espoir :
“Ce sont aussi des communautés qui se rencontrent, et c’est là qu’on peut entrevoir un élan populaire contre l’extrême droite.”