Publicité
Depuis plus de 15 ans, Konbini va à la rencontre des plus grandes stars et personnalités de la pop culture dans le monde entier, celles et ceux qui nous font rêver au quotidien à travers leur passion, leur détermination et leurs talents, afin de vous livrer tous leurs secrets.
Publicité
En 2023, la rédaction de Konbini a décidé de faire briller avant tout la jeunesse et la création francophones à travers 23 portraits de jeunes talents en pleine bourre, à suivre dès maintenant et dans les prochaines années. Des acteur·rice·s prometteur·se·s aux chanteur·se·s émergent·e·s, des chefs qui montent aux sportifs et sportives en pleine éclosion en passant par des artistes engagées de tout horizon, Konbini vous présente sa liste des 23 personnalités qui vont exploser en 2023.
Publicité
La fiche d’identité d’Ève “Colomblbl” Monvoisin, joueuse professionnelle d’e-sport, 24 ans
- Lieu de l’interview : Sur Discord, évidemment.
- Une personnalité qui l’inspire : Laure Valée, toujours avenante, les pieds sur terre, qui n’a plus rien à prouver.
- Comment elle appréhende 2023 : Un step up en tant que joueuse, bien sûr, mais aussi en tant que créatrice de contenu.
- Ça fait quoi d’être jeune en 2023 ? Une occasion de vivre enfin un peu “égoïstement” pour décider de son avenir.
- Un plaisir coupable vidéoludique : World of Warcraft, il fut un temps.
Publicité
“Ma cousine m’a montré Dofus et j’ai tout de suite adoré.”
Portrait. Si “Ève Monvoisin” est tout ce qu’il y a de plus simple à prononcer, il vous faudra faire un petit effort supplémentaire pour l’appeler par son pseudo de joueuse sous lequel on la connaît mieux : “Colomblbl”. Depuis fin 2022, elle est devenue joueuse professionnelle sur League of Legends au sein de G2 Hel, la nouvelle équipe féminine annoncée par la grosse structure européenne G2.
Avec des premiers balbutiements sur la Nintendo DS ou encore sur PS1 avec Spyro le Dragon, Ève tombe tout naturellement dans la marmite des jeux vidéo dès son plus jeune âge.
Publicité
“J’ai choisi Colomblbl parce que je trouve l’oiseau très beau et j’y ai ajouté le bruit des murlocs à la fin.” Si Ève fait référence à ces créatures de World of Warcraft, c’est parce que les MMORPG ont été une première étape dans son parcours de gameuse. “Ça a commencé chez ma cousine sur Dofus, je trouvais son personnage trop cool !” Après quelque temps passés sur Astrub, passent à la télévision des spots publicitaires mettant en scène un certain Alexandre Astier qui demande : “Et toi, à quoi tu joues ?”
Côté parents, Ève et son grand frère de trois ans son aîné n’ont pas trop souffert de la diabolisation du jeu vidéo, pourtant très en vogue dans les années 2000. “On se payait des abonnements en code audiotel quand il restait du crédit sur le forfait de ma mère, à la fin du mois.“ Les parents ne comprennent pas tout mais ne l’interdisent pas pour autant, ils sont surtout interloqués de voir que leurs enfants peuvent, sans broncher, passer des heures devant ce medium. “C’est une histoire de génération, je pense qu’ils ont dû me traiter de ‘no life’ de temps en temps [rires]“.
Publicité
“League of Legends était très moche !”
Alors qu’elle vient de rentrer au collège, Ève regarde, par-dessus l’épaule, son grand frère jouer à un jeu d’un nouveau genre : “League of Legends saison 1 et 2. Le jeu était vraiment très moche dans ses graphismes,” se souvient-elle. Mais qu’importent les apparences car le jeu commence tout de même à taper dans l’œil de Colomblbl. Son premier champion était Lux, elle se souvient lui avoir directement acheté un skin : “Lux voleuse de sorts, je l’avais achetée avec un audiotel encore et, à l’époque, le site s’appelait ‘BoKu’, ma mère avait un peu buggé quand elle avait vu ce nom lui envoyer un SMS [rires] !”
Bienvenue en 2011. © Riot Games
Passé les malentendus, Colomblbl se met doucement mais sûrement à arpenter les parties classées (aussi appelées ranked) même si, au tout début, elle admet avoir un peu trop “sacralisé” cette dimension compétitive sur un jeu encore naissant : “mes premières games classées, j’avais le cœur qui battait [rires]”.
