Normalement, l’ASMR (“autonomous sensory meridian response”), c’est fait pour grattouiller des hérissons tout mignons contre un micro, se claquer de la crème hydratante sur la joue ou enregistrer le doux son du passage d’un peigne dans ses cheveux pour titiller ses oreilles. Mais depuis quelques années, cette tendance des années 2010 se réinvente et adopte de nouvelles formes inattendues. Des POV ambiance back to school pour s’endormir en rêvant d’une autre vie aux détournements humoristiques de discours politiques, l’ASMR est toujours aussi populaire sur Internet.
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@dajaasmr #greenscreen okay but who doesn’t like a nice girl? #asmr #fyp #pov ♬ original sound - Daja ASMR
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Le problème, c’est quand cette session de titillement d’oreilles, safe space par excellence, se transforme en véritable cauchemar anxiogène. Car sur YouTube, il existe une autre variante d’ASMR très inquiétante : le “abusive boyfriend”, ou petit copain violent en français, remarque Dazed. En prétendant offrir à son public, souvent jeune et féminin, la réalisation de ses fantasmes, ces vidéos recréent en réalité un climat toxique de toutes pièces et normalisent les violences conjugales et les féminicides. Et c’est ultra dangereux.
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“Je n’arrive pas à t’entendre avec tes pleurnicheries”
Quand on tape “ASMR abusive boyfriend roleplay”, on tombe effectivement sur pléthore de vidéos dans lesquelles un personnage masculin, animé ou réel, s’adresse au viewer comme à un·e partenaire de relation. Parmi ces vidéos, on retrouve celles de la chaîne “All Tingles ASMR 2”, tenu par un certain Markell Young.
Dazed s’est entretenu avec le jeune homme de 17 ans suivi par plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ancien créateur de contenu ASMR “classique” où il s’amusait avec sa langue et son micro, il s’est récemment lancé dans les mises en scène d’engueulades chuchotées.
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Il joue tour à tour le rôle du partenaire dominant – “ASMR fais ce que je dis et suis mes instructions (bonne conduite)”, colérique – “ASMR petit copain énervé en a marre de ta merde et rompt avec toi”, voire agressif – “ASMR petit copain violent qui te crie dessus pendant une dispute”, faisant le bonheur de sa communauté. Dedans, il tient envers sa partenaire imaginaire des propos profondément sexistes et dégradants, s’attaquant tour à tour à son physique, à son hygiène ou à ses capacités intellectuelles limitées.
Dans les commentaires, son audience, majoritairement féminine – 98 % de femmes – se prend au jeu, le remercie ou s’attendrit carrément de ces petits coups de sang. “J’aime quand tu joues l’énervement”, en commente une. “Beaucoup trop mignon.” Une réaction très inquiétante qui manque cruellement de discernement et de recul : ce genre de comportement n’a rien de “mignon”, mais représente au contraire un vrai signal d’alerte à savoir reconnaître.
Si le youtubeur confie à Dazed ne pas normaliser la violence, mais plutôt “aider les femmes à se libérer de leurs traumatismes”, aucun bandeau préventif ou trigger warning n’est indiqué au début de ses vidéos.
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La prévention par l’exemple
D’autres créateurs présentent au contraire leur contenu comme un véritable élément de sensibilisation aux violences conjugales. C’est le cas d’Ethernal Yami. Au début de ses vidéos, ce dernier délivre un disclaimer : “Cet audio n’est pas censé être romantique ou même être romantisé […]. Tout cet audio entier est fait pour deux raisons : sensibiliser et donner un électrochoc.”
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Dans les commentaires, on le remercie pour cette démarche et les témoignages de victimes de relations abusives fusent. C’est une éducation plus que nécessaire : selon Maria Scaptura, chercheuse en masculinité et violence dans l’Arkansas, interrogée par Dazed, les jeunes ont tendance à romantiser les relations abusives car c’est une conséquence de notre société misogyne.
“L’association des exigences hétéronormatives imposées aux femmes, dans lesquelles le harcèlement et les violences sont normalisés, à la misogynie qui dit aux femmes d’être reconnaissantes envers l’attention des hommes, conduit à la production de contenus qui romantisent ce comportement”, explique-t-elle.
3919 Violences Femmes Info est le numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés.