GP Explorer 2 : il faut qu’on parle du traitement de l’accident de Manon Lanza

Publié le par Julie Morvan,

© Douglas McWall/Instagram

Vous reprendrez un peu de sexisme avec votre course ?

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Samedi dernier, le GP Explorer 2, la grande course de Formule 4 annuelle entre vingt-quatre personnalités d’Internet, se tenait au Mans. Squeezie nous a une fois de plus régalé·e·s avec un spectacle automobile de qualité mais aussi des happenings surprises en folie. Des invités de renom du milieu de l’automobile comme Pierre Gasly et Esteban Ocon ont redoublé de figures vrombissantes, GMK a embarqué Inox, Ragnar et Michou à bord d’une course euphorique… Bref, les 60 000 personnes sur place et le 1,3 million de viewer·euse·s étaient servi·e·s.

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Pourtant, ce week-end, c’est un tout autre événement du GP qui a beaucoup fait parler. Et en mal. Après les qualifications et le tour de formation, la course a débuté à 18 h 35 en départ lancé, et au bout de quelques minutes… Manon Lanza, la vidéaste spécialisée dans les sports extrêmes, et Maxime Biaggi, le comédien, animateur et streameur, se sont percutés dans un virage. Un incident comme il en survient très régulièrement dans le monde de la course automobile.

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Un drapeau jaune plus tard suivi d’un drapeau rouge, la course a été suspendue avant de reprendre, mais sans les deux pilotes. Si Maxime semblait s’en être sorti sans blessure – mais avec une immense déception –, Manon a dû être transportée à l’hôpital en ambulance.

Et pourtant, face à l’éventuelle gravité de la situation, des internautes ont décidé de la blâmer sur les réseaux sociaux pour l’accident, faisant déferler sur elle une gigantesque vague de haine sexiste. Si, sur place et en ligne, des mesures préventives ont été prises pour l’endiguer, la première réponse à ce cyberharcèlement était un silence assourdissant.

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Un traitement maladroit de l’accident

Évidemment, quand on anime un événement pareil en direct, aucune place n’est laissée au silence, à l’incertitude ou à l’attente. Il faut combler, fournir des images, tenir au courant de ce qui se passe, sans virer au sensationnalisme. Au moment du crash, Kameto, un des casteurs, a demandé plusieurs fois au chat qui suivait le live Twitch de ne pas aller harceler Manon sur les réseaux. Les modérateurs ont également passé l’espace de conversation en emote-only, interdisant à quiconque d’écrire des propos – et limitant ainsi la diffusion de messages haineux.

Et en attendant la reprise de la course, il fallait bien que la production montre des images, tienne le public en haleine. Manon étant sous une bâche, dans un état incertain, prête à être transportée en ambulance, c’est tout naturellement vers Maxime que se sont tournées les caméras. Son immense déception communicative ne pouvait que susciter l’empathie des spectateur·rice·s, qui se sont empressé·e·s de scander son nom pour lui remonter le moral.

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Le sexisme décomplexé en ligne

Mais c’est là que les raids haineux ont pris de l’ampleur. En plus d’être accusée d’avoir provoqué un accident et suspendu la course, Manon était désormais désignée ennemie numéro 1 de Maxime, celle qui lui a gâché plusieurs mois d’entraînement et l’a rayé du classement de la course en une poignée de secondes.

Sur Instagram comme sur Twitter, les messages ont fusé : “Pourquoi ils mettent des femmes sérieux ?” et autres commentaires misogynes et insultants se sont succédé à une vitesse hallucinante. Si certain·e·s participant·e·s du GP ont immédiatement affiché à Manon leur soutien sur les réseaux, dont Maxime, voire ont tenté de répondre aux insultes, comme Ana, la coéquipière de ce dernier, les organisations officielles ont mis plus de temps à répondre.

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Ironie du sort : ces raids haineux se sont fait avoir par leur propre misogynie. Sur X (ex-Twitter), plusieurs Manon se sont plaintes d’être victimes de cyberharcèlement, les internautes les confondant avec la principale intéressée.

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Pire, Ana elle-même a subi des attaques sexistes. Vous comprenez, les femmes se ressemblent tellement, on finit par les confondre, surtout quand elles ont à peu près la même couleur de cheveux… Le sexisme n’a décidément pas de limites, en particulier dans sa bêtise.

Interrogée par Le Parisien hier, Manon s’est exprimée à ce sujet : “Il y a une part du monde qui ne tourne pas rond. Qu’on se serve de la moindre erreur pour médiatiser du sexisme, c’est inacceptable. On touche à toute la gent féminine à travers moi. Pouvoir lire encore ‘Femme au volant, mort au tournant’, c’est consternant en 2023. Ils se servent de moi pour remettre une couche de sexisme…”

Le retard d’une prise de position claire contre le sexisme en ligne

Si personne sur place ne semblait être au courant de la situation de Manon, celle-ci a rassuré sa communauté dans sa story Instagram : “Je vais bien, les examens sont positifs”, écrivait-elle le soir même. “Je vous aime, à très vite.”

Toute la soirée et le lendemain, les photographies et prises de parole des participant·e·s à la course sur les réseaux sociaux communiquaient en majorité l’euphorie post-course, éclipsant et réduisant au silence l’accident de Manon. Seul·e·s quelques-un·e·s, comme Depielo, grand vainqueur de la course, se sont prononcé·e·s sur l’accident :

“[…] J’ai été un peu obligé de me mettre en mode robot pour profiter un minimum, et j’ai fini par avoir Manon de vive voix ce matin pour me rassurer. Plus de peur que de mal. Un incident de course, ça arrive, c’est généralement deux pilotes qui ne se comprennent pas sur la piste. J’ai pas vu toutes les images ni le replay pour le moment. Ce que je sais, c’est que Maxime et Manon ont voulu faire de leur mieux, être compétiteurs et faire du spectacle. Et cela fait partie de la course. On ne reste que des amateurs qui avons une chance incroyable. Prends soin de toi, championne.”

Ce n’est que vingt-quatre heures après l’accident que le compte Instagram du GP est sorti du silence, précisant d’abord que “Manon va bien”, avant de rappeler que ce genre d’incident est courant en sport automobile, arrivant “aux hommes comme aux femmes”. Enfin, un dernier message s’est prononcé sur la vague de haine : “Le GP Explorer condamne fermement les nombreux propos sexistes dont Manon a été victime ces dernières 24 heures, ainsi que le harcèlement sous toutes ses formes.”

Une communication plus que nécessaire, mais tardive. L’important était de s’emparer le plus rapidement possible du sujet du cyberharcèlement, quitte à le condamner en direct. Ç’aurait été le meilleur moyen d’opposer une réponse claire à cette vague de haine, d’éduquer les internautes et de montrer aux femmes participant à l’événement et y assistant que oui, elles ont bien leur place, sont soutenues et protégées par les organisateur·rice·s.

Heureusement qu’il existe des femmes comme Manon pour ouvrir la voie et donner l’exemple à toutes les jeunes femmes qui n’osent pas, ont peur de subir de telles attaques, à défaut d’avoir la garantie d’être soutenues immédiatement par les organisations d’événements sportifs d’une telle ampleur. Comme il est précisé sur le site de Manon, allonsrider.fr : “Les hommes prennent toute la place. C’est sur ce constat que nous avons décidé de créer allonsrider. Nombreuses sont-elles à être talentueuses, à risquer leur vie pour leur passion. Nombreuses sont-elles à jouer dans l’ombre. Réduites à des fesses imprimées sur papier glacé, il est temps de montrer ce dont elles sont capables. L’amour du sport est unisexe, mais sachez dorénavant que le talent l’est aussi.”

Face à ce sexisme décomplexé et enveloppé d’un silence assourdissant en guise de réponse sur Internet, il est temps que les organisateurs d’événements en ligne, sportifs et bien plus prennent leurs responsabilités. Et agissent.