Son frère préfère retourner à ses FPS, restant à l’Elo Gold sur League of Legends tandis que Colomblbl s’envole vers le Diamant. “Au collège, j’entendais des gars dire “ah voilà la Diamant” en parlant de moi mais, personnellement, je ne prenais pas le jeu très au sérieux. Si je suis allée en ranked, c’était surtout pour avoir du niveau en face.” L’esprit de compétition chez Ève, ne vient pas de nulle part, son père a fait du football au niveau national et ses parents tiennent à ce que son frère et elle pratiquent au moins un sport de leur choix. Quand elle n’est pas sur la Faille de l’Invocateur, Ève s’essaie donc aussi aux courts de tennis !
“Je voulais être maîtresse, j’adorerais voir les gens au tableau !”
Pourtant, ce n’est ni vers une carrière sportive et encore moins e-sportive qu’Ève s’oriente. Son truc à elle, c’est plutôt l’enseignement : “Quand j’étais petite, j’admirais trop ceux qui parlaient au tableau devant toute une classe !” Un amour de la pédagogie qu’on retrouve aujourd’hui chez Colomblbl qui a fait du coaching sur League of Legends et qui prodigue maintenant, sur YouTube et Twitch, des conseils et autres tutoriels pour tous les joueurs et joueuses avides de conseils.
Elle s’inscrit donc en LLCE chinois (langues, littératures et civilisations étrangères). Les études lui plaisent plutôt, au moins le temps d’une licence. Mais c’était sans compter sur des vacances fin 2019 durant lesquelles Ève joue tout naturellement à League of Legends. Par pure coïncidence, elle tombe dans la même partie que Rhobalas, un streamer français relativement connu et spécialiste du jeu. Ce dernier remarque les capacités de jeu de Colomblbl et l’incite à tenter sa chance sur la scène compétitive féminine.
“On a sûrement eu 100 euros à se partager !”
La machine se lance doucement mais sûrement et Colomblbl s’essaye d’abord à une petite compétition Open Tour avec une première équipe mixte, Metafun, qu’elle rejoint avec son copain. Avec un top 4 et en perdant contre une équipe professionnelle, il y a quand même quelque chose de prometteur. “On avait bien résisté”, se souvient-elle. “C’est ça que je retiens.”
Avec 100 euros de cash-prize pour l’équipe et un casque Logitech, Ève est contente mais ce genre d’Open Tour demande trop d’investissement. “Une passion comme ça, tu lui donnes tout ton temps. Tous les soirs, je finissais les cours, je rentrais chez moi à 21 heures pour faire trois games.”
Petite pause donc, après s’être frottée une première fois à la scène compétitive, le temps de se concentrer sur les études. Toutefois, cette première expérience d’Open Tour reste bien en tête car elle en apprécie chaque instant. Le monde de l’e-sport professionnel n’est qu’à quelques pas.
“J’ai compris que la vie de pro player me plaisait.”
Finalement, Colomblbl commence à monter une équipe 100 % féminine avec quelques amies, ironiquement appelée “-Les G@m3uZ-” (ou quelque chose comme ça). Une de ses coéquipières envoie alors l’annonce d’un appel à candidatures lancé par la structure allemande SK Gaming, acteur historique de l’e-sport. Colomblbl tente sa chance et obtient le poste de joueuse dans le récent roster féminin SK Avarosa. “Le projet est bien organisé mais un peu bancal sur les finalités, on est un peu là pour dire coucou à la caméra“, explique-t-elle.
Accuser Ève de naïveté quant au milieu serait mal la connaître. Elle comprend rapidement que le roster féminin de SK Gaming est surtout une façade pour les sponsors, à la limite du pinkwashing. Malgré cette expérience parfois “frustrante”, Colomblbl profite de chaque instant, de chaque bootcamp, de chaque voyage à Berlin pour acquérir en expérience, aussi bien dans le jeu que dans le milieu de l’e-sport qui évolue déjà à toute vitesse.
Car, dans les faits, elle vient de devenir officiellement “pro player”. “Même si c’était un peu en mode : ‘regardez, on a une équipe inclusive !’, j’étais contente d’être payée pour jouer, j’y ai vraiment pris goût et rien que pour ça, je leur suis reconnaissante [à SK Gaming, ndlr.].“ Alors qu’elle ne l’envisageait pas un an auparavant, Ève se rend compte qu’elle peut désormais vivre d’une passion qui l’habite depuis toujours : le jeu vidéo.
