“Oh là, mais trop de chance d’avoir un téléphone comme ça, je crois que j’aimerais trop !”, ça, c’est la phrase que vous entendrez si vous sortez un téléphone “frigo” dans un milieu un peu branché. Ah oui, c’est “génial” d’avoir un téléphone qui ne peut qu’appeler et envoyer des SMS ? Et ben fais-le, Jean-Loïc, ça coûte 40 balles, lâche donc ton iPhone aux 234 applis et assume tes propos !
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Pardon.
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Tout part d’un récent article de CNBC qui nous explique que les “dumb phones” (en opposition aux smartphones) redeviendraient de plus en plus populaires auprès de la Gen Z. Sur ce beau constat, mon rédac chef demande si quelqu’un est motivé à utiliser un téléphone “à l’ancienne” pendant une semaine. Je suis piqué.
Si je ne suis pas particulièrement un addict aux smartphones, je ne suis pas non plus un adepte de la digital detox. Je n’ai jamais eu le dernier téléphone à la mode (sauf, une fois, un BlackBerry que j’ai pété en trois semaines), mais j’ai quand même besoin de ma petite vidéo YouTube dans le métro, de mon Deezer ou même de Google Maps pour ne pas me perdre.
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Hasard du calendrier, le même jour, Honor m’appelle pour me proposer de tester une semaine le dernier Magic 5 Pro, soit l’exact opposé d’un bigo des années 2000 : un smartphone premium équipé de toutes les dernières technologies du turfu avec des photos plus belles que la morne réalité, des IA par ci, par là, et une fiche technique à faire pâlir les specs de mon PC gaming.
C’est décidé, je vais tester les deux, une semaine l’un, une semaine l’autre. Le tout pour produire un double test aux comparaisons pas du tout pertinentes entre le Honor Magic 5 Pro à 1 100 euros et le Nokia 8210 4G à 80 balles, mais surtout m’interroger sur mon rapport au téléphone.
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Round 1, T-800 vs T9
Pour “l’esspérience sociale” comme dirait IbraTV, je me suis mis à fond dans mon rôle. Durant la première semaine, j’ai commencé avec le Magic Pro, histoire de passer, sans transition, du très haut de gamme au “téléphone de dealer” — c’est une des premières choses qu’on a m’a dites en le voyant.
Pour la première semaine de jeune cadre actif ultra-connecté, j’ai fait mes stories quotidiennes, tweeté, consommé, photographié en boucle, j’ai même fait mes BeReal (c’est dire). L’idée était de travailler l’appareil au maximum. Cela en devenait presque une corvée au bout de plusieurs jours, de tout le temps être scotché à son téléphone.
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Côté performances, il faut dire que le Magic 5 Pro ne déçoit pas. Si je suis habitué aux petits bugs du quotidien sur mon téléphone habituel (freeze, lag, etc.), tout est beaucoup trop fluide sur ce téléphone haut de gamme. Ce petit ordi de poche a 12 Go de ram, c’est le quadruple de mémoire vive que ce qu’avait mon notebook étudiant, on se demande presque pourquoi on utilise un ordinateur, parfois. Je me fais même quelques films sur l’écran incurvé HDR pour le plus grand bonheur de mes yeux, eux-mêmes protégés par une myriade de technologie qui ont pour objectif de “reposer” les yeux en adaptant la luminosité, etc.
Là où je redoutais ce genre de téléphone (surtout en comparaison à un Nokia frigo), c’était sur son autonomie. Mais non, le Magic 5 Pro a beau carburer comme un Terminator T-800, sa batterie ne fond pas pour autant comme neige au soleil — quelqu’un a dit “iPhone” ? Même pendant une utilisation active (Bluetooth, 5G, YouTube 4K à balle, etc.), le téléphone est encore bien vivant à la fin de la journée et, de toute façon, il se recharge très rapidement.
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En face, le Nokia 8210 reste évidemment le grand gagnant : je l’ai chargé une seule fois en six jours. Il a tellement d’autonomie que j’ai bien cru qu’il allait créer son propre pays indépendant et déclarer une ZAD. Pour le reste, eh bien… c’est le minimum annoncé. SMS, appel et c’est à peu près tout. Je retrouve quand même un petit plaisir (au début) à voir que je n’ai pas perdu mes réflexes au T9. C’est tout de même formidable, cette technologie, comme le fait de pouvoir capter la radio depuis un casque branché au port jack — port jack que n’a pas le Magic 5 Pro, et toc.
En fait, au quotidien, le plus grand intérêt d’un “dump phone”, c’est qu’on n’est pas dessus. Ça paraît très bête et digne d’un post inspirant d’une digital detox sur LinkedIn, mais ne pas pouvoir faire plein de choses comme perdre du temps sur TikTok ou WhatsApp libère du temps pour tout le reste — je n’ai jamais autant lu de bouquins dans le métro. Au cas où, il y a quand même l’éternel Snake sur le 8210, et pour rien au monde je ne l’échangerai contre un jeu du top Play Store, même si le Honor peut sûrement faire tourner GTA sans sourciller.
