Avez-vous entendu parler du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) ? Probablement pas, et ce, pour une raison assez simple : ce projet de loi ne concerne que 55 millions d’internautes français. Mais aux yeux des médias et de la communication gouvernementale, c’est évidemment une population bien trop minime, surtout quand on la compare aux quelques dizaines de jeunes filles qui ont souhaité porter un vêtement ample jugé “religieux” pendant la rentrée scolaire.
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Voté par le Sénat en juillet dernier, le projet de loi SREN, aussi appelé “Espace numérique”, vise à réguler les dérives sur Internet et à renforcer la protection de ses utilisateurs, en particulier les mineurs. Cette loi s’inscrit dans la continuité de la loi Avia de 2020 qui devait déjà s’attaquer à l’épineux sujet de la haine en ligne et qui impose aux plateformes de retirer un contenu jugé haineux ou dangereux dans les vingt-quatre heures qui suivent sa publication.
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Dans les faits, la mesure manque d’application, tout comme la loi (aussi votée en 2020) qui prévoyait une vérification plus sévère de la majorité pour accéder à des sites pornographiques. Le problème reste bien souvent le même : comment conserver l’anonymat du Web tout en identifiant qui est mineur ou majeur ? Restées au point mort, ces lois reflètent une certaine déconnexion, sans mauvais jeu de mots, des pouvoirs publics face aux réalités techniques que sous-entend la surveillance d’Internet.
Nouvelle loi, mêmes problématiques ?
Le projet de loi SREN s’inscrit dans la même continuité. Les deux premiers sont justement là pour renforcer les obligations imposées aux sites pornographiques de vérifier si leurs utilisateurs sont majeurs. Pour le moment, le projet évoque une seule solution technique : passer par un tiers de confiance qui délivrerait un “jeton” confirmant la majorité de l’utilisateur. Cela signifie donc qu’un tiers institutionnel est impliqué dans le fait qu’un utilisateur va visiter un site pornographique.
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Comme le souligne la Quadrature du Net, des pays comme le Royaume-Uni ou encore l’Australie avaient essayé de recourir à des systèmes de filtrage et de vérification à l’entrée des sites pornographiques, avant de définitivement enterrer leurs projets en 2019, faute de pouvoir réellement les appliquer.
Même constat pour les nouvelles mesures mises en place par la loi de juillet dernier sur la “majorité numérique“. Si cette dernière vise à lutter contre la haine en ligne, son application se heurte encore et toujours aux réalités techniques.
Instaurant une interdiction pour les moins de 13 ans de se créer un compte sur les réseaux sociaux ou imposant à ceux entre 13 et 15 ans d’avoir l’accord de leurs parents, cette loi nécessite ici encore que le concept de “majorité numérique” soit défini sans entrer en contradiction avec le principe d’anonymat sur Internet et de respect de la vie privée. Cela met d’ailleurs la loi en porte-à-faux avec la législation européenne dont la Commission doit d’ailleurs bientôt décider de sa conformité.
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De potentielles dérives autoritaires
Si les intentions comme lutter contre la haine en ligne ou restreindre l’accès des mineurs à la pornographie sont louables, les méthodes questionnent.
Sur la censure des sites frauduleux, la loi SREN va plus loin. Si autrefois cela relevait d’une autorité judiciaire qui prononçait la censure, la loi SREN pourrait permettre à l’administratif, en l’occurrence l’Arcom, de censurer immédiatement ces sites, sans passer par un jugement. Une mesure potentiellement liberticide que des collectifs comme la Quadrature du Net dénoncent.
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Emmanuel Macron répondait il y a peu au micro d’HugoDécrypte en expliquant que l’interdiction de réseaux sociaux pourrait être décidée comme une peine pour des harceleurs ayant été auteurs de cyberharcèlement. Si l’article 5 en fait à nouveau mention, là encore, il n’y a aucune précision quant aux moyens techniques utilisés pour garantir l’application de la sanction si ce n’est qu’il faudra le demander aux plateformes en ligne. Comment savoir s’ils récidivent sans contraindre l’anonymat et le respect de la vie privée sur Internet ? Mystère.
Enfin, l’article 6 prévoit même de censurer directement via les navigateurs web. Auparavant, c’était via les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) que les quelques fermetures de sites s’opéraient, et dans un cadre qui respecte la zone de législature nationale – les FAI dont les adresses IP de connexion sont situées sur le territoire français. Avec cet article 6, les navigateurs auraient l’obligation de se soumettre au même jugement. La Fondation Mozilla, derrière le navigateur Mozilla Firefox, proteste d’ailleurs et a lancé une pétition contre cette loi.
Dans son communiqué, la Quadrature du Net évoque une possible généralisation du “contrôle d’identité en ligne” qui sous-entendrait nécessairement la mise en place d’une identité numérique d’État, ce qui serait en totale incompatibilité avec les droits d’anonymat et de libre circulation sur l’Internet mondial.
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