“J’avais déjà le niveau pour être prise au sérieux.“
Aussi triste qu’évident, le sujet du sexisme dans le jeu vidéo, les jeux en ligne ou dans l’e-sport est un sujet qu’Ève maîtrise parfaitement. À titre personnel, la Support de G2 Hel estime avoir eu “de la chance”, notamment en ayant commencé par du mixte avec son copain. “Côté e-sport, j’ai déjà fait mes preuves pour être considérée sérieusement.”
Lorsqu’elle s’entraîne en solo contre des joueurs en ligne, c’est un peu différent. “J’ai eu le droit à quelques : ‘Retourne jouer à Animal Crossing‘, ‘go to the kitchen’, notamment sur mon deuxième compte où j’avais un pseudo plus identifiable comme féminin”, mais dans l’ensemble, la joueuse adopte la technique classique du “je mute tout le monde tout le temps” pour ne pas avoir à supporter un tchat potentiellement toxique.
Cela n’empêche pas Ève d’être agacée de voir le sexisme persister sur les jeux en ligne. Elle évoque notamment la difficulté des joueuses/streameuses sur le plus récent FPS Valorant qui demande plus systématiquement la communication via micro – contrairement à League of Legends, où le tchat textuel et les simples pings dans le jeu suffisent.
“Je vois plein de découragées sur Valorant. Il y a des mecs qui vont esquiver des parties ou faire en sorte de faire perdre son équipe juste parce qu’ils ont entendu une fille arriver dans le lobby.”
L’e-sport est mixte sur le papier. Dans les faits, il est à 99 % masculin. Dans un monde parfait, les femmes arrivent d’elles-mêmes dans la compétition mais Colomblbl a bien conscience que ce n’est pas si simple. “On n’a pas assez de femmes coaches par exemple !“, explique-t-elle. Les compétitions 100 % féminines sont un bon outil “à court terme”, précise Ève qui explique même avoir déjà vu une joueuse se faire refuser un poste avant même d’avoir pu tenter la session d’essai : “Ben non, c’est une fille !”
“Je suis toujours dans mon petit studio, à manger des cartes graphiques“
La création de G2 Hel et la présentation du roster datent de septembre 2022 selon Colomblbl mais, en réalité, elle et ses quatre coéquipières (Lizia, Karina, Tifa et Caltys) avaient déjà commencé à jouer dans leur équipe Burger Flippers en amont : “On a toujours aimé les noms un peu troll [rires]”, confesse-t-elle.
Elles ont eu des réponses positives dans différentes structures mais, finalement, la structure G2, référence incontestée en Europe (LEC), leur proposera le projet de G2 Hel, baptisée comme la déesse scandinave des Enfers. Changement de rythme radical pour Colomblbl et ses mates : quatre jours d’entraînement par semaine, un coach, un manager, des bootcamps, une gaming house ou encore un suivi médical.
Cela paie, puisqu’en novembre dernier, G2 Hel remporte son premier tournoi, le Rising Stars. “C’était une galère, on a dû faire deux semaines sans coach parce qu’on n’en avait pas encore“, en rit-elle aujourd’hui. “On n’était pas toujours productives !” Qu’importe, les résultats sont là.
Son nouveau rythme de vie entièrement consacré au jeu lui convient parfaitement : “Je peux enfin me faire plaisir et on a une certaine sécurité !”, reconnaît Colomblbl.
Mais Ève garde la tête sur les épaules, car elle sait le chemin long. Riot Games n’ayant pas encore annoncé sa très attendue ligue féminine, c’est finalement sur des ligues mixtes locales que G2 Hel concourra d’abord. En attendant, elle développe aussi sa communauté sur les réseaux, notamment sur Twitch et YouTube.
Dans tous les cas, elle n’oublie pas non plus d’où elle vient car, finalement, l’important c’est ce que tu vaux dans la Faille. “Je suis toujours la même, dans mon petit studio, à manger des cartes graphiques !”
Les recos de Colomblbl
- Une série : The Boys d’Eric Kripke, disponible sur Amazon Prime Video.
- Un livre : Les nouvelles de Maupassant, particulièrement Une partie de campagne.
- Un film : Avatar : La Voie de l’eau de James Cameron.
- Un album : Cycle de Dylan C. Jones.
- Un jeu vidéo sous-coté : le mode multi d’Assassin’s Creed : Brotherhood.
Vous pouvez retrouver Colomblbl en live sur sa chaîne Twitch, via ses best of et tutos, sur YouTube, ainsi que sur Twitter et Instagram.