Round 2, IA vs Skyblog
Parlons de la photo. Car c’est bien sûr cela que se base le gros des promesses du Honor Magic 5 Pro. De toute façon, il ne peut pas s’en cacher puisque ce sont ses trois objectifs à 50 MP chacun qui font son design tout particulier. “On dirait une plaque de cuisson“, me glisse une collègue. Pas faux. Mais si ce sont des plaques de cuisson, c’est de la belle induction capable de produire des photos (trop ?) sublimes.
Je n’ai jamais eu un téléphone avec une telle capacité d’appareil photo. J’en arrivais au point où mes potes me réclamaient des photos car les portraits que tirait l’appareil “rendaient tout beau”. Bon, cela demande aussi qu’une intelligence artificielle optimise tout pour prendre le meilleur angle, la meilleure luminosité, etc., mais honnêtement le futur chômage technique des portraitistes se pointe déjà.
Le Magic porte bien son nom car tout ressort, comme par magie, joli dans la Galerie. Au niveau du zoom, on peut aller jusqu’à x100. Ça n’a pas de sens d’aller aussi loin, mais c’est aussi efficace que des jumelles, voire plus — ne stalkez pas vos voisins comme Renan Luce, c’est illégal.
De l’autre côté, on retrouve le Nokia 8210 équipé d’un appareil photo (si, si) de 0,2 MP, soit 250 fois moins que le Honor — mais quasi quatorze fois moins cher aussi. J’ai quand même activé le mode “haute qualité” et je n’ose imaginer à quoi ressemblent les photos sans cela. Mais ce qu’a le Nokia et qu’aucun smartphone de grande qualité ne pourra jamais avoir, c’est son pouvoir de nostalgie.
Tous les gens qui croisaient la route de mon frigo ont adoré les photos qu’il prenait. Vous savez, comme quand un enfant vous fait un dessin ultra-moche, mais que vous l’adorez quand même parce que c’est juste un mioche innocent qui n’a pas encore entendu parler de prélèvement à la source et de chèque énergie. Il y a aussi ce petit grain très numérique qui nous rappelle le bon vieux temps des DivX piratés sur eMule et surtout le petit “clic” caractéristique à chaque prise photo, un son instantané qui en a fait frissonner plus d’un.
Je ne vous parle même pas de la vibe années 2000 qui est tout de suite revenue pour mes confrères, collègues et amis de la Gen Y. J’en soupçonne même d’avoir gardé leurs Skyblog de style “lamissdu91” dans un recoin d’Internet et d’avoir secrètement continué à les entretenir toutes ces années. Prendre un selfie bouche en cul-de-poule sans même voir l’aperçu, est-ce que ce n’est pas ça, le vrai lâcher-prise, finalement ?
Round 3, le crash-test de la manif
Quand j’ai expliqué aux deux représentantes de Nokia et Honor que j’allais emmener les téléphones en manifestation, l’une a plus tiqué que l’autre. Sans surprise, il y avait un peu plus d’inquiétude pour le smartphone à plus de 1 100 euros que pour le bigo capable d’encaisser un tir de flashball. Et en même temps, quoi de mieux qu’un mouvement social pour tester en conditions réelles un objet du quotidien ?
Sans conteste, le Nokia 8210 se retrouve bien plus efficace face aux nasses, aux micros saturés de la CFDT et aux 20 000 pas qui séparent Invalides de la Place d’Italie. Pas de problème de réseau, une batterie à toute épreuve, et aucune crainte de le casser. D’ailleurs, l’équipe de Nokia m’explique que les plus jeunes, pourtant biberonnés aux smartphones, achètent beaucoup de “feature phones” de ce genre avant la saison des festivals : la garantie de tenir trois jours sans se laver ni recharger son téléphone.
Après, il est vrai que le Honor arrive aussi très bien à prendre de belles photos de manifestations, au cœur d’une charge de CRS, le mode “action” est très impressionnant. Mais il faut rivaliser avec les photos du Nokia qui ont cette petite vibe “manifestation de 2006 contre le CPE”.
À noter quand même, le Magic 5 Pro m’a permis de repérer le youtubeur italien Luis qui était en train de tourner la conclusion de sa fameuse vidéo sur le test de croissants en pleine manif parisienne. Spotted Luis, tu n’échapperas pas aux zooms du Honor.
Conclusion
Si le Nokia 8210 m’a permis de respirer hors des écrans un temps… c’est très chiant de ne pas avoir accès à la technologie tout de même. Je dois admettre que je suis sûrement plus accro à mon téléphone que je le pensais et ma digital detox n’aura pas tant fonctionné. Pour un festival, une rando ou un concert de metal, je ne dis pas que je ne reviendrai pas, ponctuellement, sur ce petit frigo, mais cela s’arrête là.
Avec le Honor Magic 5 Pro, force est de constater que j’ai apprécié posséder, un temps, un des derniers téléphones premium qui coûte un bras — moins cher qu’un iPhone ou un Samsung quand même, trois quarts de bras, on dira. Le dégainer pour faire des photos dignes du dernier National Geographic ou tout simplement regarder la dernière vidéo du youtubeur à la mode comme à la maison, oui, c’est plus agréable que de retourner dans l’innocence de ma période Skyblog. Move on, comme on dit.
Le Honor Magic 5 Pro est disponible à partir de 1099 euros, le Nokia 8210 4G, créé et commercialisé par HMD Global, à partir de 79 euros. Les deux téléphones ont été prêtés dans le cadre de phases de tests proposés à la presse.